Un commerce de vies humaines s’est développé à Afrin : civils kidnappés et milices armées qui demandent d’énormes rançons.
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Les factions armées soutenues par la Turquie procèdent systématiquement à des arrestations arbitraires de citoyens Kurdes.
Les arrestations ciblent à la fois des hommes et des femmes, qui sont souvent détenuEs en captivité contre rançon. L’enlèvement contre rançon est devenu un commerce très populaire parmi la plupart des factions, dans le but de collecter le plus d’argent possible et de réprimer la population qui reste dans les villes, pour la forcer à quitter la région. L’Observatoire syrien des droits humains (SOHR), basé à Londres, a documenté le fait que les factions avaient transféré dans des centres de détentions des personnes enlevées, et que leurs maisons avaient été saisies, certaines transformées en quartiers généraux pour les factions pro-Turquie, qui se partagent des zones d’influence à Afrin.
Plus de 6000 personnes ont été enlevées pour obtenir une rançon.
L’Observatoire syrien des droits humains dit qu’il a jusqu’a présent documenté au moins 3000 cas de personnes enlevées et emmenées dans des “maisons d’otages et des prisons secrètes” et que 2090 de ces personnes enlevées sont toujours détenues ou portées disparues.
Les détenus sont torturés et battus, leurs proches étant priés de payer pour obtenir leur libération.
Les enlèvements sont devenus “un moyen de gagner de l’argent” dit le SOHR.
De nombreuses victimes sont transférées à la célèbre prison d’Al-Raai, ou en Turquie même.
L’Observatoire syrien des droits humains a observé plus d’une fois que les factions envoient à leurs familles des clips audio ou vidéo de personnes enlevées, les yeux bandés, et torturés sous la menace d’une arme à feu, en exigeant une énorme rançon instantanée, ou que des otages sont abattus ou décapités. Ces personnes déjà dans la pauvreté n’ont d’autre choix que d’appeler leurs proches et connaissances, pour faire réunir les sommes demandées.
Les rançons atteignent 100 000 $. Souvent, comme certains cas l’ont montré en mai de l’année dernière, plusieurs membres de la famille, dont des enfants, sont kidnappés et une rançon est demandée devant le corps torturé et tué d’une des victimes.
“Bien que les victimes et leurs familles à Afrin signalent souvent de tels cas à la police militaire, à la police civile, et aux autorités turques, cela n’a que peu d’effet”, selon le rapport de l’ONU.
L’horreur des centres de détention
Les centres de détention sont soit des maisons confisquées de Kurdes déplacés, transformées en quartiers généraux pour des factions armées, soit des prisons gérées par le MIT turc et des loups gris, dans les villes turkmènes à l’est d’Azaz, telles que les prisons de Sejjo et AlRaii. Il y a une autre grande prison dans le village frontalier de Midan Akbaz, Rajo, à l’extrême nord d’Afrin.
Les détenus sont interrogés par des groupes armés et des officiers turcs. “Toutes les questions portent sur les activités des détenus sur les réseaux sociaux et les accusations d’être affiliées aux YPG/PKK/PYD”, explique Jan.H, qui a été détenu trois fois de suite, et chaque fois, sa famille a dû payer des sommes énormes pour sa libération.
“J’ai été brutalement torturé et mon père a été arrêté alors qu’il ne pouvait pas payer la rançon de 50 000 $. Ils ont appelé mon père à l’intérieur et, en face de lui, ils m’ont mis une épée sur la gorge. Je n’ai été libéré que lorsque mon père a réussi à réunir l’argent de la rançon auprès de nos proches en Europe.”
Il y a des preuves évidentes que certains prisonniers ont même été empalés et qu’ils sont maintenant portés disparus. Il y a un “empalé” survivant qui, devenu invalide, a reçu l’aide de contrebandiers pour rentrer vers Shahba (Gouvernorat de Soueïda, sud Syrien).
Un regard sur les prisons gérées de fait par la Turquie, et le système carcéral violent de ses mandataires, révèle des méthodes de torture inhumaines, ainsi que des viols et des meurtres, comme indiqué dans une série d’entretiens téléphoniques avec une trentaine de prisonniers enlevés à Afrin, qui ont décrit les conditions cruelles à l’intérieur de ces centres de détention, comme un outrage contre l’humanité.
Selon les survivants, les interrogateurs et les tortionnaires parlaient turc et arabe et utilisaient une douzaine de techniques de torture.
De plus, dans ce sale jeu, les femmes arrêtées par les militants ont souvent été agressées sexuellement et violées.
“Les civils et les infrastructures civiles doivent être protégés” ont seulement alerté jusqu’à présent les Nations Unies.
Face à ces violations des droits de l’homme, où est donc le reste de l’humanité ?
Rossella Assanti, militante et journaliste indépendante spécialisée dans les questions du Kurdistan. Elle croit à la vérité comme moyen de faire gagner la justice. Voyage pour que sa plume devienne la voix de ceux qui sont réduits au silence.
Image à la une : En juin 2019 déjà… Une famille, dont en enfant atteint du syndrome de Down, prise en otage, avait été exécutée par des groupes armés.