Les RedHack avaient annoncé le 24 septembre, qu’ils détenaient tous les mails du Ministre de l’Energie Berat Albayrak, (accessoirement le gendre d’Erdoğan). Leur revendication : libération de tous-tes les opposant-es de gauche jusqu’au lundi 27 septembre à 17h.
Le délai d’attente étant écoulé, le groupe a commencé à rendre public les contenus des échanges électroniques, et continue peu à peu…
Plus de 5000 messages se trouvent dans le dossier de mail de 20Go, copié par leurs soins.
Des mails “échantillons” sont publiés petit à petit, et certains créent vagues et polémiques, mais pas que…
Une toute première démission
Mehmet Ali Yalçındağ
Aujourd’hui la première démission est tombée. Elle concerne le groupe de médias Doğan (Doğan Yayın Holding A.Ş.) fondé en 1997, ayant des activités dans les secteurs d’édition, presse, audiovisuel, production, imprimerie, numérique, distribution, vente et téléphonie alternative. Le groupe Doğan, un des plus imposants groupes de médias turcs, détient, 7 journaux (dont Hürriyet) 3 magazines, 13 chaînes TV, (dont CNN Türk), 5 radios, et 2 plateformes numériques en Turquie. Et le démissionnaire Mehmet Ali Yalçındağ, en était le Directeur général.
l’Agence d’information DIHA a publié certains mails de Mehmet Ali Yalçındağ qui leur auraient été fournis par le groupe RedHack. En voici un exemple :
Mehmet Ali Yalçındağ exprime dans un de ces mails qui date du 6 mai 2016, qu’il serait bénéfique pour tout le monde de faire la comptabilité des points positifs et négatifs dans le Groupe, et qu’il voit deux sujets sur lesquels il faut être clair : la lutte contre la structure parralèle1et le changement du régime présidentiel.2
“Nous savons que cette décision de changement a été prise non pas il y a un jour, une semaine, un mois, mais bien avant. Tous les détails sont planifiés jusqu’aux plus petits détails et le moment opportun a été attendu. Actuellement l’AKP et Monsieur Erdogan vivent les jours où ils sont au plus haut. A l’intérieur comme à l’extérieur. La feuille de route de la lutte contre le terrorisme est suivie avec réussite. Le moteur a chauffé, il n’est pas possible qu’il s’arrête désormais. Il sera arrêté quand le grand nettoyage se terminera, et sur ce sujet tout le monde sait et saura ce qu’il faut faire. Avec le nouveau Premier Ministre, les travaux vont être menés, afin d’installer un modèle de régime présidentiel, ou de President de République partidaire.”
Dans d’autres mails, Yalçındağ parle de l’AKP en « nous », affiche les conflits entre les membres de la famille Doğan, et qualifie son rédacteur en chef Sedat Ergin de « décérébré ».
Ayant une ligne éditorial glissante, un peu “entre-deux”, faisant l’opposition mais sans vraiment la faire, le groupe Doğan était pourtant considéré par les milieux radicaux comme faisant parti des médias “alliés” au pouvoir. Avec ces révélations, les choses deviennent limpides, même pour celles et ceux qui se posaient la question, et voyaient plutôt un revirement par intimidation.
Cependant, Mehmet Ali Yalçındağ, prétend qu’il tient depuis 22 ans, un journal où il inscrit des rapports journaliers et que son ordinateur aurait été hacké. Les mails compromettants ne seraient pas envoyés par lui même… Il a annoncé qu’il ne reconnaissait pas l’authenticité des mails en question et dénoncé une “manipulation” : “Un technicien a analysé mon ordinateur personnel et a révélé que je n’avais pas écrit ces mails et que ceux-ci n’avaient pas été envoyés depuis mon ordinateur”. Ensuite, il a déclaré qu’il démissionnait pour “Eviter que le passage difficile dans lequel il se trouve puisse avoir des conséquences sur l’entreprise”.
Mehmet Ali Yalçındağ a reçu le soutien du patron du Holding, Aydın Doğan, qui n’est autre que son beau-père.
Informations, marchandages, tueries entre amis
“Revenons à l’entreprise Powertrans…”
Dans les messages mis en public par les RedHack, sur leur compte twitter, il y a des informations qui pourraient faire scandale.
Par exemple dans un des mails, on voit mis à jour un marchandage entre la Turquie et les forces internationales : Alep contre l’occupation par la Turquie des villes syriennes Azaz et Jerablus.
Les RedHack pointent également des liens soupçonnés, mais refusés par le ministre, avec l’entreprise Powertrans, concernant le transport du pétrole de Daech… Et ils demandent sa démission.
Ils annoncent qu’il y a beaucoup de signes que la tentative de coup d’état serait le fait réellement de la Confrérie de Gülen. « Nous voyons la confrontation de deux groupes, ennemis du peuple ».
Ils soulignent un passage dans un mail informatif qui donne le compte rendu d’une rencontre avec une « autorité », qui fait des liens entre le massacre de Roboski, l’assassinat de Paris, et le MIT (renseignements turcs)
Pendant ce temps là, à Ankara Taylan Kulaçoğlu, un jeune homme inquiété deux fois pour être membre de RedHack dans le passé, mais en absence de preuves libéré, a été de nouveau été arrêté dès les premières déclarations du groupe. Son avocat dénonce la torture, sa soeur dénonce sur les réseaux : « Ils essayent de transformer mon frère en un leader de RedHack, par la force et par la violence ».
Taylan Kulaçoğlu, n’est pas seul. Uğur Cihan Okutulmuş, Abidin Çelik, Ekin Baykal, Taşkın Yasak, Alaattin Karagenç sont également en garde à vue.
Une vague de soutien s’étend sur les réseaux sociaux #TaylanKulaçoğluYalnızDeğildir. Des communiqués de presse de soutien de la part de plusieurs organisations de société civile s’empilent.
Ces premières “révélations” ne sont que le début probablement d’une suite d’informations à venir, qui pourraient révéler ou confirmer des scandales. Dans l’immédiat, ces mails se contentent de confirmer ce que beaucoup savaient déjà sur les coulisses du régime.
Nous attendons la suite avec impatience.
Ajout du 6 Octobre :
Taylan Kulaçoğlu et tous les autres camarades en garde à vue ont été libérés aujourd’hui.
Les mails du ministre sont publiés sur Wikileaks, vous pouvez les consulter là : Berat’s Box