Ouverte à l’arrache en sep­tem­bre à l’initiative de l’association Kur­di Der et du syn­di­cat d’eseignants Egit­im-Sen, Bianet nous apprend que la pre­mière école élé­men­taire kurde de Turquie vient de ter­min­er son pre­mier semes­tre les copains. Et ça c’est plutôt une vache de bonne nou­velle, non ? Alors mer­ci les copains kur­des pour la leçon lib­er­taire « quand l’Etat ne te donne pas le droit, tu prends le gauche… ». Mais attends un peu que je t’en cause…

En Turquie, depuis le milieu des années 1920, instau­ré par Kemal Atatürk, fon­da­teur de la République laïque de Turquie, l’enseignement est oblig­a­toire de 8 à 14 ans. Ces 8 années con­stituent l’enseignement pri­maire au bout duquel les élèves reçoivent un diplôme pour pou­voir con­tin­uer leurs études. Alors bien évidem­ment, tu l’auras com­pris, dans un pays fondé sur la nation­al­isme qui ne recon­naît en son sein qu’une seule langue et un seul peu­ple, l’école est évidem­ment dis­pen­sée en Turc.

Bien sûr, les choses ont légère­ment changées ces 10 dernières piges, avec l’arrivée au pou­voir en 2002 du par­ti islamo con­ser­va­teur. N’oublions pas que face à son con­cur­rent du CHP qui fai­sait cam­pagne sur les cli­vages islam/laïcité et Turcs/Kurdes, l’AKP est arrivé avec un nou­veau dis­cours, faisant cam­pagne sur l’entrée dans l’Europe qui sig­nifi­ait de nou­veaux droits com­mu­nau­taires pour les minorités, et comme chez nous Sarko en 2007, sur la crois­sance et le plein emploi. Par la suite, les choses ont quand même très légère­ment changé, avec notam­ment l’ouverture de pro­grammes kurdes.

Rap­pelons enfin que la Turquie qui veut entr­er dans l’Union Européenne et a ouvert les pour­par­lers d’adhésions depuis 2005, n’a tou­jours pas rat­i­fié ni la Charte Européennes des Langues Régionales comme un autre mau­vais élève sur le sujet que nous con­nais­sons bien, la France ; ni ne respecte la Charte Européenne de l’Autonomie locale ou la Con­ven­tion Inter­na­tionale des droits de l’Enfant, ain­si que le rap­pelait Yildirim Arslan, le vice-prési­dent du syn­di­cat d’Enseignant local d’Egitim Sen à Diyer­bakir dans l’Est de la Turquie, en novem­bre dernier au micro de RFI.

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Fer­zad Ker­manger et ses élèves devant son école.

La petite école en ques­tion porte le nom de Fer­zad Kemanger, enseignant, jour­nal­iste, poète, mil­i­tant human­iste, et tra­vailleur social kurde iranien tor­turé et exé­cuté som­maire­ment par l’Etat islamique iranien pour des faits qu’il n’avait même pas com­mis. Dans le monde des mol­lahs, quand on veut flinguer son cleps, on dit qu’il a mor­du le cul du prophète…

Alors bien sûr, notre petite école n’est certes pas une école lib­er­taire du type des écoles Fran­cis­co Fer­rer, mais t’avoueras que c’est quand même une vache de bonne nou­velle pour ce peu­ple dont les mass media ont pris l’habitude de rap­pel­er, et moi aus­si je vais me gên­er tiens, que c’est le plus grand peu­ple sans pays. Après, nous, bon, les Etats, les fron­tières, hein !…

Ven­dre­di dernier, le 23 jan­vi­er donc, comme 18 mil­lions de mômes au tra­vers du pays, v’là t’y pas que nos petits kur­des ont eux aus­si ter­miné leur pre­mier semes­tre. Sauf que pour nos petits Neil Arm­strong kur­des, c’était le pas de l’enseignement du kurde dans toute l’histoire de la république Turque. Un petit pas pour les kur­des, un grand pas pour la Turquie et l’Humanité !

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Les élèves devant leur école un peu après la rentrée…

Pour l’occase, une céré­monie s’est donc tenue dans la cour de récré de l’école en présence, tu l’imagines, des politi­cards kur­des du coin. Comme la co-prési­dente du Con­grès de la Société Démoc­ra­tique (DTK) qui a rap­pelé même si cela avait été rock & roll d’ouvrir avec plusieurs fer­me­tures suc­ces­sives de l’école par l’administration qui avait finit par se fatiguer des réou­ver­tures à l’arrache et déclaré l’école privée comme les écoles diwan en Bre­tagne, il était prévu d’en ouvrir d’autres ailleurs sur le territoire.

Il est à ce pro­pos à not­er que deux autres écoles élé­men­taires kur­des ont été ouvertes à l’Est de la Turquie. Üveyş Ana à Hakkari et Bêrî­van à Şırnak.

L’adjoint au maire de la Munic­i­pal­ité de Diyer­bakir, Gül­tan Kışanak, a elle déclaré : « C’est juste un début, un pre­mier pas. Je crois que cela va s’agrandir. Nous sommes ici en tant que généra­tion qui a été sujette à l’assimilation. Cepen­dant, notre futur sera avec les généra­tions qui ne seront pas sujette aux assim­i­la­tions poli­tiques, recevront une édu­ca­tion dans leur langue mater­nelle et inté­grée à son peu­ple, sa cul­ture et sa société ».

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Après son speech, Gül­tan a remis le pre­mier car­net d’école en langue kurde à une élève. Un moment qui bor­del, a du vache­ment être émou­vant ! On en frissonne…

Avec 110 gamins sur 5 class­es dif­férentes, l’école enseigne le sport, le dessin, la musique, les maths, les con­nais­sances générales et le kurde. L’école va aus­si enseign­er l’anglais et le Turc à par­tir de la 4ème année. On ne peut donc leur souhaiter que du bon­heur ! Quand aux para­noïaques qui penseraient que l’enseignement du kurde en Turquie, c’est le début de la fin et que la Turquie va par­tir en morceaux, paniquez pas les copains, ouvrez grand la fenêtre, respirez lente­ment et pro­fondé­ment par le nez, tout va bien se pass­er. Je voudrais pour les ras­sur­er, laiss­er le mot de la fin au fran­gin Abdurhaman Pak­er, mem­bre de l’asso Kur­di Der, lorsqu’il déclarait sur RFI :

« Ce n’est pas parce que des enfants kur­des reçoivent un enseigne­ment dans leur langue que la Turquie va se dés­in­té­gr­er. Quel pays européen recon­nais­sant ce droit s’est ensuite divisé ? Aucun… Avec cette école nous voulons prou­ver qu’il n’y a rien à crain­dre et qu’au con­traire, l’unité nationale n’en sera que ren­for­cée… Il ne nous vient pas non plus à l’esprit de refuser le turc, se serait absurde ! Nous deman­dons sim­ple­ment à l’Etat d’entendre cette demande légitime de la société kurde ».

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