Le 8 janvier dernier, Ayşe Çelik, une institutrice s’était exprimée dans l’émission Beyaz Show, émise sur Kanal D et présentée par Beyazıt Öztürk, émission lors de laquelle, le présentateur communique avec des téléspectateurs/trices en direct. Dans cette période les exactions de l’Etat turc à l’Est tuaient des civils en nombre, et Ayşe Çelik avait tout simplement dit « Des enfants meurent, ne restez pas silencieux ! ».
La Turquie avait été secouée par ces quelques phrases. Le présentateur avait été déclaré « traitre à la Patrie » pour avoir donné la parole à Ayşe Çelik, et avoir fait applaudir son intervention. Il avait été également menacé, insulté sur les réseaux sociaux, et une enquête avait été ouverte à son encontre. Suite aux polémiques et réactions nationalistes, 38 personnes avaient apporté leur soutien à Ayşe Çelik, et s’étaient dénoncées, en disant « Nous sommes toutes l’instit Ayşe ». Les protestateurs/trices avaient été poursuivis à leur tour. Une campagne de calomnies avait été également lancée contre Ayşe, la déclarant comme « une agitatrice, qui n’était en réalité même pas une institutrice ».
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Après son intervention dans l’émission, Ayşe Çelik, la chaîne de télé Kanal D avait été verbalisée par RTÜK (Contrôle Audiovisuel) et une amende de 900 mille livres turques, selon la Loi 6112, lui avait été infligée, pour la violation du principe « [Une source audiovisuelle] ne peut pas faire éloge et encourager la terreur, ne peut pas montrer la force des organisations de terreur et leur donner raison, ne peut pas être de nature à refléter les qualités menaçantes et intimidante des organisations de terreur »
Suite au réquisitoire préparé par le Procureur de République de Bakırköy, Ayşe Çelik, les 38 protestateurs/trics, ainsi que le responsable de l’émission Kadir Tunalı sont donc arrivés devant le Juge, ce matin à 09h50 au Tribunal de Bakırköy à Istanbul. Ils sont accusés de « propagande terroriste ».
Dans les 38 accusés, se trouvent, l’auteure de T24, Oya Baydar, Ex députée et Vice-présidente du CHP Gülseren Onanç, Prof. Gençay Gürsoy, artiste Ferhat Tunç, les avocats Bahri Belen et Ergin Cinmen et le défenseur des droits de l’homme Şanar Yurdatapan. Ainsi que Ahmet Dindar, Ayşe Erzan Silier, Ayşegül Akış Devecioğlu, Ayşenur İyidoğan, Bayram Bahri Belen, Dilek Gökçin, Ercan İpekçi, Ergin Cinmen, Gülşen Denizhan, Gürhan Ertür, Gürkan Develi, Halim Bulutoğlu, İbrahim Akın, İbrahim Sinemillioğlu, Kemal Özgül, Mahmut Konuk, Mehmet Tursun, Mevlüt Ülgen, Murat Çelikkan, Nazmiye Özen, Nergiz Ovacık, Neşe Yaşın, Nil Özsoy Dindar, Orhan Alkaya, Orhan Silier, Perihan Pulat, Pınar Önen, Sibel Özbudun Demirer, Süleyman Eryılmaz, Temel Demirer, Türkcan Baykal, Üner Eyüboğlu ve Vecdi Sayar.
La première audience de leur procès s’est donc ouverte aujourd’hui, le 23 septembre 2016.
Ayşe Çelik, lors de son premier interrogatoire, avait exprimé qu’elle assumait ses paroles, et que ses propos n’avaient rien pour être considérés comme délit. Elle avait ajouté qu’elle avait souhaité créer une sensibilisation au sein de l’opinion publique, pour que les mères ne pleurent plus et que son objectif principal était d’attirer l’attention sur l’insensibilité des médias.
A cette première audience, ses propos furent identiques :
« Les thèses avancées à mon propos comme quoi je ne serais pas une institutrice ne sont pas exactes. Je suis institutrice. J’ai été témoin de ce qui s’est passé à Silvan. Lors de mon intervention téléphonique à l’émission, j’ai attiré l’attention sur ce qui ce passait dans la région, je n’ai ni accusé ni défendu personne. J’ai parlé des personnes lésées, et j’en suis moi même une. Mon intervention a été applaudie, mais j’ai été lynchée sur les réseaux sociaux. J’assume mes propos. »
Le producteur de l’émission Kadir Turnalı, a refusé les accusations, en précisant qu’il ne peut pas intervenir techniquement sur l’émission. Son avocat a précisé qu’il n’y a eu aucune propagande au cours de l’émission, mais que les calomnies sont nées et se sont étendues sur les réseaux sociaux.
Oya Baydar, a présenté une défense écrite au nom des intellectuelLes :
« Nous, qui avons signé cet appel, nous avons dit : ‘Si Ayşe Çelik est coupable, nous le sommes également’. La seule solution pour empêcher les morts, c’est la Paix. Ce qu’Ayşe Çelik exprime n’est guère différent de ce que nous déclarons. Il n’est pas juste de juger les personnes qui défendent la Vie humaine, sous prétexte de propagande d’organisation [terroriste]. Nous demandons l’acquittement des défenseurs de la Paix. »
Elle a continué à titre personnel :
« Je suis allée dans la région pour laquelle Ayşe Çelik a poussé un cri d’alarme. Si vous y étiez allés vous aussi, vous seriez vous-même parmi nous. J’ai rejoint Ayşe Çelik, par conscience, sans me demander « Qui a fait, qui est responsable ». Jusqu’aujourd’hui j’ai été plusieurs fois jugée. C’est la première fois que je suis jugée pour des choses que je n’ai pas faites. Là, il est question de juger les opinions. Je suis contre toutes les guerres et contra la violence. J’aime mon pays. »
Tous les accusés ont déclaré qu’ils/elles rejoignaient les propos de l’instit Ayşe Çelik.
Après les plaidoiries des défenseurs, le procès a été reporté au 30 novembre prochain. Donc à suivre…
Ajout du 3 octobre 2017
La Cour de cassation a confirmé la peine de Ayşe : un an et 3 mois de prison ferme. Enceinte de 3 mois, elle mettra donc son enfant au monde en prison.
source : Evrensel
Photo à la une : JINHA