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En Turquie, les vio­lences faites aux femmes et les fémini­cides se pour­suiv­ent sans relâche. Les femmes sont assas­s­inées, qua­si  tou­jours par un homme de leur proche entourage, mari, ex ami, père, frère… Par­mi elles, Pınar Gül­tekin, une étu­di­ante de 27 ans. Déclarée dis­parue pen­dant cinq jours, son corps fut retrou­vé le 21 juil­let, dans les bois de Muğla, dans l’ouest de la Turquie. Elle a été tuée, et son corps brulé en par­tie ensuite, puis enter­rée par son ex ami. L’homme fut arrêté. Il l’au­rait tuée “parce qu’elle refu­sait d’être avec lui”. Pınar fut enfin inhumée le 22 juillet.

Pınar n’est pas la pre­mière, et ne sera pas hélas la dernière vie enlevée dans ce pays où les noms des femmes vic­times de fémini­cides sont gravés sur un mon­u­ment comp­teur. qui con­tin­ue à tourn­er de plus en plus vite.… Les derniers chiffres mon­trent pour l’an 2015, 293 vic­times ;  2016, 286 ; 2017, 394 ;  2018 403 ; 2019 416 ; et pour l’an 2020, nous en sommes à 141.…

Pınar Gül­tekin

Avec la mort de Pınar, la remise en ques­tion de la Con­ven­tion d’Is­tan­bul par les autorités turques, pointée par les fémin­istes et défenseurEs des droits, occupe l’ac­tu­al­ité et les débats.

Nos lec­tri­ces et lecteurs con­nais­sent les phras­es suiv­antes, qui revi­en­nent sans cesse dans les pages de Kedis­tan, comme dans tous les médias opposants en Turquie, qui arrivent à sub­sis­ter mal­gré toute l’oppression…

Les formes de dom­i­na­tion patri­ar­cales et les con­séquences d’un fonc­tion­nement exac­er­bé de celles-ci, encour­agées par les poli­tiques sociales et famil­iales con­ser­va­tri­ces et big­otes du régime, empris­on­nent les femmes dans le rôle de “bonne épouse obéis­sante dont l’u­nique car­rière est la mater­nité” dans toutes les strates de la société turque. Des traite­ments avan­tageux lors des procé­dures d’ar­resta­tion et de pour­suite, ain­si que des réduc­tions de peines dans la jus­tice, dotent les auteurs de vio­lences et de fémini­cides, d’un sen­ti­ment d’im­punité. Par ailleurs, les organ­i­sa­tions de société civile qui oeu­vrent pour la défense des droits des femmes, les mil­i­tantes fémin­istes, les man­i­fes­tantes reçoivent à leur tour leur part de vio­lence poli­cières et juridiques.

Et, allant encore plus loin dans leur démarche belliqueuse envers les femmes, adossés au dis­cours con­ser­va­teur, big­ot et machiste, les respon­s­ables indi­rects des vio­lences et fémini­cides remet­tent aujour­d’hui la Con­ven­tion d’Is­tan­bul en question.

En ce qui con­cerne Pınar Gül­tekin, Erdoğan s’ex­pri­ma avec ses for­mules habituelles… Les “jour­nal­istes” au ser­vice du régime turc répè­tent ses pro­pos d’une seule voix, “Le prési­dent de la République turque Recep Tayyip Erdo­gan a déclaré qu’il maud­is­sait tous les crimes com­mis con­tre les femmes. Dans un mes­sage partagé sur son compte Twit­ter, le chef d’État turc a souhaité la béné­dic­tion d’Allah à Pinar Gul­tekin, qui a été tuée par son ancien petit-ami, et de la patience à sa famille, ses amis et à tous ceux qui l’aiment et qui sont en deuil. ‘La souf­france de Pinar Gul­tekin nous a pro­fondé­ment attristé. Je maud­is tous les crimes com­mis con­tre les femmes’, a‑t-il martelé. Le prési­dent Erdo­gan a dit qu’il suiv­rait per­son­nelle­ment le procès.” (Sic TRT en français).

Dans le même temps, c’est la remise en cause de la sig­na­ture de la Con­ven­tion d’Istanbul.

Mais la Convention d’Istanbul, qu’est-ce ?

La Con­ven­tion d’Istanbul, est un traité inter­na­tion­al et essen­tiel sur les vio­lences faites aux femmes. Il est con­sid­éré en Europe, comme le traité le plus avancé jusqu’au­jour­d’hui en matière de lutte con­tre les vio­lences faites aux femmes. Bien sûr résul­tat de négo­ci­a­tions, ce n’est pas l’al­pha et l’omega, mais il avait ouvert une brèche.

La “Con­ven­tion sur la préven­tion et la lutte con­tre la vio­lence à l’é­gard des femmes et la vio­lence domes­tique” du Con­seil de l’Eu­rope, égale­ment con­nue sous le nom de “Con­ven­tion d’Is­tan­bul” dont vous trou­verez le texte inté­gral ICI, repose sur la com­préhen­sion que la vio­lence à l’é­gard des femmes est une forme de vio­lence sex­iste qui est com­mise à l’en­con­tre des femmes parce qu’elles sont des femmes. Les Etats sig­nataires ont l’oblig­a­tion d’y répon­dre pleine­ment sous toutes ses formes et de pren­dre des mesures pour prévenir la vio­lence à l’é­gard des femmes, pro­téger ses vic­times et pour­suiv­re les auteurs. Le texte est en principe contraignant.

La Con­ven­tion d’Is­tan­bul a été signée en mars 2019, par 45 pays et par l’U­nion européenne. Le 12 mars 2012, la Turquie est dev­enue le pre­mier pays à rat­i­fi­er la con­ven­tion, suiv­ie par 33 autres pays entre 2013 et 2019 (Alban­ie, Alle­magne, Andorre, Autriche, Bel­gique, Bosnie-Herzé­govine, Chypre, Croat­ie, Dane­mark, Espagne, Fin­lande, Estonie, France, Géorgie, Grèce, Irlande, Islande, Ital­ie, Lux­em­bourg, Malte, Mona­co, Mon­téné­gro, Norvège, Macé­doine du Nord, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Por­tu­gal, Saint-Marin, Ser­bie, Slovénie, Suède, Suisse). La Con­ven­tion est entrée en vigueur le 1er août 2014.

Rap­pelons que l’ou­ver­ture de cette con­ven­tion à la sig­na­ture des Etats, fut effec­tuée le 11 mai 2011,  lors d’une réu­nion des min­istres au Con­seil Européen, par le même régime AKP, celui qui clame aujour­d’hui son abo­li­tion

Nous allons l’abolir si le peuple le veut”

Depuis plusieurs semaines, les autorités turques expri­ment leur souhait de la dénon­cer. Recep Tayyip Erdoğan, qui avait d’abord déclaré : “Nous allons l’abolir si le peu­ple le veut”, a annon­cé par la suite que la déci­sion con­cer­nant la Con­ven­tion d’Is­tan­bul serait com­mu­niquée au pub­lic le 5 août 2020 prochain.

En France, La Con­ven­tion d’Is­tan­bul, avait occupé l’ac­tu­al­ité en 2019, lors d’un Grenelle des vio­lences con­ju­gales. Vous vous sou­vien­drez cer­taine­ment des cri­tiques envers Mar­lène Schi­ap­pa, alors Secré­taire d’É­tat chargée de l’É­gal­ité, à qui on reprochait de ne pas recon­naître cette convention.

Dans sa démarche de dénon­ci­a­tion, un des “motifs” avancés par le régime turc, est le fait que la Con­ven­tion d’Is­tan­bul ne serait “ni nationale, ni locale”. Un motif de sou­veraineté nationale. Pour­tant, celle-ci, fut signée, comme son nom l’indique, à Istan­bul, et surtout, l’é­tape pré­para­trice fut ini­tiée par le Mou­ve­ment des femmes de Turquie.

Les témoins de l’époque et les “archi­tectes” de la con­ven­tion ont par­lé à  Bianet,  de la date d’en­trée en vigueur de la Con­ven­tion, 1er août 2014, et de l’im­por­tance de celle-ci. Je pense que leurs témoignages et com­men­taires sont pré­cieux pour com­pren­dre le rôle ce cette con­ven­tion et la grav­ité de la sit­u­a­tion actuelle…

Voici les pro­pos des trois femmes, Aylin Nazlıa­ka, députée du Par­ti répub­li­cain du peu­ple (CHP) ; Sel­ma Acuner, coor­di­na­trice du Lob­by européen des femmes (LEF) pour la Turquie, et l’u­ni­ver­si­taire Eylem Ümit Atıl­gan, du départe­ment de Philoso­phie du Droit et de Soci­olo­gie de l’U­ni­ver­sité de Girne.

Cette convention est notre boussole”

Aylin Nazlıa­ka, députée du Par­ti répub­li­cain du peu­ple (CHP) :

A cette époque, il y avait un air de fête au Par­lement. Et seuls qua­tre par­tis avaient des groupes dans l’Assem­blée. Si nous les réper­to­ri­ons par leur nom­bre de députés, il s’agis­sait de l’AKP, du CHP, du MHP et du HDP. Au cours de la 24ème lég­is­la­ture, il y a eu une seule et unique loi sur laque­lle les qua­tre par­tis poli­tiques se sont mis d’ac­cord : c’é­tait la Con­ven­tion d’Istanbul.
Les femmes par­lemen­taires de tous les par­tis ont pris la parole et ont exprimé leur fierté d’être les pre­mières sig­nataires de la convention.
En tant que députées de l’op­po­si­tion, nous avions souligné que le droit des femmes à l’é­gal­ité ne pou­vait pas être garan­ti unique­ment en apposant nos sig­na­tures au bas de cette con­ven­tion, et que le véri­ta­ble proces­sus venait de com­mencer et la con­ven­tion n’au­rait qu’une sig­ni­fi­ca­tion sym­bol­ique, si ses oblig­a­tions n’é­taient pas remplies.
Certes, au fil du temps, nous avons fréquem­ment cri­tiqué le gou­verne­ment AKP pour ne pas avoir respec­té les dis­po­si­tions de la con­ven­tion. Mais un tel envi­ron­nement irra­tionnel où l’abo­li­tion de la con­ven­tion était dis­cutée n’ex­is­tait pas encore. La Con­ven­tion d’Is­tan­bul a tou­jours été la bous­sole de notre lutte pour l’égalité.
Nous avons con­sid­éré celle-ci comme essen­tielle, sur le droit des femmes à la vie, et nous l’avons revendiquée avec insis­tance. Par­fois, nous avons enten­du des déc­la­ra­tions faites par des médias pro-gou­verne­men­taux ou des représen­tants de com­mu­nautés religieuses, sug­gérant que la Turquie pour­rait peut-être se retir­er de la con­ven­tion, mais nous les avions pris­es comme des paroles en l’air.
En fait, même les femmes cadres de l’AKP et la KADEM, l’as­so­ci­a­tion des femmes fondée par la fille du prési­dent Erdoğan, Sümeyye, se sont opposées à ces déc­la­ra­tions irrationnelles.

Le droit à la vie est le droit le plus fondamental”

Ensuite, l’an­née dernière, a été annon­cée comme can­di­date “unique” à la prési­dence de GREVIO, qui est l’ap­pareil de suivi et d’in­spec­tion de la mise en œuvre de la Con­ven­tion d’Is­tan­bul, non pas Prof. Feride Acar, [mem­bre du départe­ment des Sci­ences Poli­tiques et Admin­is­tra­tion publique de l’U­ni­ver­sité tech­nique du Moyen-Ori­ent à Ankara] l’une des per­son­nes qui a rédigé la con­ven­tion et prési­dente de GREVIO à l’époque, mais la Prof. Aşkın Asan,  prin­ci­pale du lycée religieux Imam Hatip Ten­zile Erdoğan… Ce fait nous prédi­s­ait dès l’an­née dernière, de futurs débats ridicules.
L’AKP est tombé dans le puits sans fin des communautés/sectes religieuses, il s’y débat. Or le droit à la vie est le droit humain le plus fon­da­men­tal. Alors que nos sœurs sont mas­sacrées sous nos yeux, tous les jours, alors qu’elles lut­tent rien que pour respir­er, le fait de deman­der à se retir­er de la Con­ven­tion d’Is­tan­bul, défen­dant la vie des femmes, sig­ni­fie le sou­tien à leur massacre.
Cette déci­sion revient à dire : ‘Je ne crois pas en l’é­gal­ité des femmes et des hommes, elle est con­traire à la créa­tion de l’homme’. Nous, les femmes, ne per­me­t­trons pas, bien sûr la révo­ca­tion de la sig­na­ture, nous ne com­pro­met­trons pas nos droits acquis. Nous ten­dons la main aux femmes de l’AKP égale­ment : Cette lutte nous appar­tient à toutes et tous !”

Seul le Parlement peut décider”

Si un Etat con­trac­tant décide de se retir­er de la con­ven­tion, l’an­nonce de la déci­sion est suff­isante, et le retrait peut être effec­tif trois mois plus tard. Ce proces­sus ne néces­site pas l’ap­pro­ba­tion des autres Etats con­trac­tants ou du Con­seil. Une noti­fi­ca­tion suf­fit… Il n’est pas pos­si­ble qu’un Etat puisse exprimer une réserve ou de join­dre une expli­ca­tion à ce stade. Cela aurait pu et du être fait au début.

Dr. Eylem Ümit Atıl­gan, pré­cise : “En ce qui con­cerne le retrait de la con­ven­tion en ter­mes de droit interne : Selon le dernier amende­ment con­sti­tu­tion­nel, le prési­dent n’est pas autorisé à pren­dre un décret sur les droits et lib­ertés fon­da­men­taux. Ain­si, il ne sem­ble pas pos­si­ble que la Turquie puisse se retir­er de la con­ven­tion par un décret du Prési­dent. Seul le Par­lement est autorisé à le faire. Le prix à pay­er pour le retrait se fera bien sûr sen­tir dans la poli­tique inter­na­tionale, plutôt que dans le droit inter­na­tion­al. Nous ver­rons quelles seront les réac­tions de l’U­nion européenne (UE) et du Con­seil de l’Europe”.

Et la discrimination, en cas de retrait ?

Les prin­ci­pales dis­po­si­tions de la Con­ven­tion d’Is­tan­bul sont déjà des principes con­sti­tu­tion­nels. Si ce qu’ils veu­lent con­tourn­er, c’est l’in­ter­dic­tion de la dis­crim­i­na­tion, la Con­sti­tu­tion le prévoit aus­si. Ils doivent donc égale­ment mod­i­fi­er la Con­sti­tu­tion” souligne Eylem Ümit, “car les ques­tions sup­posées causer de la détresse ne se lim­i­tent pas à la Con­ven­tion, ils ne peu­vent donc pas se con­tenter de dire, une fois la con­ven­tion abolie, ‘nous nous en sommes occupé’. Il y a la Con­sti­tu­tion et elle est tou­jours en vigueur. En tant que légiste, j’ai des dif­fi­cultés à com­pren­dre ce qu’ils pensent : Pensent-ils que si nous ne men­tion­nons pas le sexe, l’ori­en­ta­tion sex­uelle et l’i­den­tité de genre, la dis­crim­i­na­tion fondée sur ces élé­ments sera autorisée ?”

La société précède la politique”

Dr Sel­ma Acun s’ex­prime à son tour ; “Je ne pense pas que le retrait de la Con­ven­tion d’Is­tan­bul  puisse aboutir. (..) La société précède tou­jours la poli­tique et nous savons qu’à part une poignée de misog­y­nes, la société ne veut pas que les femmes et les enfants soient soumis à des vio­lences. (..) Au moment de la rédac­tion de la Con­ven­tion, nous avons exprimé nos opin­ions par le biais du Mou­ve­ment des femmes et du Lob­by des femmes en Turquie. (..) Les opin­ions des femmes de Turquie y ont été ajoutées. Se retir­er de cette con­ven­tion sig­ni­fierait don­ner libre cours à la vio­lence con­tre les femmes. Je ne veux même pas penser qu’une telle chose pour­rait se pro­duire. Je crois que la société précède la politique”.

Que s’est il passé pour en arriver là ?

Lorsqu’on sur­v­ole les infor­ma­tions de l’époque de la mise en place de la Con­ven­tion d’Is­tan­bul, on observe que les louanges et pro­pos exprimés par les autorités turques, qui en tiraient une cer­taine fierté, sont légion. La ques­tion est “qu’est-ce qui a changé pour un tel revire­ment, pour que les mêmes autorités pren­nent cette con­ven­tion comme cible prioritaire ?”. 

Il s’a­gi­rait des pres­sions des milieux religieux, organ­isés en com­mu­nautés. Ce qui revient à dire pour l’E­tat “Nous ne pro­tégerons plus les femmes et enfants, des vio­lences”. Pourquoi le régime AKP adopterait un tel dis­cours, et prendrait le risque d’a­jouter une nou­velle case dans le chapitre des man­ques et vio­la­tions de droits humains, déjà une épopée en Turquie ? Est-ce l’in­flu­ence des milieux religieux organ­isés, si pesant sur l’AKP, jusqu’à le pouss­er à renon­cer à une con­ven­tion dont la Turquie est initiatrice ?

Cette con­ven­tion arrivait comme une queue de comète, suiv­ant les “négo­ci­a­tions” à pro­pos des chapitres d’éventuelle  adhé­sion à l’UE, et l’ou­ver­ture affichée de l’AKP (et de son allié Gülen, aujour­d’hui enne­mi), sur les ques­tions qu’ils appelaient “féminines”. L’AKP y tenait, et cela avait beau­coup con­tribué à son ascen­sion. Les temps ont donc changé. Les publics élec­toraux aussi.

N’ou­blions pas non plus, que les anti-con­ven­tion dénon­cent et cla­ment sans cesse  : “L’ho­mo­sex­u­al­ité est légitimée”. Cette vision réac­tion­naire a pris de telles pro­por­tions que nous avons vu avec éton­nement que des fab­ri­cants ont retiré de la vente des jou­ets con­tenant un “arc-en-ciel” ! Juste un exem­ple par­mi d’autres. Or, selon la Con­sti­tu­tion turque, l’ho­mo­sex­u­al­ité n’est pas un délit ni un crime, les Droits humains sont inal­ién­ables, et en tant qu’êtres humains, les per­son­nes LGBTIQ sont con­cernées. De plus, même si des lois spé­ci­fiques pour la pro­tec­tion de per­son­nes LGBTIQ sont absentes, l’ar­ti­cle 122 du Code Pénal turc noti­fie que la dis­crim­i­na­tion et la haine basée sur l’i­den­tité de genre sont légale­ment répréhensibles.

En effet, la clé ne peut être que le souci prin­ci­pal du régime AKP : sa survie. Alors, tout est halal pour caress­er dans le sens du poil, toutes sortes de milieux qui peu­vent apporter leur aide au niveau interne, nation­al­isme,  xéno­pho­bie,  haine anti-migrants, les sales guer­res menées, l’ul­tra nation­al­isme et la turcité, le mythe ottoman… Tout type de haine et dis­crim­i­na­tion envers divers­es pop­u­la­tions, eth­niques et sociales, sont instru­men­tal­isées à out­rance. Quitte à per­dre dans sa poli­tique extérieure, les miettes de sou­tien qui lui restent, c’est à dire, ayant per­du la main avec la Russie, les Etats-Unis, tout est bon pour le main­tien du régime. Il n’y a plus que quelques pays Européens qui, par souci du com­merce et des men­aces con­cer­nant les réfugiés, con­tin­u­ent hyp­ocrite­ment à pren­dre le régime turc comme inter­locu­teur crédible…

Et, en pas­sant, sig­nalons que la Pologne, qui vient d’élire un big­ot paten­té et homo­phobe, annonce égale­ment qu’elle dénon­cera bien­tôt sa sig­na­ture. Un club se pro­file. Suivant ?

convention

L’homme frappe, l’E­tat pro­tège”, “nous ne sommes pas ‘famille’ mais des ‘femmes’, “appliquez la Con­ven­tion d’Istanbul”

Convention ou pas, quelle est la réalité du terrain ?

Cette con­ven­tion pro­posée par le régime AKP était annon­cée à l’époque comme “une bonne nou­velle”, aus­si bien par Erdoğan que Fat­ma Şahin, alors Min­istre de la famille et des poli­tiques sociales. Aujour­d’hui, les défenseurEs de droits, fémin­istes, syn­di­cats, juristes pointent la voix mon­tante des autorités éta­tiques turques et d’Er­doğan comme celle qui “met toutes les femmes en grande dan­ger”. Mais, il suf­fit de retourn­er aux années précé­dant cette volon­té de quit­ter la con­ven­tion, pour con­stater, rap­ports, sta­tis­tiques, arti­cles de presse, dénon­ci­a­tions, protes­ta­tions à l’ap­pui, l’aug­men­ta­tion expo­nen­tielle des vio­lences faites aux femmes et les fémini­cides. Ce qui met à la lumière du jour la réal­ité con­crète de l’in­suff­i­sance des actions et mesures, est le fait que déjà, la sig­na­ture et les bonnes inten­tions de la Turquie restaient sur le papi­er… Cette volon­té de renon­cer à la Con­ven­tion d’Is­tan­bul n’est donc une offi­cial­i­sa­tion de la réal­ité, c’est une action populiste…

Le mou­ve­ment des femmes en Turquie vit les mêmes con­tra­dic­tions qu’ailleurs. Se bat­tre pied à pied pour con­serv­er ce qui était un acquis, pour­tant issu d’une démarche poli­tique hyp­ocrite de l’époque, où une forme d’u­nion nationale s’é­tait faite au prof­it du régime, est impor­tant. Mais le faire en “défense de valeurs de la république” serait tout autant tourn­er le dos au fait que les fémini­cides, les dis­crim­i­na­tions envers les femmes et les LGBTIQ, n’ont rien à voir avec la république, mais bien avec son patri­ar­cat, qui s’ex­erce, rap­pelons-le, autant con­tre les femmes kur­des que les Istan­bu­liotes ten­antes du traité.

C’est donc l’au­tonomie poli­tique d’une telle lutte qui doit pren­dre le pas.

 


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Naz Oke
REDACTION | Journaliste 
Chat de gout­tière sans fron­tières. Jour­nal­isme à l’U­ni­ver­sité de Mar­mara. Archi­tec­ture à l’U­ni­ver­sité de Mimar Sinan, Istanbul.