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Nous sommes, à sa demande, entrés en contact avec Mezher Kartal, dont la rétention administrative au centre du Mesnil-Amelot se poursuit.
Plus que jamais, la menace d’une expulsion vers la Turquie qu’il a fuit pèse sur lui. Cette menace, et cette détention absurde, alors que sa compagne est libre de ses mouvements et doit prochainement se rendre aux rendez-vous de l’OFPRA, n’a pas de sens au regard même du droit d’asile qui ne peut séparer les familles.
Leur cas a déjà fait l’objet d’articles de presse, d’une saisine d’association comme le MRAP, et de création d’un collectif de soutien qui s’active, avec des avocats. Dans le contexte sécuritaire français, et avec toutes les tensions politiques autour du droit d’asile, il devient particulièrement compliqué de résoudre des cas pourtant simples, puisque les persécutions dans le pays d’origine, la Turquie, ne peuvent être ici contestées.
Mezher Kartal était en Turquie un militant actif du Parti démocratique des peuples (HDP) de la ville de Diyarbakır. Il est arrivé en France, avec sa compagne Ruken, le 17 juillet 2021 et demandé asile en France. Sa demande d’asile fut pourtant rejetée par l’OFPRA, le 16 septembre dernier, avec prononcé d’une obligation de quitter la France (OQTF).
Lors de notre conversation téléphonique, Mezher Kartal s’exprime ainsi :
“Ils nous ont dit que nous allions être libéré.e.s. Mais ensuite ils m’ont rappelé dans le bureau, et m’ont dit qu’ils me gardait. Ma compagne fut elle, libérée.
Depuis, je suis au Centre de rétention administratif du Mesnil-Amelot. Tous les quatre matins on m’impose un test PCR. Je sais que c’est pour me renvoyer, alors je le refuse. A chaque refus, on ajoute 28 jours de rétention en plus. Et cela dure depuis presque cinq mois.
Je ne comprends pas pour quelle raison ma demande d’asile est rejetée. Cette décision défavorable n’était pas motivée. Je ne comprends vraiment pas… Pourtant, mon dossier expose ma situation clairement et avec les documents et preuves nécessaires, jusqu’aux articles de presse.
Comme beaucoup d’opposants au régime, je me suis retrouvé devant les tribunaux turcs. Je fus d’abord poursuivi pour “insulte au Président Erdogan” pour un partage sur les réseaux sociaux, mais pas que… Par exemple, plus récemment, un nouveau dossier qualifié de “secret”, a été ouvert à mon encontre à Adana, avec des accusations plus graves, qui se basent sur les déclarations d’un témoin “secret”. D’ailleurs, suite à cela, la police a inquiété ma famille par téléphone, et elle a frappé aussi à leur porte.
L’histoire de ma famille est remplie de persécutions. Mes frères sont actuellement en prison. Ma grande soeur Zelal est une combattante, tombée martyre. Ma jeune soeur a été elle aussi placée en garde-à-vue. Mon frère participé aux grèves de la faim initiées par Leyla Güven, en 2019. Même ma mère fut arrêtée sans aucune raison véritable, alors qu’elle entrait dans le local du HDP. En fait, la police l’embête, parce qu’elle ne se tait pas sur le sort des Kurdes, et ils l’embarquent. Placée en garde-à-vue pendant 36 heures, puis relâchée, mais sanctionnée d’une interdiction de sortie du territoire. Ma mère est une “Mère de la paix”. Vous le savez, les “Mères de la paix” ont constitué un mouvement de droits civils des femmes… C’est depuis 1999, que les mères tentent de ramener la paix en Turquie par des moyens non violents.
Quant à moi, j’ai été obligé de quitter la Turquie avec ma compagne, qui elle aussi a une histoire lourde. Nous sommes venus demander asile à la France, pour échapper à la persécution et à la prison. Mais je me retrouve, ici même, emprisonné…”
En effet, garder en centre de rétention pour migrants, une personne qui, même déboutée en premier lieu pour des raisons qui dépassent notre entendement, et dont le dossier personnel et familial est une illustration de ce que subissent les Kurdes qui continuent à s’opposer au régime de Turquie, est une aberration quand on sait que par ailleurs des personnes recherchées pour crimes de guerre (Rwanda par exemple) sont en liberté en France. Cette conception punitive du droit d’asile est une interprétation qui correspond davantage aux discours qui fleurissent qu’à la réalité des traités européens. Les associations qui soutiennent Mezher Kartal se tourneront à cet égard devant les juridictions européennes.
Mezher poursuit :
“Après la réponse de refus de l’OFPRA, mon avocate a fait les procédures de recours qui suivent leur cours. Mais, ce recours n’est pas suspensif, et je suis toujours menacé d’expulsion. On réserve régulièrement des places d’avion pour m’expulser, et on me demande de faire un test PCR. Je refuse, alors 28 jours de rétention s’ajoutent à mon calvaire.
Ma compagne est dehors, seule, dans un pays dont elle ne connait pas la langue. Je ne comprends pas pourquoi je ne suis pas près d’elle. Elle a besoin de moi, car elle a été emprisonnée et a vécu des choses très graves. Elle en porte encore aujourd’hui les traumatismes psychologiques et elle est extrêmement vulnérable. A‑t-on le droit de séparer une famille ?
Je sais qu’il y a eu des manifestations, des articles de journaux, des appels pour attirer l’attention sur notre cas. Des organisations de société civile, collectifs, des partis politiques ont signé ces appels. Mais rien ne change. Je suis toujours ici, sous menace d’expulsion.
Maintenant, j’attends le 28 décembre, le jour ou je serai à nouveau devant une Commission. Ma femme a aussi son entretien avec l’OFPRA le même jour.”
Nous ne pouvons pas retourner en Turquie. Dès que nous mettrons nos pieds sur le sol turc, nous serons emprisonné.e.s.”
Il est évident que cette date du 28 décembre, en pleines festivités de fin d’année, alors que presque tous ont le nez dans le sapin, quand ce n’est pas dans les péripéties électorales françaises, une expulsion, qui pourrait être double, passerait inaperçue. Et même si les deux gagnaient leurs recours par la suite, il serait alors trop tard pour les sortir des geôles turques où elles seront jeté.e.s.
Il est donc plus qu’urgent que l’OQTF soit abrogé, d’autant qu’il n’a pas une validité éternelle, et donc ne soit pas reconduit administrativement sans motif. Il faut pour cela continuer à interpeller sans relâche les autorités.
Comme le communiqué ci-dessous (en pdf ici), du Collectif Solidarité Kurdistan 13 le suggère, vous pouvez…
- Mettre la pression et demander la libération de Mezher, en appelant le CRA au 01.60.54.40.00 / 01.60.54.40.60 ou la préfecture au 01.64.71.77.77
- Ecrire au Président Emmanuel Macron.
liberte-mezher@riseup.net