Ven­dre­di, Vel­vet İndieground Records, petit mag­a­sin de dis­ques dans le quarti­er Firuza­ğa, près de Bey­oğlu à Istan­bul, a été attaqué par un groupe d’individus. Où en est-on ? Un appel à man­i­fes­ta­tion, lancé spon­tané­ment sur les réseaux soci­aux don­nait ren­dez-vous à Cihangir à 21h le same­di soir. Ce fut un moment de face à face avec la police.

Il fal­lait bien que le Maire de Beyo­glu Ahmet Mis­bah Demir­can, fasse une déc­la­ra­tion… : Le fait que cet inci­dent soit filmé et pub­lié en faisant le lien avec le jeûne et le Ramadan, est un atten­tat à la Paix » a‑t-il dit, en insin­u­ant que le fait que la caméra tourne était un coup mon­té. Or une émis­sion en live était en cours depuis 12h, comme partout au monde, pour le lance­ment de l’al­bum du groupe Radio­head qui en avait fait un événe­ment inter­na­tion­al. Et c’est les assail­lants qui emme­naient des pro­pos, claire­ment audi­bles sur le film, en faisant le lien avec le jeûne et le Ramadan.

Selon le Maire, ce serait donc, non pas une attaque de ce genre qui “abimerait” la paix sociale, mais de la ren­dre publique…

Les mem­bres du groupe Radio­head ne doivent pas être d’accord, eux non plus. Car il ont pub­lié un com­mu­niqué en exp­ri­mant leur sou­tien aux vic­times de l’attaque : « Nous espérons être les témoins du fait que ce genre d’actes d’intolérance vio­lents appar­tien­dront au passé » ont-ils dit, eux…

Une des vic­times blessées au quarti­er Firuza­ğa pen­dant l’attaque, témoigne devant des médias :

L’activité a com­mencé à 20h. Il est pos­si­ble que les com­merçants qui ont vu que les gens con­som­maient de l’alcool se soient con­certés, parce qu’ils étaient très nombreux.

Ils ne nous ont pas aver­ti ni rien, ils sont directe­ment entrés. Ils étaient venus avec des bâtons. Ils ont frap­pé la tête d’un garçon, avec une bouteille. Il y avait de la terre dedans. D’abord une per­son­ne est entrée, ensuite ils étaient trente. 

Après la fer­me­ture, un groupe de 25, 30 per­son­nes attendaient devant la bou­tique.

Un jeune homme blessé à la tête, a été hos­pi­tal­isé, il a eu plusieurs points de suture.

Hier soir, trois des assail­lants ont été arrêtés et mis en garde à vue, à la suite du rassem­ble­ment qui a réu­ni 300 per­son­nes et que vous avez suivi sans doute. Aujourd’hui le 19 juin, ils sont déjà libérés…

quartier Firuzağa

Si nous con­sacrons du temps à retran­scrire ces événe­ments, c’est parce qu’une ver­sion facile est don­née en Turquie, et ici aussi.

Il s’a­gi­rait d’un “fait divers banal”, d’une dis­pute de voisi­nage dans le quarti­er Firuza­ğa se serait envenimée !

C’est oubli­er que les esprits sont chauf­fés à blanc, à la fois depuis Gezi, con­tre les çapul­cu, et depuis des mois sur la “morale”. Ajou­tons à cela la mon­tée en puis­sance de la haine homo­phobe, en prévi­sion des March­es des Fiertés, et il devient facile pour des “petits com­merçants”, dont Erdo­gan dis­ait il y a peu qu’ils étaient ses meilleurs alliés.

Dans ces con­di­tions, la réac­tion immé­di­ate par un rassem­ble­ment que les organ­isa­teurs ont qual­i­fié “d’an­ti fas­ciste”, se com­prend et s’avère salu­taire. Laiss­er se dévelop­per ce genre d’in­ter­ven­tion dans les quartiers, en les qual­i­fi­ant “d’in­ci­dents”, serait laiss­er le champ libre à l’ex­pres­sion de la haine par des “jus­ticiers auto proclamés” au nom de la morale nationale. Les mêmes pour­raient aus­si s’en pren­dre à la tenue ves­ti­men­taire des femmes… tant qu’on y est.

Il y a des “his­toires”, que la presse aux ordres s’empresse de red­if­fuser, et qui con­stituent des argu­men­taires à usage pop­uliste big­ot, pro­pre à chauf­fer les esprits et ressoud­er si besoin la base de l’éd­i­fice de l’AKP.

Vous vous sou­vien­drez sans doute, lors de la résis­tance Gezi, une femme avait déclaré être “vic­time d’un groupe qui venait de la man­i­fes­ta­tion de Gezi, tors­es nus, habil­lés en pan­talons et gants de cuir, qui l’avait agressée, et lui avait uriné dessus à Kabataş”, un quarti­er extrême­ment passant.

Aus­si bien Erdo­gan que les médias pro AKP avaient immé­di­ate­ment adop­té cette his­toire et elle était dev­enue une marotte sor­tie à toutes les occa­sions : « Ils ont pis­sé sur notre soeur en foulard ». Or, les enreg­istrements de caméra de sécu­rité con­firmeront claire­ment que cette his­toire était invraisem­blable et inven­tée de toutes pièces, parais­sant être comme un fan­tasme SM con­stru­it sur des images vues dans les films. C’é­tait un mensonge.

Mal­gré cette infir­ma­tion, l’AKP est ses médias restent tou­jours ‘accrochés’ à leur ver­sion depuis.

Si on en par­le c’est parce qu’avec l’histoire de Firuza­ga on a comme une impres­sion de déjà-vu…

Pour les médias alliés de l’AKP, faisant écho au Maire de Beyo­glu, « l’incident » a été util­isé à des fins idéologiques. Selon Sabah, d’après la dépo­si­tion au com­mis­sari­at, le bon­homme agres­sif qui entre en pre­mier dans la bou­tique don­nerait sa ver­sion de la façon suivante :

Dans la journée, ma femme a été insultée par cette foule alors qu’elle pas­sait devant. Le soir, j’ai appris cela et, vexé, je suis allé à la bou­tique pour leur par­ler. Quand j’ai par­lé de ce qui s’est passé aux gens sui se tenaient devant le mag­a­sin, ils m’ont insulté. J’ai demandé qui était le pro­prié­taire et ils m’ont poussé vers l’intérieur. J’ai voulu sor­tir le pro­prié­taire pour mon­tr­er le paysage dehors, et tout s’est bous­culé. Je n’ai prévenu per­son­ne avant d’y aller, mais me con­nais­sant il est pos­si­ble que des gens soient venus pour soutenir. Je n’ai vu per­son­ne que je con­nais­sais. Je n’ai bat­tu per­son­ne et je n’ai pas insulté.

Langue au chat. Pas de commentaire.…

Vous êtes invité-es à regarder la vidéo ou de la re-vision­ner si vous l’avez déjà vue.
(pour les non tur­coph­o­nes, la tra­duc­tion se trou­ve dans notre arti­cle précé­dent : Je ne sais pas si vous l’avez vu...

 

La mairie d’Is­tan­bul sait cepen­dant que l’ap­par­ente quié­tude, déjà bien écornée par les “atten­tats”, ne doit surtout pas être rompue. C’est beau un vol­can qui dort… La carte postale est intacte au rec­to. Et le touriste n’y ver­ra rien, pas plus qu’il ne se doutera qu’à l’Est, au Kur­dis­tan Nord, les exac­tions con­tin­u­ent. Ce touriste sera somme toute à égal­ité avec les habi­tants de l’Ouest.

Fer­mez les yeux, vous êtes à Istanbul.

Comme dis­ait le poète Orhan Veli, “J’é­coute Istan­bul les yeux fermés…”.


Traductions & rédaction par Kedistan. | Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
Kedistan’ın tüm yayınlarını, yazar ve çevirmenlerin emeğine saygı göstererek, kaynak ve link vererek paylaşabilirisiniz. Teşekkürler.
KEDISTAN on EmailKEDISTAN on FacebookKEDISTAN on TwitterKEDISTAN on Youtube
KEDISTAN
Le petit mag­a­zine qui ne se laisse pas caress­er dans le sens du poil.