Çağ­daş Kaplan décrit, depuis le quo­ti­di­en des réfugiés en Grèce, la sit­u­a­tion des enfants d’Evin Ekrem Ali, une réfugiée kurde assas­s­inée par son mari, à Lavrio. Un cas, oh com­bi­en démonstratif.


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A Lavrio, en Grèce, le 29 jan­vi­er 2020, Evin Ekrem Ali, réfugiée kurde de Syrie, a per­du la vie à 35 ans, attaquée au couteau par Behzat Ali, l’homme avec lequel elle était mariée.

Après cet assas­si­nat com­mis à l’é­tage de l’Ho­tel de Police de Lavrio, util­isé par les réfugiés comme abri, l’au­teur Behzat Ali avait pris la fuite. Suite aux recherch­es effec­tués durant trois heures, par les réfugiés kur­des présents dans la ville et la police,  il fut arrêté. Après sa dépo­si­tion, le meur­tri­er a été incar­céré, par déci­sion du tri­bunal auprès duquel il avait été envoyé. Quant à la dépouille d’Evin, elle a été trans­férée, le 5 févri­er, à Qamis­lo, sa ville natale en Syrie du nord-est.

Ce que Evin Ekrem Ali a vécu, et que ses 4 enfants restés en arrière vivent, est une his­toire, dans laque­lle, la guerre, le déplace­ment for­cé, les poli­tiques des gou­verne­ments des pays européens, mais aus­si la vio­lence patri­ar­cale sont d’ac­teurs complices.

Dans l’étau de l’expulsion et de l’exil

En 2017, Evin s’est sen­tie con­trainte de quit­ter Qamis­lo, sous la men­ace de Daesh et dans la ligne de mire des opéra­tions mil­i­taires de Turquie, et de pass­er avec sa famille en Grève, via la Turquie. L’ob­jec­tif d’Evin était d’ar­riv­er avec ses enfants, en Suisse, pays où ses proches étaient déjà parvenus.

réfugiés

Evin Ekrem Ali

La famille Ali, devant le risque d’être blo­quée par les poli­tiques sociales indi­gentes du gou­verne­ment grec con­cer­nant les réfugiés, et d’être ren­voyée selon la con­ven­tion exis­tante sur les réfugiés entre l’UE et la Turquie, n’avait pas déposé de demande d’asile en Grèce.

La famille, qui ne pou­vait donc pas béné­fici­er pour cette rai­son, d’au­cune aide sociale pour les réfugiés, n’a pas trou­vé d’autre solu­tion que de s’abrit­er à l’é­tage de l’Ho­tel de Police de Lavrio, util­isé par plusieurs familles réfugiées.

Pen­dant toute la péri­ode que la famille Ali a passé en Grèce, elle a cher­ché un moyen pour par­tir en Suisse. Début 2019, la famille kurde syri­enne a réus­si enfin à attein­dre, par des voies illé­gales ‑même si ce n’é­tait pas la Suisse- la Suède… Mais leurs empreintes dig­i­tales étant enreg­istrées en Grèce, pre­mier pays d’en­trée en Europe,  (pro­to­cole de Dublin), les mem­bres de la famille ont été “ren­dus” à la Grèce.

La fille ainée d’Evin a con­tin­ué à chercher une pos­si­bil­ité de quit­ter la Grèce, une nou­velle fois. Elle y a réus­si, il y a qua­tre mois, et s’est ren­due en Suisse, avec son oncle, pour y deman­der asile. L’en­fant de 13 ans, y est tou­jours avec son oncle et attend actuelle­ment que les procé­dures de demande d’asile se complètent.

Violence patriarcale aboutissant à féminicide

lavrio

Behzat Ali

Selon des infor­ma­tions com­mu­niquées suite à l’as­sas­si­nat, par les réfugiés vivant dans la même région que la famille Ali, en Grèce depuis deux ans, Evin, ne béné­fi­ciant d’au­cune aide, lut­tait pour la survie avec ses enfants, tout en subis­sant régulière­ment les vio­lences de son mari “jaloux”, Behzat Ali.

Mais Evin, non enreg­istrée offi­cielle­ment n’a jamais pu prévenir la police. Et celle-ci a fer­mé les yeux sur cette vio­lence qui exis­tait sous son pro­pre toit, à l’é­tage. Et cette vio­lence d’homme s’est con­clue par un assassinat.

La situation des enfants

Après la mort d’Evin, et l’ar­resta­tion de leur père, leurs enfants de 5, 7, 11 et 13 ans, se sont retrou­vés orphe­lins de fait.

Après l’as­sas­si­nat, selon les lois grecs, le pro­cureur a placé les trois enfants tou­jours en Grèce, sous “pro­tec­tion” et ils sont main­tenus depuis à l’hôpi­tal Pedon.

Ces trois enfants qui ne sont pas encore remis du trau­ma­tisme lié à la dis­pari­tion de leur mère, sont devant le risque d’être placés dans un orphe­li­nat, sous le pré­texte qu’ils n’ont pas de proches de pre­mier degré vivant en Grèce.

Quant à la fille de 13 ans d’Evin, qui est actuelle­ment en Suisse, les procé­dures admin­is­tra­tives légales de demande d’asile étant tou­jours en cours, elle ne pos­sède pas le droit de voir sa fratrie. L’on­cle Hıznî Ekrem Ali, lui réfugié en Suisse, pour­rait faire une demande pour voir les enfants, mais il doit encore atten­dre que son per­mis de séjour offi­ciel soit mis en place.

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Les qua­tre enfants ensemble…

Selon la Con­ven­tion du Dublin, signé entre 28 pays mem­bre de l’U­nion européenne, et qui régule les con­di­tions des procé­dures d’asile, les enfants non accom­pa­g­nés, ont droit de séjourn­er chez un mem­bre de famille (par­ents, frère, soeur, oncle, tante, grand par­ents) vivant légale­ment dans un pays mem­bre de l’UE, et donc droit à une demande de regroupe­ment familial.

Lorsque les enfants rem­plis­sent ces con­di­tions, leur demande est prise en charge par les pays où leurs proches sont domi­cil­iés. Mais, si les proches des enfants n’ont pas encore obtenu le droit de séjour légal dans ces pays, défi­nis comme “Dublin 3”, la demande des enfants est prise en charge par le pays où ils se trouvent.

Les murs de la bureaucratie

En résumé, dans ces con­di­tions, si leurs proches en Suisse, leurs oncle et tante, déposent une demande de regroupe­ment famil­ial, n’ayant pas encore obtenu leur droit de séjour comme réfugiés, leur démarche n’au­rait aucune chance d’aboutir.

Selon les juristes, si les enfants font une demande par l’in­ter­mé­di­aire d’av­o­cats, celle-ci sera traitée par la Grèce, mais vu le statut du moment de l’on­cle et tante en Suisse, il est fort prob­a­ble que le pro­cureur envoie les enfants vers un orphelinat.

Pour que ces enfants puis­sent rapi­de­ment tra­vers­er le mur de la bureau­cratie, la seule solu­tion serait que la procé­dure de leur tante et oncle en Suisse avance le plus vite pos­si­ble. Pour cela, Hıznî Ekrem Ali a sol­lic­ité les autorités suiss­es, présen­té le cer­ti­fi­cat de décès de sa belle soeur, et demandé l’ac­céléra­tion des procé­dures. Sur ce, le cou­ple et leur nièce ont été trans­férés du camp de réfugiés où ils se trou­vaient, et hébergés dans une mai­son, dans le can­ton Zug. Mais, la procé­dure du per­mis de séjour se poursuit…

Sur des civières, au milieu des patients

Les enfants sont à ce jour, sous “pro­tec­tion”. Mais l’hôpi­tal Pedon, dans lequel ils sont main­tenus, n’est pas tout à fait adap­té à les “pro­téger”. A l’hôpi­tal, ils dor­ment sur des civières placées dans un couloir, entre des patients.

La pho­togra­phie de l’e­space où les enfants séjour­nent est telle une preuve de la sit­u­a­tion dans laque­lle ils se trouvent.

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Ils demandent leur grande soeur

Les enfants ont vu leur mère, pour la dernière fois, blessée. Lorsqu’ils ont était placés sous “pro­tec­tion”, dans un pre­mier temps, le décès de leur mère ne leur a pas été annon­cé. Les autorités les ont infor­més, quelques jours plus tard. Seul un cousin d’Evin, Ziyad Ali, venu de Suisse à Athènes, a pu ren­con­tr­er les enfants réfugiés.

Il dit, que le garçon de 11 ans, essaye de rem­plir le rôle d’ainé, auprès de sa fratrie. “Les autorités leur ont dit que leur mère avait per­du la vie. Mais mon neveu de 11 ans, a dit aux plus petits, pour qu’ils ne soient pas mal­heureux, ‘ils nous ont don­né des infor­ma­tions erronées. Notre mère est encore à l’hôpi­tal’ ” ajoute Ziyad Ali. Il pré­cise que pen­dant leur entre­tien, les enfants ont demandé d’être avec leur grande soeur, et ont posé la ques­tion : “quand est-ce que vous allez nous enlever d’i­ci”.  Ziyad souligne aus­si que la souf­france que ces enfants ont subi serait, ne serait-ce qu’un peu, allégée s’ils retrou­vaient leur oncle et tante.

Il en appelle à une opin­ion publique grecque, pour suiv­re la sit­u­a­tion des enfants avec vigilance.

Les femmes dans la rue

Les femmes réfugiées kur­des ont fait une man­i­fes­ta­tion dimanche dernier à Athènes. Elle revendiquent que l’au­teur de ce fémini­cide soit con­damné lour­de­ment, et que les blocages admin­is­trat­ifs qui empêchent ces enfants de béné­fici­er d’un regroupe­ment famil­ial soient levés.

Après la marche, durant laque­lle les pho­tos d’Evin, et les devis­es dénonçant les vio­lences faites aux femmes, furent portées, trois représen­tantes désignées par les man­i­fes­tantes, ont accédé au par­lement grec et ont déposé un dossier à l’at­ten­tion de Prokopis Pavlopou­los, prési­dent du parlement.

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Garder ce sujet dans l’actualité

Berçem Mor­d­eniz, une des mem­bres du Cen­tre cul­turel kurde d’Athènes, qui apporte une aide juridique aux proches d’Evin Ali, pré­cise que les femmes sont très en colère devant ce qui se passe.

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Evin a été oblig­ée de quit­ter son pays avec ses enfants, à cause de la guerre provo­quée par la men­tal­ité patri­ar­cale, et elle est assas­s­inée ici, par la même men­tal­ité. La pen­sée dont elle a été une des vic­time est exacte­ment la même que la pen­sée mas­cu­line bar­bare de Daech qui esclavagise des mil­liers de femmes. Le fait que Evin reçoive 16 coups de couteau, devant ses enfants, et que la famille du meur­tri­er exprime une fierté pour ce crime, appar­tient aus­si à cette men­tal­ité. Aujour­d’hui, dans tous les pays qui subis­sent la guerre, les femmes sont mas­sacrées. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont don­né l’or­dre de “tuer d’abord les femmes”. Parce qu’ils ont réelle­ment peur des femmes et c’est pour cela que les assas­si­nats de femmes sont poli­tiques. Si vous regardez l’his­toire, en Egypte, il n’y a eu aucune guerre, pen­dant 20 ans, sous Has­sep­sut, le pre­mier pharaon femme. Mais son nom, n’a jamais été inscrit dans l’his­toire, écrit par les dom­i­nants patriarcaux.
Voilà pourquoi ils ont si peur de la force des femmes, qu’ils les renient, créent des guer­res et les mas­sacrent. Aujour­d’hui, nous envoyons Evin, morte, vers ses ter­res, sur lesquelles elle n’a pas pu vivre comme elle le souhaitait. La colère que cela génère est très grande.”

Berçem, affirme qu’ils-elles fer­ont tout pour que ce sujet ne quitte pas l’ac­tu­al­ité, et lut­teront pour que Behzat Ali soit lour­de­ment con­damné. Elle pré­cise qu’une lutte juridique col­lec­tive est menée avec plusieurs défenseurEs de droits, et organ­i­sa­tions de femmes. Elle en appelle à l’opin­ion publique pour être sen­si­ble et sol­idaire avec ces enfants réfugiés.

Suppression des blocages

Berçem Mor­d­eniz, péd­a­gogue de for­ma­tion, par­le égale­ment des enfants d’Evin. Elle souligne qu’elle con­nait de très près l’é­tat des orphe­li­nats en Grèce, et que les con­di­tions ne sont pas adap­tées à la san­té des enfants. Elle rap­pelle que les enfants sous “pro­tec­tion” vivent sur des civières dans un couloir… “Si les enfants ne peu­vent pas se réu­nir rapi­de­ment avec leur grande soeur, ils vivront un nou­veau trau­ma­tisme du au sen­ti­ment d’a­ban­don. La place de ces petits n’est ni l’or­phe­li­nat ni l’hôpi­tal. N’ou­blions pas que ces enfants ont vécu la guerre, qu’ils ne peu­vent oubli­er”. Berçem ajoute, “Nous deman­dons que nos requêtes con­cer­nant ces enfants, trou­vent une réponse la plus rapi­de pos­si­ble, sinon nous allons entamer une lutte juridique”.

Çağ­daş Kaplan

 


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