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Le min­istère de la Jus­tice de Turquie pré­pare un paquet de reformes judi­ci­aires qui prévoit la libéra­tion d’en­v­i­ron 100.000 détenus, pour empêch­er la prop­a­ga­tion de la mal­adie Covid-19 dans les prisons.

Cepen­dant, ces réformes n’in­clu­ent pas les pris­on­nierEs poli­tiques, ‑ne serait-ce que- ceux et celles qui sont en déten­tion préven­tive pour des raisons dites de “ter­ror­isme” ou de “pro­pa­gande”, ni les pris­on­nierEs âgéEs ou/et malades, ni encore les mères incar­cérées avec leurs enfants.
Autrement dit, des mil­liers de vic­times des “purges” sont exemptées.

Jurisprudences fâcheuses possibles

Par ailleurs, la pos­si­bil­ité de libéra­tion des auteurs de crimes ou de vio­lences envers les femmes et les enfants a crée une ten­sion dans l’opin­ion publique. “Même si les crimes sex­uels n’é­taient pas inclus dans les réduc­tions de peine ou en étaient exemp­tés, la loi devrait le dire explicite­ment”, déclare Kadriye Bakır­cı à Gazete Duvar, pro­fesseur de Droit de l’u­ni­ver­sité Hacette­pe.. Comme lors des réformes antérieures, cer­taines procé­dures peu­vent prof­iter aux auteurs de ce type de crime. “Même une loi avec des excep­tions peut être ignorée par la Cour suprême au motif qu’elle vio­le la clause d’é­gal­ité de la Con­sti­tu­tion turque”.

Faire recours au “critère de violence”

Le Prési­dent du Cen­tre des Droits humain du Bar­reau d’Ankara, Kerem Altı­par­mak cri­tique égale­ment, auprès de Birgün l’exemption des crimes dits de “ter­ror­isme” de paquet de réformes qui sera présen­té à l’Assemblée Nationale.

Il souligne une nième fois, qu’en Turquie, la notion de “ter­ror­isme” arbi­traire, impré­cise, et sa pra­tique courante, créent des résul­tats graves :

Une per­son­ne qui n’a jamais tenu une seule arme en main, qui a seule­ment écrit des livres peut être déclarée ‘ter­ror­iste’ et con­damnée à des peines bien plus lour­des que des auteurs ayant com­mis des vio­lences. Il faut refuser toute mesure qui alour­di­rait cette discrimination.

Ma propo­si­tion est, con­for­mé­ment aux déci­sions de la CEDH et autres organ­i­sa­tions de Droits humains inter­na­tionales,  l’arrêt de l’usage de la notion du ‘ter­ror­isme’ arbi­traire et impré­cise et le terme de l’exécution des peines de toute per­son­ne con­damnée dans ces con­di­tions. Mais, bien sûr, c’est une attente de long terme. En court terme, je peux exprimer ceci : les crimes con­sid­érés comme ‘crimes de ter­ror­isme’ sont en vérité de deux types. L’un est le ‘crime d’appartenance à une organ­i­sa­tion ter­ror­iste’ et l’autre sont des crimes com­mis par les mem­bres d’organisation. Lorsque les crimes sont com­mis au nom d’une organ­i­sa­tion, les peines prévues doivent être dif­férentes. Par exem­ple, tuer une per­son­ne, au nom d’une organ­i­sa­tion. Pour cette rai­son, il est pos­si­ble de définir les crimes dits de ‘ter­ror­isme’ en deux groupes dis­tincts. Les auteurs qui ont fait usage de vio­lence ou non. La plus grande par­tie du deux­ième groupe, sont des détenues qui sont con­damnéEs seul pour appar­te­nance, sou­tien, ou crimes au nom d’une organ­i­sa­tion ter­ror­iste, sans pour autant avoir com­mis un quel­conque acte de vio­lence. Dans le Code Pénal turc, les auteurs de crimes non vio­lents, qu’ils soient com­mis au nom d’une organ­i­sa­tion ou non, sont égaux.”

Autrement dit, sur les mêmes principes, seuls les auteurs de crimes avec util­i­sa­tion de vio­lence, peu importe s’il sont com­mis au nom d’une organ­i­sa­tion ou non, ne doivent pas béné­fici­er de la réforme.

Une pétition pour les prisonnerEs politiques

Une péti­tion est lancée par Ömer Faruk Gerg­er­lioğlu, député du Par­ti démoc­ra­tique des peu­ples (HDP), et mem­bre de la com­mis­sion d’en­quête sur les droits humains. Elle est adressée au Prési­dent, aux min­istres des affaires intérieures et de jus­tice, ain­si qu’à l’Assem­blée Nationale.

Sur change.org vous trou­verez les ver­sions en turc, en anglais et en alle­mand. Voici la tra­duc­tion en français :

Pas de discrimination dans le paquet de réformes judiciaires
Remise égale pour les prisonniers politiques de Turquie

 

Notre pays et le monde tra­versent une péri­ode extra­or­di­naire. Alors qu’un virus qui se propage rapi­de­ment aboutit à des hécatombes, les gou­verne­ments ont pris des mesures sévères visant à assur­er la san­té publique et à min­imiser les pertes de vies. Pour cette rai­son, il est impératif de pren­dre des mesures d’ur­gence pour les pris­ons turques, où plus de 300 000 pris­on­niers sont enfer­més et où quelque 150 000 agents péni­ten­ti­aires travaillent.

La pop­u­la­tion car­cérale turque a dépassé de 100 000 per­son­nes la capac­ité d’ac­cueil du pays. Les instal­la­tions péni­ten­ti­aires man­quent de capac­ités d’isole­ment, d’hy­giène, de nutri­tion et de traite­ment adéquates. Cette sit­u­a­tion con­stitue une grave men­ace pour le droit à la vie de tous les pris­on­niers, que l’É­tat a l’oblig­a­tion con­sti­tu­tion­nelle de protéger.

En pre­mier lieu, tous les pris­on­niers malades, per­son­nes âgées, femmes et nour­ris­sons devraient être libérés d’ur­gence. Et le paquet de réformes judi­ci­aires, ain­si que le pro­jet de loi sur l’exé­cu­tion des peines, qui devraient être mis à l’or­dre du jour du Par­lement dans les prochains jours, devrait être conçus dans le respect du principe con­sti­tu­tion­nel d’égalité.

Dans une sit­u­a­tion qui exige la libéra­tion des pris­on­niers pour sauve­g­arder le droit fon­da­men­tal à la vie, un règle­ment qui main­tient der­rière les bar­reaux des intel­lectuels, des politi­ciens, des artistes et d’autres per­son­nes qui ont été empris­on­nées pour “ter­ror­isme” pour avoir tweeté, écrit ou fait de la musique, con­duira à de nou­velles blessures dans la con­science publique.

Comme l’ont mis en garde les organ­i­sa­tions inter­na­tionales, des dizaines de mil­liers de per­son­nes con­tin­u­ent aujour­d’hui à être accusées de ter­ror­isme, ce qui con­stitue une vio­la­tion fla­grante des principes de légal­ité, de prévis­i­bil­ité, de légal­ité et de non-rétroactivité.

Des dizaines de mil­liers de per­son­nes qui n’ont pas été impliquées dans la coerci­tion et la vio­lence ou qui ne les ont pas encour­agées, ont été accusées de diriger, d’être mem­bres ou de soutenir des organ­i­sa­tions terroristes.

Des dizaines de mil­liers de per­son­nes qui n’ont rien à voir avec les actions crim­i­nal­isées ont fait l’ob­jet d’en­quêtes et de pour­suites sim­ple­ment sur la base de leurs opin­ions, au mépris total de l’in­di­vid­u­al­ité de la respon­s­abil­ité pénale.

Afin de met­tre un terme à cette illé­gal­ité, la lég­is­la­tion antiter­ror­iste devrait être débar­rassée de toute ambiguïté de manière à pro­téger toutes les per­son­nes qui n’ont pas été impliquées dans des actes de vio­lence con­tre des accu­sa­tions liées au terrorisme.

Une enseignante a été empris­on­née pour avoir “dif­fusé de la pro­pa­gande ter­ror­iste” sim­ple­ment parce qu’elle avait dit : “Les enfants ne devraient pas mourir !” Des cen­taines d’uni­ver­si­taires con­nus sous le nom d’ ”uni­ver­si­taires pour la paix” ont été arrêtés et con­damnés à la prison pour avoir exhorté les par­ties bel­ligérantes du sud-est de la Turquie à met­tre fin aux com­bats. Ils ont signé une déc­la­ra­tion qui dis­ait : “Nous ne serons pas par­tie à ce crime”. Des mil­liers de per­son­nes sont tou­jours détenues der­rière les bar­reaux pour avoir exprimé leurs opinions.

À l’heure actuelle, plus de 50 000 jour­nal­istes, écrivains, politi­ciens, musi­ciens, uni­ver­si­taires, défenseurs des droits de l’homme, enseignants, médecins, avo­cats, étu­di­ants, hommes d’af­faires et femmes au foy­er sont incar­cérés pour terrorisme.

Nous deman­dons la libéra­tion des per­son­nes en déten­tion préven­tive pour de telles accu­sa­tions afin de pro­téger leur droit à la vie, soit par le biais du paquet de réformes judi­ci­aires qui sera exam­iné par le Par­lement, soit par des déci­sions qui seront directe­ment ren­dues par les tri­bunaux. Quant à ceux qui sont con­damnés, ils devraient pou­voir béné­fici­er des amende­ments. Nous deman­dons égale­ment la sup­pres­sion des prob­lèmes liés aux lois antiter­ror­istes qui sont à l’o­rig­ine de toutes ces injustices.

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