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Un célèbre assas­sin nation­al­iste serbe prononçait l’en­vers de ce dis­cours, il y a trente ans, à pro­pos d’une dis­pute très anci­enne, dont l’Ot­toman était par­tie prenante, appelée “bataille du champ des mer­les”, plus con­nue sous le nom “Koso­vo Pol­je”.

Cette bataille, en 1389, est à la fois portée aux nues par la Turquie otto­ma­ni­aque, puisqu’elle mar­querait la dom­i­na­tion de l’Em­pire Ottoman sur les Balka­ns, et célébrée para­doxale­ment comme une vic­toire par le nation­al­isme serbe, puisque les osse­ments des héros y mar­queraient le ter­ri­toire, à la manière d’un tigre.

Mais pourquoi donc vous par­lerai-je de cette vieille his­toire ? Eh bien parce qu’elle n’en finit pas de flûter et de babiller comme l’oiseau noir, et de hanter notre classe poli­tique turque, elle aus­si, en toile de fond.

L’al­liance de l’ot­tomanie et du nation­al­isme qui tan­tôt cherche du gaz chez le voisin grec, tan­tôt des olives en Syrie, tan­tôt envoie des janis­saires à barbe de pacotille en Lybie ou en Azer­baïd­jan, pour y soutenir ce qui l’arrange, va devoir bien­tôt cacher les osse­ments de ses vic­times, tant ils sont voy­ants et s’en­tassent. Et tout ça en notre nom, pour la grandeur de la patrieeee. Et donc de la naaa­tion, bien sûr.

Voilà pourquoi l’Eu­rope devrait ré-ouvrir les livres d’his­toire, comme moi.

Me voilà à par­ler comme le Reis, quand il injurie le Macron français.

Mais, en fait, il n’a pas tort de ren­voy­er tout le monde à ce passé. Sauf qu’il n’y retourne pas lui-même, et s’ar­rête sur les his­toires appris­es à l’é­cole, et qui fonderaient “la force du Turc”. L’Eu­rope fait l’autruche, et Erdoğan réécrit ce qui l’arrange, comme ses prédécesseurs. On est mal bar­rés pour la suite.

Vous allez me dire “Oui, mais l’op­po­si­tion n’ac­ceptera pas cette agres­siv­ité extérieure de la Turquie”. L’op­po­si­tion ? Celle qui est en prison ou celle qui va y aller com­plète­ment, au train où vont les choses ? Haa, vous me par­lez sans doute du ven­tre mou de la Turquie… Eh bien les kémal­istes, ça leur con­vient, le coup de l’os et du gaz chez le voisin. Ils y vont en reni­flant comme des chiens… ou des loups gris.

Je lis sur des manchettes européennes que ce que fait Erdoğan est aus­si pour répon­dre préven­tive­ment en interne à ce que la crise économique et san­i­taire provoque. Je con­state que le préven­tif réus­sit à mer­veille, depuis la prise d’Afrin en Syrie, puis l’in­va­sion, puis les bom­barde­ments inces­sants… Le ven­tre mou digère tout ça et en redemande.

Alors pourquoi l’AKP se gên­erait-elle ? C’est aus­si le moment de frap­per encore plus le HDP, d’en cass­er toutes les pos­si­bil­ités d’ex­pres­sion, d’en arrêter encore éluEs, jour­nal­istes, sou­tiens… Le ven­tre mou regarde ailleurs, yeux tournés sur les enne­mis extérieurs de la paaatriiie.

Com­bi­en de fois fau­dra-t-il écrire pour faire com­pren­dre à vos “spé­cial­istes de la Turquie” que ce qui se passe ici n’est pas une bataille d’al­ter­nances poli­tiques, un jeu d’échecs élec­toral. Non, qu’Is­tan­bul soit passée côté ven­tre mou ne sig­ni­fie pas la résur­gence d’une oppo­si­tion au nation­al­isme et à la big­o­terie. Cela se saurait. Depuis le dernier coup d’E­tat, ceux-là n’ont cessé de nation­alis­er ensem­ble et de béquiller le fascisme.

Et l’en­ne­mi grec, alors là, ça com­plète le tableau. Même les plus répub­li­cains des kémal­istes soi-dis­ant laïcs, sauvés des purges de l’ar­mée du début des années 2000, sont prêts à nav­iguer et marcher comme un seul homme con­tre les enne­mis extérieurs, ceux qui occu­peraient nos cimetières ottomans, marins ou terrestres.

Alors, si le Macron veut refaire le coup des Dar­d­anelles, je lui con­seille de regarder ce qui s’en est suivi, et ce qui avait précédé 1915.

Mais je crois savoir que là aus­si, à pro­pos de Gal­lipoli, pour les uns se sont des grives, pour les autres des mer­les, comme pour le champ.

 


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Mamie Eyan
Chroniqueuse
Ten­dress­es, coups de gueule et révolte ! Bil­lets d’humeur…