Si la confrérie Gülen n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer.
Surtout en ce jour d’unité nationale sous état d’urgence…
Sur cette dernière année écoulée en Turquie, comment en effet l’attentat de Suruç, qui fut le prélude à la rupture du processus de paix avec les combattants kurdes, serait-il explicable, autrement que par l’intervention du terroriste Fetullah Gülen ?
Ce sont ces « terroristes » là, bien sûr, qui ont manigancé le massacre, en connivence avec Daech, pour enclencher une spirale de terreur jusqu’aux élections de novembre. Les mêmes, sans aucun doute, ont déclenché des bombes dans un rassemblement d’opposition à Ankara, et ont mis le Kurdistan turc à feu et à sang sous couvre feu. Gülen encore, a poussé les députés AKP et kémalistes à voter la nouvelle loi « anti terreur », et au passage a fait lever l’immunité parlementaire des élus du HDP… On reconnaîtra également la main de Gülen dans la dénonciation « calomnieuse » des rapports troubles économiques et militaires, entre le djihadisme syrien et les autorités turques. Les journalistes mis en cause n’ont été que manipulés par la confrérie Fetullah.
Et “l’avion russe”, hein, l’avion russe ?
N’oublions pas les « universitaires pour la paix », guidés eux aussi en sous-main par la FETÖ.1
Mais, et l’exemple sera plus parlant, le fonctionnaire qui fit traîner en longueur votre dossier dans un obscur ministère, tout comme l’employé du courrier qui vous livra un paquet déchiré, ceux-là n’étaient que des Gülenistes ennemis de l’Etat et du peuple turc.
Fort heureusement, le président veillait et avait préparé une purge salutaire, dans l’esprit de la concorde nationale, pour extraire le ver du fruit, pour le bénéfice de tous. Restait à choisir le moment, et il arriva fort opportunément le 15 juillet dernier.
Personne n’aurait jamais imaginé que son voisin, son collègue de travail, son enseignant, puisse-t-être membre de la « confrérie ». Maintenant tout s’explique enfin, jusqu’à la disparition de votre petit vendeur de pastèques. La Turquie, unie, solidaire désormais, musulmane et antiterroriste, est « assainie ». La Nation peut aller de l’avant derrière son leader.
Bien sûr, gare à celle ou celui qui ne communierait pas dans cette union nationale bigote retrouvée derrière son chef. Gülen sans le savoir, on lui fera passer le goût du terrorisme diviseur de la Nation devant le Coran.
C’est ce qui est arrivé récemment à un militant connu pour ses opinions « marxistes », et qui eut le malheur d’avoir en main un « livre » de la confrérie. Libéré depuis, il doit son salut aux oeuvres de Lénine dont sa bibliothèque était remplie. Anecdote ? Que croyez vous donc qu’il arrive à tous les universitaires qui s’étaient risqués à porter leur nom au bas de l’appel pour la paix en 2015 ? Certain(e)s qui appartenaient aux universités « dissoutes » ou « remaniées », ont pris la décision de partir tant qu’il est temps et qu’ils disposent encore de leurs passeports.
Si on en croit les développements récents de la « purge », Gülen aurait même soudoyé des membres influents de l’AKP et de l’ancien gouvernement, tout comme il avait infiltré les siens dans la garde présidentielle. Bref, la Turquie était au bord du gouffre, et dirigée en sous main par un gourou réfugié aux Etats Unis. Peut être même jouissait-il des faveurs d’Obama, ce qui expliquerait la réception fort peu chaleureuse d’Erdogan là-bas. Plus de doutes, le coup d’Etat venait de là…
Erdogan, fortement affaibli comme chacun sait, ne doit son salut qu’à son peuple, qui a su si bien reconnaître en lui le digne successeur de Mustapha Kemal, version islamisme conservateur et petit père de la Nation.
Désormais, ces « fractures » de la Turquie seront effacées derrière l’union retrouvée. Le grand rassemblement populaire, où est conviée l’opposition de « gauche » aujourd’hui 7 août, marquera le « grand bond en avant » vers l’avenir radieux de la Turquie nouvelle : #TekMilletTekYürek (Nation unique, coeur unique). Mais le premier qui parle de génocide…
La tâche est immense.
Sur le plan économique et financier d’abord. Les grands chantiers, les « grands projets » vont être relancés dans une Turquie apaisée. Les expropriations seront plus « douces » et « consensuelles », et les atteintes à l’environnement humain des « sacrifices nécessaires » à Dieu et la Nation. Les écologistes en sont convaincus désormais. Non ?
Les « reconstructions » à l’Est se feront sous le signe de la « concorde » avec les populations locales, comme à Sur, Nusaybin… et ceux qui se mettraient en travers de cette reconstruction nationale, ne feraient que se montrer sous leur vrai jour de Gülenistes du PKK… C’est un ministre qui nous le dit.
Les Gülenistes européens n’ont qu’à bien se tenir, la Turquie désormais réclamera son dû financier et « diplomatique », dans le deal sur les réfugiés syriens. Et d’ailleurs, il y a accord sur le fond entre opposition kémaliste et AKP sur le sujet, y compris pour laisser libre cours à une xénophobie populaire, gage d’union contre un autre ennemi potentiel de l’intérieur.
Sur le plan politique, il reste à s’accorder sur la réorganisation de l’Etat en cours, et les changements de constitution que cela implique. Une fois écartés de la table des représentants d’un peu plus de 10% de populations du pays, les miettes parlementaires devraient être plus importantes, et distribuables en « niches » pour les kémalistes du CHP et leurs alliés de « gauche » apeurés.
Cela passera probablement par un « référendum », consacrant la « Nouvelle Turquie », sauf si les vieilles habitudes parlementaires de couloirs l’emportent, ce qu’espère sans doute l’AKP.
Bref, la Turquie Nouvelle ressemble fort à l’ancienne, avec une évolution toutefois.
Tous les contre pouvoirs sont désormais forcés à l’auto censure au mieux, à la collaboration « alliée » au pire. L’Etat d’urgence s’est imposé comme norme. Et la fracture d’avec l’opposition démocratique est plus que jamais ouverte, derrière cette dictature populiste de la rue, guidée d’une main de fer par Erdogan et l’AKP nouvelle, sous le regard “démocratique” du kémalisme rénové.
Alors, dans ces conditions, ne nous demandez pas non plus de parler de l’environnement régional, des politiques d’alliances de la Turquie… Pour l’instant, la Turquie, elle chasse le Şeytan intérieur, évacue sa grande trouille et se réunit autour de son Vainqueur retrouvé.
Image à la une
Affiche officielle d’appel au meeting du 7 août.
Invitation de notre Président de République et Commandant Suprême à notre Nation
Meeting de la Démocratie et des Martyrs.
En présence de : Président de l’Assemblée Nationale Ismail Karaman, Binali Yıldırım, Premier Ministre et Président de l’AKP, Président du CHP Kemal Kılıçdaroglu, Président du MHP Devlet Bahçeli.
La victoire est à la Démocratie, les places sont à la Nation.
Sans commentaires…