La case prison, étape oblig­ée du jeu de l’oie tortueux qu’est le par­cours des opposants poli­tiques en Turquie, de Sela­hat­tin Demir­taş à Zehra Doğan

La case prison, c’est aus­si un doc­u­men­taire de Franck Salomé, tourné en Cisjor­danie et pro­duit par la Plate­forme Pales­tine. Une mise en lumière des mécan­ismes d’un sys­tème d’oppression qui dépasse les murs de la mai­son d’arrêt et main­tient toute une société sous la men­ace per­ma­nente d’un empris­on­nement arbi­traire, où l’humiliation tient lieu de politique.

On y ren­con­tre d’anciens détenus et leurs familles, des juristes pales­tiniens, israéliens et inter­na­tionaux et d’anciens sol­dats israéliens. On y décou­vre l’utilisation sys­té­ma­tique par l’armée de la prison comme arme de répres­sion con­tre la lutte des Pales­tiniens pour leurs droits, dans un pays où chaque famille a ou a eu un de ses mem­bres emprisonné.

Des con­di­tions d’arrestation à celles de la déten­tion, le doc­u­men­taire éclaire l’impact à la fois per­son­nel et famil­ial de l’emprisonnement d’un proche, mais analyse aus­si les con­séquences de la déten­tion arbi­traire mas­sive sur la société et l’avenir de la jeunesse palestinienne.

On y apprend que les arresta­tions de mineurs sont plus nom­breuses que celle des adultes. Et qu’elles visent en général à faire sign­er aux enfants des dénon­ci­a­tions aux­quels ils ne com­pren­nent rien, mais qui ser­vent de base à l’arrestation et la déten­tion admin­is­tra­tive d’hommes et de femmes sou­vent inno­cents. Ces mêmes qui plaident coupable quand même, “parce que c’est le moyen le plus rapi­de, le plus rationnel pour sor­tir”, dix­it une avo­cate qui recon­naît le véri­ta­ble défi que représente la défense des pris­on­niers pales­tiniens. Mem­bres d’ONG, avo­cats et mil­i­tants s’insurgent : les procès, arbi­trés par la jus­tice mil­i­taire, sont en hébreu, les inter­prètes des israéliens arabo­phones, le juge et le pro­cureur général des mem­bres de l’armée.

Dans ces pris­ons, le décès d’un détenu n’interrompt pas sa peine. Le corps n’est ren­du à la famille qu’au terme de la con­damna­tion, 99 ans en cas de per­pé­tu­ité. Un presque-siè­cle d’enfermement.

Au sens pro­pre, comme au fig­uré : parce que le spec­tre de la prison est omniprésent et struc­ture la vie quo­ti­di­enne des ter­ri­toires occupés, parce que l’accompagnement social et psy­chologique est inex­is­tant, que la men­ace est per­ma­nente, tous les anciens détenus et leurs familles s’accordent à dire qu’on ne sort pas si facile­ment de cette “case prison”. Et si en sor­tir est une chose, que la prison « sorte de soi » en est une autre.

Un doc­u­men­taire édi­fi­ant pour décrypter les rouages de l’enfermement comme arme de répres­sion mas­sive, un mécan­isme en vogue dans les “démoc­ra­tures” soucieuses de la sécu­rité de leurs administrés…

La plate­forme-Pales­tine met en ligne un com­plé­ment d’information à ce long-métrage doc­u­men­taire : la vidéo Prison, out­il de dom­i­na­tion, une ren­con­tre avec Shawan Jabarin, directeur général d’Al-Haq, ONG pales­tini­enne de défense des droits de l’Homme. Mais aus­si un dossier de presse pour faire le tour de la ques­tion. Et un court-métrage doc­u­men­taire, Sans rires, jeux sous sur­veil­lance, de Nico­las Dupuis et Del­phine Dumas, à la ren­con­tre de l’enfance en ter­ri­toire occupé.

Pour com­pléter le sujet, sur bed.bzh, d’autres films à voir en intégralité :

Un hiv­er à istan­bul, de Françoise Bouard et Régis Blan­chard. Un hiv­er, celui de l’année 2000, de luttes aux côtés des pris­on­niers poli­tiques qui com­bat­tent l’instauration des pris­ons de type F. Ou le court-métrage Pris­ons, de Clarisse Hahn à retrou­ver en inté­gral­ité sur bed.bzh aux côtés des deux autres doc­u­men­taires qui com­posent la série Notre corps est une arme. Une ren­con­tre sai­sis­sante avec deux jeunes femmes rescapées du jeûne de la mort. Et des images d’archives insoutenables.

Parce que le sou­venir de la prison hante les mémoires de celles et ceux qui y ont été enfer­més, on peut aus­si revoir la Prison Rouge, d’Ismaeel Omar Ali, tourné dans les geôles aban­don­nées de Souleymanieh …

Des doc­u­men­taires qui ont tous déjà quelques années, mais qui restent tou­jours d’actualité. Parce que les murs des pris­ons ont des oreilles, qui reten­tis­sent encore de l’écho des cris de colère de celles et ceux qu’on a voulu y faire taire.

la case prison film

 


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