Inter­ven­tion d’une enseignante dans une émis­sion de télé de Beyaz en direct, dénonçant les exac­tions de l’ar­mée turque dans le Sud-Est de la Turquie.

Dans l’émis­sion Beyaz Show de Kanal D du 8 jan­vi­er, une enseignante de Diyarbakır, ville assiégée par l’ar­mée turque depuis un mois, a joint l’émis­sion par télé­phone en direct.

Elle a appelé tout le monde à ne pas rester silen­cieux face à la sit­u­a­tion actuelle au Kur­dis­tan, où les villes sont assiégées par l’ar­mée depuis plus d’un mois : “Des enfants même pas nés, des mères, des enfants sont tués. En tant qu’artistes, en tant qu’êtres humains, ne restez pas silen­cieux”.

Pour avoir demandé la paix et la fin des exac­tions, l’en­seignante a fait scan­dale en Turquie et est accusée “d’apolo­gie du ter­ror­isme”. Une enquête a été ouverte con­tre elle. La chaine a présen­té ses excus­es et a déclaré qu’elle avait été vic­time d’une attaque.

Le présen­ta­teur a aus­si été pris pour cible, accusé de sou­tien au ter­ror­isme pour avoir respec­té l’ap­pel de l’en­seignante, et l’avoir fait applaudir. Sous la pres­sion, il a déclaré ce soir qu’il s’agis­sait en fait de pro­pa­gande du ter­ror­isme, et qu’il était du côté de l’é­tat et de son armée.

Les policiers menacent

Le jour­nal Yeni Şafak pro-Erdo­gan, a pub­lié à son tour, la vidéo d’un « polici­er » menaçant le présentateur. 

Le jour­nal présente la vidéo comme appar­tenant aux policiers des équipes spé­ciales. Le « polici­er » dont le vis­age est caché s’exprime :

beyaz

Nous n’oublierons pas ce com­porte­ment hon­teux envers les enfants de la patrie qui lut­tent con­tre des ter­ror­istes et le ter­ror­isme, qui pren­nent le risque de devenir des mar­tyrs hon­orés, dont les cer­cueils sont envelop­pés de notre drapeau.

Le « polici­er » accuse l’institutrice qui ose ne pas rester silen­cieuse devant les morts d’enfants, de se faire la por­teuse de parole d’organisation terroriste : 

Tu as fait applaudir trois fois, cette femme dont nous avons appris que le nom et le méti­er était faux : de mil­liers de mar­tyrs se retour­nent dans leur tombe, Beyaz. Tu as don­né place à des men­songes comme des enfants meurent, les civils sont mas­sacrés, et tu t’es appro­prié ton rôle avec plaisir, dans ce jeu de dupes.

Nous, en tant que policiers et sol­dats turcs sommes les descen­dants d’une généra­tion qui sachant que les comptes seront don­nés au dernier juge­ment, ne blessent même pas une four­mi volon­taire­ment. Com­ment peut-tu croire que nous tuons des enfants ?

(Nous ne donnons pas le lien de la vidéo, pour ne pas faire de l’audience au journal propagandiste de l’Etat Yeni Şafak. Celles et ceux qui veulent peuvent facilement la trouver sur le site du journal)

Kanal D met les point sur les i du nationalisme…

Mal­gré le fait que Beyaz soit un présen­ta­teur aimé sans excep­tion par tout le monde dans le pays, qui ne donne pas de place à la poli­tique dans ses émis­sions, et qui embrasse toutes les caté­gories de la société, il a été attiré au coeur d’une provo­ca­tion. En tant que chaîne de télé qui a adop­té le principe de l’in­di­vis­i­bil­ité et de l’in­tegrité de la Turquie, le Kanal D, con­scient et triste d’être le cible d’une telle provo­ca­tion rap­pelle que  Doğan TV ve Kanal D, se posi­tion­nent depuis le pre­mier jour [de leur créa­tion] du côté de l’Etat”.

Beyaz rétropédale et patauge

Beyaz, a aus­si été invité au JT de sa chaîne, et s’est exprimé en direct. Il a déclaré qu’il avait été  pris au dépourvu, com­plète­ment désta­bil­isé mal­gré l’ex­péri­ence de 20 ans de direct… Il a pré­cisé qu’il fait ses émis­sions pour “amuser” les gens et qu’il ne veut pas se mêler de poli­tique, ni être instru­men­tal­isé. Il s’est con­fon­du en excus­es et a ter­miné son interview ”

(vidéo en turc)
Imag­i­nons qu’Ayse Celik ne soit pas enseignante. Imag­i­nons qu’elle n’ex­iste même pas. Cela change-t-il quelque chose à la réal­ité qu’elle décrit ?
Souhaiter que les enfants ne meurent plus, trans­forme celle ou celui qui fait ce voeu de paix, en un(e) ter­ror­iste, par con­séquent, traître à la patrie ?

#AyşeÇelikBenim

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#AyşeÇelikBenim

Un ren­dez-vous twit­ter a été don­né pour la soirée du 10 jan­vi­er à 21h avec le hastag #AyşeÇe­lik­Ben­im et les inter­nautes se sont exprimés con­tre la guerre menée dans le Sud-Est de la Turquie.

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Voici une petite échan­til­lon de photos :

 
Il est décidé­ment devenu très dif­fi­cile de s’ex­primer pour la paix en Turquie, sans subir main­tenant men­aces et invec­tives. L’in­for­ma­tion ne passe plus et celles et ceux qui bravent cette chape de silence pren­nent des risques, le flanc garde ultra nation­al­iste d’Er­do­gan, très présent dans les exac­tions de l’ar­mée et de la police veil­lant à cette cen­sure. Une sim­ple émis­sion de télé grand pub­lic per­tur­bée, et c’est la réal­ité quo­ti­di­enne du régime qui se trou­ve portée au grand jour.
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