Şer­min Soy­dan, jour­nal­iste de l’Agence d’info Dicle (DIHA) a été arrêtée le 14 mai. Et cela pour un arti­cle inti­t­ulé « Voici le doc­u­ment secret de l’opération à Gev­er », écrit avant l’opération qui a détru­it Yük­seko­va (Gev­er en kurde). Elle pas­sait aujourd’hui devant le juge pour une pre­mière fois, lors de cette deux­ième audi­ence, au tri­bunal Pénal n°2 de Hakkari.

Şer­min, accusée de « mise en dan­ger des moyens de guerre de l’Etat » (selon la loi 327/1 du Code Pénal con­cer­nant l’ob­ten­tion des doc­u­ments secrets con­cer­nant la sécu­rité de l’Etat) risque la per­pé­tu­ité, ain­si que 3 à 8 ans de prison pour « être mem­bre d’organisation [illé­gale] » et 5 à 10 ans de prison pour « soutenir une organ­i­sa­tion [illé­gale] ».

Que disait son article ?

Elle a pub­lié le 21 févri­er son arti­cle « Voici le doc­u­ment secret de l’opération à Gev­er » (arti­cle en turc et le doc­u­ment joignables sur le site de DIHA) . Lors d’une réu­nion organ­isée par la Pré­fec­ture de Hakkari, le 10 févri­er, à l’hôtel de police de Yük­seko­va, l’ordre d’une opéra­tion ciblant Gev­er (Yük­seko­va) avait été don­né. Le doc­u­ment noti­fié « secret », inti­t­ulé « Les pré­cau­tions d’opération » stip­ule tout sim­ple­ment les 12 points des déci­sions pris­es dans cette réu­nion préalable.

Les 12 points du doc­u­ment con­cer­nent plutôt des mesures pra­tiques, telles que, “une cel­lule de crise sera for­mée”, “le Préfet coor­don­nera les admin­is­tra­tions”, “les deman­des auprès du min­istère passeront par la pré­fec­ture”, etc. Il est égale­ment noti­fié : « Les déci­sions ci-jointes, pris­es lors de la réu­nion faite le 10.02.2016 à Yük­seko­va avec la par­tic­i­pa­tion de toutes les organ­i­sa­tions, ont qual­ité d’ordre pour toutes les admin­is­tra­tions concernées. »

Rien de bien “secret” donc.

Et la première audience du 10 août dernier ?

Lors de la pre­mière audi­ence, étaient présents Fadıl Alçiçek, respon­s­able du Kızılay (équiv­a­lent Croix rouge) de Hakkari jugé en déten­tion, et le Co-prési­dent du HDP de Hakkari, Metin Besi jugé en lib­erté, faisant par­tie du même dossier. Şer­min n’avait pas été autorisée au tri­bunal pour motif de « sécu­rité », mais mise en lien direct par le sys­tème audio­vi­suel SEGBIS, depuis la prison d’Erzurum où elle est détenue depuis 14 mai 2016.

Après l’identification des accusés et la lec­ture du réquisi­toire pré­paré par le Pro­cureur de la République de Hakkari, la parole avait été don­née à la défense, en com­mençant par Şer­min. Le sys­tème audio­vi­suel ne fonc­tion­nant pas cor­recte­ment, Şer­min avait déclaré qu’elle ne pou­vait pas faire une défense dans ces con­di­tions, et qu’elle souhaitait se ren­dre dans la salle d’audience. Metin Besi avait refusé les accu­sa­tions en pré­cisant qu’il s’agissait d’un coup mon­té et demandé l’annulation du procès. Quant à Fadıl Alçiçek, il avait exprimé que non seule­ment ce n’était pas lui qui avait fait ‘fuiter’ le doc­u­ment en ques­tion à la presse, mais qu’il n’avait jamais par­ticipé à une telle réu­nion. Il avait appris l’affaire dans la presse. Fadıl avait demandé son acquit­te­ment, en soulig­nant que les juristes qui avaient pré­paré ce faux dossier d’accusation étaient depuis limogés et arrêtés, pour cer­tains après la ten­ta­tive de coup d’Etat.

L’avocat de Şer­min, Cüneyt Caniş avait demandé qu’elle puisse être présente physique­ment à l’audience prochaine ain­si que le retour du dossier devant le Pro­cureur, en soulig­nant que le dossier était con­stru­it sur des bases erronées.

Par ailleurs les col­lègues de Şer­min, avec lesquel-les elle tra­vail­lait à Yük­seko­va, avaient apporté leurs témoignages, en exp­ri­mant que la jour­nal­iste ne fai­sait que son tra­vail et avient demandé sa libération.

Serkan Kaya de la chaîne Van TV, avait affir­mé : « Le doc­u­ment, objet de l’article en ques­tion, était dis­tribué auprès de tous les médias. Le Min­istère d’Intérieur avait déclaré plusieurs jours avant qu’il allait faire une opéra­tion à Yük­seko­va. Le principe de lib­erté d’expression est essen­tiel dans les pays démoc­ra­tiques et “con­tem­po­rains”, nous deman­dons la libéra­tion de notre col­lègue, ain­si que son acquittement. ».

La cor­re­spon­dante de JINHA, l’agence d’info kurde et fémin­iste, Zeynep Turgut, avait pré­cisé que le pou­voir ciblait sys­té­ma­tique­ment les jour­nal­istes relayant les vérités : « Şer­min n’a pas fait d’erreur déon­tologique. Ce qu’elle fait est du jour­nal­isme. Son arresta­tion démon­tre à quel point le gou­verne­ment a peur des vérités. » Zeynep avait ajouté qu’une demande de per­pé­tu­ité, pour un arti­cle, à l’encontre de Şer­min est inac­cept­able et appelé tous-tes les tra­vailleurs-ses de la presse à la soutenir.

Les juristes du tri­bunal ayant pré­paré le dossier d’accusation étant tout-es soit arrêtés, soit limogés après la ten­ta­tive de coup d’état, le procès avait été reporté au 30 sep­tem­bre 2016.

Le tri­bunal a décidé la lib­erté con­di­tion­nel de Fadıl Alçiçek, et autorisé Şer­min à par­ticiper à l’audience suiv­ante où elle est jugée tou­jours en détention.

Le 30 septembre

Deux­ième audi­ence, nous y sommes…

Mais Şer­min Soy­dan est encore une fois absente dans la salle d’au­di­ence et le sys­tème audio­vi­suel est en route…

Après les iden­ti­fi­ca­tion. Les doc­u­ments reçus du MIT (ren­seigne­ments nationales turques) et de Min­istère d’intérieur, en réponse à la sol­lic­i­ta­tion du tri­bunal, ont été lus.

La direc­tion du MIT expri­mait dans sa let­tre qu’il n’existe pas de doc­u­ment qui prou­verait que la réu­nion en ques­tion a été bien organ­isée, et affir­mait qu’une telle réu­nion n’avait jamais été organisée.

Quant à la Pré­fec­ture de Hakkari, au nom du Min­istère d’intérieur, elle affir­mait que le doc­u­ment en ques­tion est un doc­u­ment secret, con­cerné par l’article n°327 de la Code Pénal.

Şer­min a refusé de se défendre en liai­son audio­vi­suelle et demandé encore une fois que sa présence soit autorisée lors d’une prochaine audience.

Le tri­bunal a donc décidé de con­tac­ter par écrit le Min­istère d’intérieur afin de deman­der des pré­ci­sions sur le con­tenu et la qual­ité ‘secret’ du doc­u­ment en question.

Le procès est à nou­veau reporté au 23 novembre.

Cela va durer combien de temps ?

Tout est bon pour intimider, empêch­er de tra­vailler les autres jour­nal­istes qui refusent de se pli­er à une presse aux ordres. Ce type de procès est une pres­sion con­tre celles et ceux qui ne sont pas encore pris dans la nasse des arresta­tions. Beau­coup d’autres sont déjà en prison, au titre de la loi “ter­ror­isme”, en même temps amende­ment con­sti­tu­tion­nel, issue du Par­lement avant le coup d’é­tat. L’é­tat d’ur­gence fait le reste, l’u­nion nationale main­tient le silence dans les rangs.

Si on ajoute à cela les chaînes de télévi­sion inter­dites d’émis­sion satel­lite, puis occupées pour fer­me­ture, y com­pris avec l’ac­qui­esce­ment d’Eu­tel­sat, après demande de la Turquie, on obtient un panora­ma com­plet de la sit­u­a­tion de l’in­for­ma­tion au pays d’Er­do­gan. Les seuls jour­naux libres sont édités en prison !

Et il ne suf­fi­ra pas de soutenir des fig­ures de proue comme le jour­nal­iste Dün­dar, en accor­dant des “prix”. Lui il est libre, les autres sont dans les geôles du régime. Leurs noms doivent être dif­fusés avec les mêmes majus­cules, fussent-ils kur­des pour nom­bre d’en­tre elles/eux.

Leur com­bat pour l’in­for­ma­tion, essen­tiel con­tre cette démoc­ra­ture, doit être pop­u­lar­isé au niveau où il le mérite.


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