Retrouvé les pattes et la queue coupée, ce malheureux chiot labrador en est mort. Et voilà tous les médias de Turquie qui s’interrogent, en pleine campagne électorale de l’AKP.
Oui, ce chiot est mort parce qu’un crétin a voulu passer ses refoulements sur lui. Ce n’est pas la première fois, et tous les animaux d’Istanbul ou d’Ankara en savent quelque chose. Ces chats qui font le bonheur des touristes, des photographes et des cinéastes ont pour beaucoup une vie misérable et peu enviable, vous savez ?
Car, bien souvent, ils dépendent des humains.
Et les humains, en Turquie, et vous le savez bien ailleurs, ont oubliés volontairement leur nature animale et leur appartenance à une diversité de vie. D’ailleurs, ils ont fait mieux, ils ont établi des classes et des hiérarchies au sein même de leur espèce. Parait que ça fonctionne par couleurs, forme du nez et des lèvres, plissures des yeux… ou positions de prière, selon qu’on pose genou en terre ou qu’on montre son cul en l’air. Bref, l’important c’est de se trouver du côté de celui qui a le pouvoir et les moyens de le garder. Au stade suprême, au cas où, la division entre mâles et femelles couronne le tout, la femelle étant soumise, pour la procréation, bien entendu.
C’est étonnant comme l’abjection contre un acte de torture sur un animal sans défense peut nous amener à tant de réflexions triviales. “L’homme est un loup pour l’homme”, disait un philosophe dont j’ignore le nom. Allez, fini de s’émouvoir et de philosopher, y a les cours de la livre à surveiller…
Ne croyez pas que j’ai inventé tout ça. Je résume.
Parce que les débats sur les télés, ça y va. Le pauvre chiot fait baver sur nos écrans, et les politiciens s’en mêlent, bien entendu. C’est vrai, y a campagne électorale, j’avais presque réussi à y échapper.
Je crois que c’est comme ça aussi chez vous, leur première réaction, c’est de s’apitoyer, de dénoncer, puis de proposer une loi, ou d’en ressortir une, promise il y a longtemps, et enfouie dans les tiroirs. La souffrance animale fait d’un coup la une des gazettes, comme, vous vous souvenez, la photo de cet enfant syrien, le visage contre le sable d’une plage… Il y a un accord là dessus depuis non ? La Turquie garde la main d’oeuvre en esclavage, et les futurs noyéEs qui restent deviennent des délinquantEs qu’on trimballent sur des bateaux et que chacun se rejette.
C’est curieux, lorsque des corps ont été traînés derrière des blindés, des familles brûlées quasi en direct dans des caves à Cizre, des chats torturés et accrochés à des arbres, pour terroriser les habitantEs, du bétail tué par balles et laissé à pourrir dans les rues, et j’en passe, je n’ai pas entendu de proposition de loi anti-guerre.
Quand, plus récemment ont été diffusées les images de corps de femmes torturés et mutiléEs, j’ai entendu parler de “terroristes neutraliséEs”. Chiennes d’infidèles !
A propos de chiens et de chiennes, un réalisateur avait présenté un court métrage, il y a quelques années, qui, à partir de ces chiennEs martyriséEs, en disait long sur la Turquie, son histoire, ses génocides et son nationalisme inhumain.
Ils devraient nous repasser ça à la télé, durant les interruptions de dépouillement de la soirée électorale, comme pages de triche, entre deux commentaires, si ils étaient logiques avec eux mêmes.