L’explosion d’Ankara a conforté Erdogan dans sa volonté de “guerre totale” au Kurdistan.
Il est même allé vendredi dernier jusqu’à annoncer qu’il a téléphoné “à Obama”, pour le convaincre de son erreur lorsqu’il refuse de “condamner les Kurdes de Syrie”.
Les prises de paroles ont été nombreuses et un tir groupé autour de “la Turquie attaquée dans son intégrité” et son “unité”, en état de “légitime défense”, a donné le ton des médias turcs.
Sur le plan international, quelques membres de l’OTAN ont rappelé que la Turquie ne pourrait pourtant pas se prévaloir d’être “attaquée”, pour se lancer dans une intervention au sol et dans les airs, avec le soutien de l’OTAN, dans le corridor syrien d’Azaz ou la région d’Afrin.
Toujours le même silence par contre, vis à vis des “opérations de nettoyage”, au Kurdistan turc, (Kurdistan Nord). Après les massacres à Cizîr, où les mercenaires terminaient de faire disparaître les preuves des exécutions, sans distinction entre femmes, jeunes, anciens ou combattants, c’est maintenant à Amed/Sur, que le scénario se répète, avant que de s’étendre à d’autres quartiers.
Une délégation européenne est actuellement sur place pour tenter d’ouvrir un couloir humanitaire pour les blessés. Depuis plusieurs jours de siège, les civils blessés ne peuvent pas, là non plus, être secourus. Les dépouilles ne sont pas rendues aux familles.
Un exemple : touchée par des éclats d’obus dans le district assiégé, Fatma Ates, 55 ans, a succombé à ses blessures à l’hôpital après avoir perdu trop de sang. Cinq autres personnes blessées ont été secourues grâce à la délégation du HDP incluant Feleknas Uca, ancienne députée européenne et députée de Turquie.
Cette délégation européenne menée par Feleknas Uca, a pourtant été bloquée par les autorités turques aujourd’hui. Elle demande l’ouverture d’un corridor humanitaire d’urgence, pour toutes les autres personnes blessées, actuellement retenues et assiégées, dans les même conditions qu’à Cizre. Dans le même temps, une délégation à Strasbourg portait cette demande, lors d’une “rencontre de décideurs européens”.
Les policiers turcs ont, par contre, extrait d’un sous sol le journaliste Mazlum Dolan pour le placer en garde à vue, sans préjuger des blessés présents ni les secourir.
On peut craindre encore le pire, et cette fois avec témoins, pour la suite. Les forces de répression turque et leurs miliciens n’ont pas hésité à Cizre, à abattre, brûler, torturer celles et ceux qui étaient réfugiés dans les sous sols. On apprend même que des restes humains suspectés d’appartenir aux personnes massacrées à Cizîr ont été découverts dans le fleuve Tigre qui passe par la ville. Tout cela ressemble à un cauchemar, mais est pourtant la réalité quotidienne. On ne peut après s’étonner que la haine monte également.
Erdogan et Davutoglu ont ces dernières heures, justifiés par avance tous les crimes possibles, en les plaçant comme “riposte légitime à la terreur”, suite à l’explosion d’Ankara, et l’accusation à l’encontre du PKK qui a fait le tour du monde. Revendication par d’autres ou pas, ce qui sera retenu, c’est la “revendication kurde”.
On peut fortement douter, que malgré une délégation européenne présente , les forces de répression seront mises en laisse, d’autant que tous les regards sont tournés vers la Syrie et s’attend à une escalade là aussi.
Nous continuerons à croire que dénoncer et confondre les crimes de l’Etat turc, ne se fera pourtant pas en vengeant les victimes par une “explosion”. Chacun sait que face à la force armée turque, soutenue en logistique par l’OTAN, s’il est possible d’organiser une auto défense des populations civiles avec plus ou moins de succès, cette situation déséquilibrée ne peut durer sur le long terme. Déclarer une “extension de la guerre à l’ensemble de la Turquie” comme vient de le faire le TAK, en “répandant l’insécurité en tous lieux”, pour donner aux Turcs l’idée de ce qu’endurent les populations kurdes, devient dérisoire sur le plan militaire, et ô combien inefficace et contre productif sur le plan politique.
Basculer dans une réelle “guérilla” au Printemps ne semble pas non plus le choix du PKK, tant le danger est également imminent contre le Rojava. De la même façon qu’en Syrie, les forces combattantes au Rojava ne se sont pas directement affrontées au régime, Daech étant la menace principale, et avec lui les diverses factions militaires soutenues par les Etats qui entretiennent le conflit, il serait difficilement envisageable que les combattants kurdes soient sur deux fronts au Kurdistan. Et ce d’autant que le PKK perdrait aussi toute base arrière en Irak, Barzani ayant passé des accords de non agression avec Erdogan.
Cette “cuisine stratégique” peut sembler embrouillée, mais elle est à l’image des rapports de forces régionaux et des “supervisions” internationales, qui ont déjà en Syrie, précipité le Pays entier dans le chaos.
La voie de l’exigence du retour à des “négociations” et à la “paix civile”, reste donc la seule porte étroite qui peut permettre un avenir à moyen terme, qui ne soit pas la litanie des morts, des attaques et des représailles… et surtout laisser ouvert un avenir politique commun à toute l’opposition démocratique en Turquie, Kurdes compris. Et les propositions pour le futur ne manquent pas !