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Je ter­mi­nais ma pre­mière chronique à pro­pos de l’Ukraine, en ren­voy­ant sur une pub­li­ca­tion éclairante datant d’a­vant l’in­va­sion russe, issue de partages mil­i­tants en Ukraine, et revenant sur les dix dernières années de ce pays.

Cette pub­li­ca­tion, entre autres, tord le cou à l’ar­gu­men­taire de Pou­tine con­cer­nant les “néo-nazis” dont il se tar­guait de “débar­rass­er l’Ukraine”. Retour du karcher à Kiev.

Cet argu­ment étant mal­heureuse­ment util­isé jusqu’à plus soif, pour défendre l’indéfend­able dans la vieille gauche européenne, et prin­ci­pale­ment en France, j’y reviens en deux mots.

Pou­tine l’u­tilise en référence à l’his­toire, à des­ti­na­tion du peu­ple russe. S’il fouil­lait quelques décen­nies en arrière, il trou­verait aus­si dans l’his­toire de l’Ukraine, la façon dont l’URSS stal­in­i­enne a con­damné cette région paysanne à la famine, pour la “redress­er”. Le mou­ve­ment anar­chiste en sait quelque chose, lui aussi.

Mais revenons à cette réal­ité de 2014 et aux deux soulève­ments soci­aux d’où provi­en­nent ces éti­quettes de néo-nazis accolées à l’Ukraine, surtout par une gauche chau­vine qui pour part n’a pu se résoudre à faire le deuil de son passé stal­in­ien, et pour l’autre, développe une vision “camp­iste” des choses.

Afin de ne pas avoir à jus­ti­fi­er ce dernier mot, je vous livre une réflex­ion de Cather­ine Samary, certes longue, mais claire et limpi­de, de ce qu’il signifie.

J’en prof­ite au pas­sage pour ren­dre hom­mage à quelqu’une que j’eu le plaisir de côtoy­er bien plus jeune, et de retrou­ver juste­ment dans les années 1990, lors de l’é­clate­ment de l’Ex-Yougoslavie, parce qu’elle a tou­jours eu un posi­tion­nement sur ces ques­tions, intel­lectuelle­ment bril­lant et juste, hors du con­fu­sion­nisme de la gauche ex stal­in­i­enne ou sociale démocrate.

Pou­tine s’ap­puie donc sur une réal­ité qu’il a con­tribué à forg­er. Si les néo-nazis en Ukraine ont con­sti­tué des groupes act­ifs et à la suite, inté­gré cer­tains secteurs, c’est à la fois aidés par La Russie via déjà la présence de Wag­n­er que l’on con­naît aujour­d’hui, et, en même temps, avec l’in­stru­men­tal­i­sa­tion améri­caine. Cette irrup­tion des néo-nazis dans les mou­ve­ments soci­aux fut vis­i­ble, réelle, et aidée. On peut affirmer que, comme pour les révo­lu­tions arabes, les mêmes furent à la manoeu­vre pour les dévoy­er et en priv­er, là en l’oc­curence le peu­ple ukrainien. Et il est cocasse de con­stater que Pou­tine pré­tend purg­er l’Ukraine des ultra-nation­al­istes qu’il a con­tribué à dévelop­per, et qui lui furent fort utiles pour priv­er, là encore, les volon­tés séparatistes du Don­bass de réels représen­tants indépen­dants de la Russie.

Mais nous ne sommes plus en 2014, et ce que les pop­u­la­tions ukraini­ennes n’ont pas obtenues alors, elles l’ont inté­gré dans les têtes, en une généra­tion. Élec­torale­ment, l’ex­trême droite totalise un pour­cent­age que la France aimerait bien avoir, puisqu’en ce qui la con­cerne, l’ex­trême droite pop­uliste et iden­ti­taire représente dix fois plus. Au sec­ours Poutine !

Le gou­verne­ment ukrainien, comme nom­bre de ceux issus de cir­con­vo­lu­tions d’après chute des murs, n’est pas exempt de cor­rup­tion et d’oli­gar­ques non plus. Mais il est à l’im­age d’autres “démoc­ra­ties” au sein de l’UE.

Il me sem­ble pour­tant que si la Hon­grie était attaquée, nous con­sid­ére­ri­ons que, comme tou­jours, c’est un peu­ple qu’il faudrait soutenir et défendre.

Alors pourquoi ici, s’évertuent-on à traîn­er le peu­ple ukrainien dans la boue, tan­dis que les sol­i­dar­ités d’E­tats jouent, pour jus­ti­fi­er un chau­vin­isme de vieille gauche, qui se drap­erait dans la toge de Jaurès ?

Lorsque la Pologne, la Tchéquie, fil­tre les migrants, en écho aux fumeux débats forte­ment racistes de chaînes d’in­fos, pourquoi cer­tains s’achar­nent-ils à met­tre cela sur le dos de déci­sions ukraini­ennes, en pleine guerre ? Ukrainiens = racistes = nazis. Est-ce là le dis­cours sub­lim­i­nal d’une gauche qui a exonéré Pou­tine depuis trop longtemps, sous le pré­texte de désign­er un “enne­mi prin­ci­pal”, au tra­vers de l’OTAN, qui est l’im­péri­al­isme américain ?

Pour qui doit oeu­vr­er une gauche sociale ? Pour les Peu­ples ou pour des camps idéologiques ? Curieux de voir à quel point les pop­ulismes se moquent des peu­ples, et n’ont que le mot à la bouche.

Pas curieux non plus de voir que toutes ces gauch­es sont étatistes, en plus d’être élec­toral­istes et oppor­tunistes. Cette guerre en Ukraine agit comme un phare.

J’a­ban­donne la polémique pour ne pas laiss­er croire que ces mêmes gauch­es seraient en attente, hors des mobil­i­sa­tions de sou­tien, ce qui est factuelle­ment faux.
Cette gauche fait du “en même temps”.

Elle con­damne une agres­sion, mais désigne l’OTAN comme catal­y­seur de celle-ci, trans­for­mant qua­si en légitime défense une vio­la­tion car­ac­térisée des droits légitimes d’un peu­ple, oublié dans l’équa­tion et à qui, au nom de la paix mon­di­ale, on enlèverait le droit à l’au­to-défense. Je remar­que égale­ment que, quand le peu­ple ukrainien lui-même se tourne vers l’UE, dans un choix qui est le sien, on lui dénie le droit à l’er­reur, et le ren­voie dans le giron d’une ex URSS, de fac­to. Un peu­ple qui ne serait pas mûr de ces déci­sions ? Trop près encore du réveil ? Quel pater­nal­isme occidental !

Avec tout le mal qu’on puisse penser de la con­struc­tion cap­i­tal­iste européenne, on peut légitime­ment com­pren­dre que son “marché” est pour­tant resté en paix, et que désir­er rejoin­dre la paix de celui-ci, plutôt que les ges­tic­u­la­tions paci­fistes d’un Pep­pone “anti nazi”, reste une déci­sion souveraine.

Cela ne sig­ni­fie en rien soutenir une thèse d’un “indis­pens­able para­pluie de l’OTAN”, ni celle d’une “mod­erni­sa­tion européenne inéluctable de l’Ukraine”. Mais souhaiter un avenir à ces pop­u­la­tions com­mence par le fait de les aider à faire sor­tir les troupes russ­es de leurs ter­ri­toires, pour leur garan­tir une vie capa­ble de choix. Ils résis­tent, et con­tribuer à aider cette résis­tance, du sim­ple pavé où on défile, à l’arme dont ils ont besoin, il y a une palette que l’on voit se dévelop­per, fort heureusement.

Bien sûr, les Etats européens ont leur agen­da, tout comme les Etats-Unis. Les mêmes ont aus­si des intérêts dans l’arme­ment, entre autres… Tout comme la “coali­tion” en avait en Syrie, au sor­tir de l’I­rak. Quel purisme révo­lu­tion­naire aurait voulu priv­er les Kur­des et les Assyriens ou Arabes de Syrie d’une aide mil­i­taire ? Tout cela au nom des arrières pen­sées occi­den­tales, dra­peau de paix en main ? Qui aurait préféré une vic­toire russe con­tre Daech sans le Rojava ?

Qui jus­ti­fierait aujour­d’hui le dis­cours d’Er­doğan sur sa “zone d’in­flu­ence his­torique” et la néces­saire pro­tec­tion de ses fron­tières con­tre “la men­ace kurde” ?

Oui, mais c’est pas pareil ! Alors qu’on m’explique…

Les volon­taires inter­na­tion­al­istes qui sont allé.es com­bat­tre au Roja­va seraient-iels des va-t-en guerre ? Auraient-iels ajouté “la guerre à la guerre”, en même temps que l’aide intéressée alors de la coali­tion ? J’ai sou­venir là, de voix qui ten­taient d’ex­onér­er un Bachar, au nom des équili­bres de paix, en 2011.

Ce qui est ma clé de com­préhen­sion, c’est celle de l’in­térêt des peu­ples, leur droit à choisir libre­ment leur des­tin, de met­tre en place leur auto-gou­ver­nance et donc… de faire appel à plus grands qu’eux lorsqu’ils sont en résis­tance con­tre les tyrans, sans devenir valets pour autant de leur sec­ours. Et ces peu­ples n’ont pas choisi la guerre, mais s’y trou­vent plongés. Observ­er leur mort, pour qu’ils vivent en paix, n’est pas une solu­tion, sauf à se repli­er dans le con­fort de la con­som­ma­tion cap­i­tal­iste, sur son marché, en paix, dans nos emplois. Atten­tion, on revendique quand même ! Mais on ne veut pas de leur Moyen-Age, ni des réfugiés qu’il entraîne.

Avant de clore cette deux­ième attente de la bombe, je voudrais dire deux mots sur une autre espèce, qui se repaît des guer­res, surtout lorsqu’elles sont médi­atisées. Une espèce qui déjà, là encore, avait fleuri autour du siège de Sara­je­vo. De celle qui comme Mal­brough, s’en va en guerre, et sait qu’on la ver­ra. Cette espèce qui vient comme une moi­sis­sure, se fix­er sur les sol­i­dar­ités avec un Peu­ple, pour mieux pren­dre des forces et des vis­i­bil­ités médi­a­tiques, afin de régler des comptes intérieurs. La voilà réap­parue avec les jon­quilles de print­emps, en république, boost­ée qu’elle est tout autant par la pour­ri­t­ure poli­tique de la sociale démoc­ra­tie. Celle là veut la guerre, et en être les généraux médi­a­tiques. Retombées élec­torales obligent.

Entre 1993 et 1996, ils ont phago­cyté le mou­ve­ment autonome de sou­tien autour de la Bosnie. Plus tard, cer­tains ont soutenu l’idée de l’in­va­sion d’I­rak, et bien sûr ont joué le rafale en Lybie. Les mêmes ont fait des films sur les Kur­des, car­i­cat­u­rant leur lutte au nom de leur islam­o­pho­bie en France. Vous aurez recon­nu la bande, qui voudrait agir en francs tireurs, sur des plateaux TV.

Voilà, il n’y aura pas assez de place pour tout le monde, pour ren­dre encore plus con­fuse cette attente.

J’e­spère pou­voir abor­der un peu l’avenir, les ques­tions d’ar­chi­tec­ture de paix européenne, la redéf­i­ni­tion par de nou­velles con­férence des peu­ples, la dis­pari­tion de l’OTAN et le désarme­ment mon­di­al, que nous deman­derait cette guerre, où il est ques­tion de “dis­sua­sion nucléaire”. Et que cesse cette guerre !

Je suis loin d’en avoir terminé.

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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…