Français | English
Leyla a 11 ans. Elle se lève tous les matins à 6h00. Elle travaille 10 heures dans les champs, avec 2 pauses de 15, 20 minutes. Au retour du champs, à la tente qui abrite la famille, elle fait le ménage et cuisine. Comme ses 400 milles pairEs, Leyla ne peut vivre son enfance…
En Turquie les enfants travaillent dans les secteurs considérés comme les plus difficiles, et qui exploitent sciemment ces enfants : c’est à dire dans la rue et au sein des entreprises de petite et moyenne taille, dans des domaines les plus lourds, les plus dangereux, et dans l’agriculture. Selon les données de la sécurité sociale turque (SGK), en 2018, avec 48 milles enfants enregistrés comme travailleurs, 7 094 accidents sont survenus.
Seulement 65,7% des enfants travailleurEs sont scolarisés, 70.6 % sont des garçons, et 29.4% sont des filles. Les enfants sont répartis comme suit : 30,8 % dans l’agriculture, 23,7 % dans l’industrie, 45,5 % dans le secteur des services.1
La besogne des enfants se poursuit pendant la pandémie
Le comité des droits de l’enfant de l’İHD, Association des droits humains, souligne dans un communiqué émis à l’occasion du 12 juin, la “Journée mondiale contre le travail des enfants”, que la besogne des enfants dans l’agriculture se poursuit pendant la pandémie de coronavirus, malgré un couvre-feu pour les moins de 18 ans. “Les couvre-feux et les précautions sanitaires dans le cadre de la lutte contre l’épidémie n’ont pas été appliqués en ce qui concerne les travailleurs agricoles saisonniers et les agents de santé et avec une circulaire publiée le 4 avril 2020, des permis de voyage ont été délivrés, y compris pour les employés de moins de 18 ans”.
En effet, le gouvernement turc a imposé un couvre-feu pour les moins de 20 ans en mars, mais a ensuite exempté les personnes âgées de 18 à 20 ans et employées.
“Des études montrent que tous les membres des familles, y compris les enfants, participent au travail agricole saisonnier et les enfants sont même davantage privilégiés pour certains emplois”, indique également la déclaration. L’association revient également sur la dernière enquête de l’Institut turc des statistiques (TurkStat) sur le travail des enfants, et affirme que l’enquête visait à dissimuler le travail des enfants dans l’agriculture. L’enquête a été menée entre octobre et décembre 2019 et a été publiée en mars et annonçait le nombre d’enfants exerçant des activités économiques dans la tranche d’âge 5–17 ans en Turquie : 720 000. l’İHD précise : “C’est une période où le travail agricole saisonnier est à son niveau le plus bas et où l’année scolaire commence ; par conséquent, les données collectées au cours de cette période ne reflètent pas les chiffres réels sur le travail des enfants dans l’agriculture”.
Témoignages des enfants travailleurs saisonniers
Par ailleurs, “Hayata Destek” (Soutien à la vie), une ONG fondée en 2012, s’active afin d’empêcher l’exploitation des enfants, dans différentes villes et leur régions, telle que Adana, Düzce, Ordu, Sakarya, Şanlıurfa ve Zonguldak, Hatay, Diyarbakır et İstanbul.
L’association ayant recueilli les témoignages des enfants travailleurs saisonniers, partage un document à visionner qui précise ces informations :
-
- Pour les enfants, travail saisonnier veut dire : être sur les routes pendant des mois, être arrachés à l’école, vivre dans des conditions de catastrophe, travailler en moyenne 10–11 heures en champs.
- Les conditions insalubres des zones de l’agriculture saisonnière, menacent tous les droits des enfants, à commencer par celui de grandir en bon santé.
- Qu’ils travaillent ou qu’ils accompagnent leur famille, la scolarité de la grande majorité des enfants est interrompue.
- 15 % des enfants à l’âge de l’école primaire, ne sont pas scolarisés.
- 59 % des garçons et 73% des filles de 15–18, ne sont pas scolarisés.
- 70% des enfants de 12–18 ans, restent plus de 11 ans dans le champs.
- 70% des filles déclarent s’occuper des taches ménagères au retour à la tente.
- Les 69% des 12–14 ans, et 86% des 15–18 ans travaillent 7 jours sur 7.
- Plus l’âge est grand plus l’inégalité entre les genres est creusée.
L’association note qu’en Turquie le nombre d’enfants travailleurs est estimé à 1 million. Elle précise que ce chiffre montre une importante augmentation, particulièrement dans les 5 dernières années, avec l’arrivée de près de 3 millions de migrants syriens, dont plus de la moitié sont des enfants, qui rejoignent à leur tour les masses d’enfants exploités
Gözde Kazaz, la responsable de communication de l’association, tente de sensibiliser le public dans une interview donnée, de Figen Atalay, publiée dans le quotidien Cumhuriyet, en donnant la parole à quelques enfants travailleurs parmi des milliers d’autres : Abdullah, Ayşe, Hasan, Leyla, Yusuf et Zeynep qui travaillent à Adana, Konya et Şanlıurfa.
Différentes villes de la Turquie, du fait de leur potentiel économique, attirent de très nombreux ruraux en quête de travail. Leur chiffre est estimé à plusieurs centaines de milliers et les enfants suivent leur famille dans leurs déplacements saisonniers ou définitifs.
Ecoutez la voix de ces enfants saisonniers, qui parlent souvent des tentes qui les abritent, avec le mot “maison”.
“Ici, il y a une décharge, je n’aime pas du tout cet endroit”
Abdullah a 13 ans. Il travaille à Tuzla, district d’Adana. Adana, est une grande ville dans le sud de la Turquie, Carrefour stratégique dominant un arrière-pays fertile, la ville est un centre industriel et commercial enrichi d’une vaste zone cultivée, la plaine de Çukurova, qui produit coton, agrumes, lin, sésame, et légumes.
“Ici, j’ai des amis, des membres de ma famille. Nous jouons ensemble, avec les enfants de mes proches. Le jeu que j’aime le plus, c’est cache-cache. Mais comme dans l’espace des tentes nulle part ne convient, nous jouons dans la rue. Et ici, il y a une décharge, je n’aime pas du tout cet endroit. Il y a des odeurs qui nous viennent, des mouches, des bestioles, toutes sortes de saletés” dit-il.
Ensuite, Abdullah parle de l’école : “J’allais à l’école. Je suis en 8ème [équivalent 4ème en France]. J’aime l’école et mes amis me manquent. Lorsque l’école s’est fermée à cause du coronavirus, j’ai suivi les leçons sur le téléphone. Je veux continuer à suivre. Après mes études, je voudrais être professeur de sport”.
“Nous sommes ici, été comme hiver, pour travailler”
Ayşe, 14 ans, travaille à Çağırkanlı, district d’Adana. Elle raconte son quotidien : “Ma famille travaille. Nous partons le matin et revenons le soir. Mes frères et soeurs restent à la maison. Actuellement nous travaillons à la journée. Nous ne partirons pas d’ici pour travailler ailleurs. Nous sommes ici été comme hiver, pour travailler. Nous nous réveillons à 5h30, nous partons à 6h15. La route dure une demie heure. Nous partons 15, 20 personnes ensemble. Je travaille dans le champs, pendant 8 heures. Nous faisons deux pauses. Nous rentrons à 17h30.”
Ayşe ajoute : “Lorsque je rentre du champs, je fais des tâches ménagères. Je ne peux jouer avec mes frères et soeurs, avec mes amis. Avec quoi pourrions nous jouer ? Il n’y a rien pour jouer.”
Quant à l’école.… “Je ne vais pas à l’école. La dernière fois, j’étais en 6ème” [équivalent 6ème en France].
“Ici, il n’y que la boue”
Hasan, 13 ans, travaille à Mürseloğlu, toujours à Adana. “Je me lève à 7h00. Je fais un peu de sports. J’essaye d’aller à travailler pour aider mon père mais parfois ils ne me prennent pas, alors je reste à la maison. Je n’ai pas d’amis. Il n’y a pas de parc. C’est pour ça que je reste à la maison. Nous n’avons même pas un espace pour le jeu. Ici, il n’y a que la boue, la terre. Il n’y a rien d’autre. Nous n’avons pas envie de jouer, non plus. Mes frères et soeurs sont petits, ils jouent ensemble. Ils jouent avec des pierres, la boue…
J’allais à l’école, mais je ne peux étudier parce que nous n’avons pas les moyens”.
“Nous partions pour la cueillette de noisettes”
“Je ne sais pas jusqu’à quand nous allons rester ici. Après, nous partirons pour la cueillette de noisettes” dit Leyla, une fillette de 11 ans qui travaille à Makas, district de Konya. Et elle parle de ses journées : “Mes journées se passent d’une façon très ennuyante. Nous nous réveillons à 6h00, nous prenons notre petit-déjeuner et partons au champ à 7h00. Le champs se trouve en face de la tente, à 10, 15 minutes de marche. Nous faisons deux pauses dans la journée. Nous travaillons pendant 7 heures.
Mes frères et soeurs ne jouent jamais, ils-elles s’ennuient à la maison. Moi aussi, je vais exploser d’ennui. Je ne peux jamais jouer avec mes amis. Nous n’avons jamais le temps…”
“J’aime les histoires venues d’ailleurs”
Nous sommes à Viranşehir, à Şanlıurfa. Yusuf a 13 ans. “Quand le travail se terminera ici, nous irons à Manisa. Nous allons faire la cueillette de prunes et cerises” dit-il. Voici son quotidien : “Je me lève le matin, me lave la figure, et je mange. Ensuite le véhicule arrive et nous allons au travail. Nous faisons deux pauses de demie heure, à 9h00 le matin, et le midi à 13h00. Nous travaillons jusqu’à 17h00 et nous rentrons à la maison.
Le soir je fais mes leçons, dans mes temps libres je lis des livres. J’aime les nouvelles traduites de langues étrangères. Lorsque nous rentrons à la tente, la plupart du temps, c’est ma tante qui s’occupe des taches ménagères. Moi je casse du bois, je porte l’eau.
Je vais à l’école. J’aime beaucoup les cours de sciences”.
Le travail des enfants en Turquie pour les familles pauvres, n’est pas une nouveauté. Il concerne aussi fortement les minorités et les migrantEs. Et même s’il y eut des lois hypocrites le condamnant, pour être en règle il y a deux décennies avec les “standards européens”, elles ne sont jamais entrée dans le quotidien et ont davantage réprimé les ventes à la sauvette, la pauvreté, que ceux qui exploitent durement les enfants.