Çağdaş Erdoğan , journaliste-photographe, après 13 jours de garde-à-vue et d’isolement, a été incarcéré à Istanbul, le 13 septembre, de manière préventive, avec la désormais traditionnelle accusation d’appartenance à une organisation terroriste. Il a adressé aux médias une lettre publique. Elle a été publiée en turc sur P24, le 10 octobre 2017
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Mes amiEs,
Je vous salue avec nostalgie… J’espère que vous continuez, face à cette période insensée, à aller bien, avec entêtement. Pour moi, n’ayez pas d’inquiétudes. Malgré les choses négatives que j’ai vécues la semaine dernière, je vais bien, et j’ai de l’espoir comme je n’en ai pas eu depuis longtemps…
Mes amiEs, je dois parler avant tout de l’événement, digne d’une “vidéo gag”, que j’ai vécu. Comme vous le savez, le 2ème jour des fêtes de Kurban (Laïd), c’est à dire le samedi 2 septembre, j’ai été placé en garde-à-vue. Comme motif de cette garde-à-vue, il a été avancé le fait que j’aurais photographié un immeuble ‘invisible” situé au parc Yoğurtçu, appartenant prétendument à l’Etat. Je n’ai d’abord pas pu donner un sens à cette situation. J’ai compris le fond de l’affaire, dans le commissariat où j’ai été amené.
C’était donc la suite d’un processus qui a été lancé après que j’ai été désigné quelques temps auparavant, comme cible par A Haber [média proche du régime]. Il paraitrait que les photos que j’ai prises lors des couvre-feux de Cizre, Nusaybin et Şırnak, pour des agences et journaux internationaux, constitueraient des délits. La dernière goutte qui aurait fait déborder le vase, serait le fait que The Guardian, ait classé une photo que j’ai prise à Nusaybin dans la liste des photos de l’année. Pour m’exprimer rapidement, mes photos qui ont été publiées dans des dizaines de journaux et magazines internationaux, à commencer par le New York Times, la BBC, The Guardian, rentreraient donc dans le cadre de “menées activitistes pour une organisation terroriste armée” ! Et l’autorité qui accuse, qui a perdu le contrôle de sa vitesse, a proposé même des photos, concernant la mafia et les combats de chiens, qui figurent dans mon livre intitulé “Control” , paru à Londres, comme “preuves du crime” pour le chef d’accusation “membre du PKK” !
En vérité, dans ces jours où l’art, la science et le Droit sont piétinés pour des phobies politiques, je n’ai pas trouvé cette situation très étonnante… J’en ai même ressenti de la fierté. Surtout lorsque j’ai pensé à Hrant [journaliste humaniste arménien assassiné en 2007 à Istanbul], Berkin [blessé mortellement par la police lors des protestations de Gezi en 2013 à Istanbul], Nuh Köklü [Journaliste assassiné par un commerçant en 2015 à Istanbul Kadıköy], la mère Taybet [femme kurde de 57 ans, tuée par la police à Silopi sous couvre-feux en 2015]. Toutes ces personnes, elles aussi victimes de l’intelligence politique représentée par l’autorité accusatrice et du délire produit par celle-ci . Je suis conscient que je suis en prison pour avoir défendu, en tant que journaliste, le fait que la falaise de la haine ainsi crée et la guerre soient insensés. L’absence d’audition, tout au long des 13 jours de garde-à-vue et d’isolement, et mon arrestation, malgré les contre-preuves fournie, en sont la preuve. Selon les autorités de l’accusation et de la justice, je suis désormais un suspect “membre d’organisation terroriste”. New York Times, Guardian, BBC et les autres sont des organisations terroristes !
Mes amiEs ! Nous allons sortir de ces jours. La seule chose dont nous avons besoin, est de s’accrocher les unEs aux autres. Dessinez, prenez des photos, écrivez… Nous traversons des jours historiques, et nous sommes les témoins de cette période. Nous devons être concientEs de cela. Je vous salue toutes et tous, avec nostalgie.
Çağdaş Erdoğan
Etablissement pénitentiaire n°5 de type L C‑9
Silivri — Istanbul
Pour connaitre le travail de Çağdaş Erdoğan VISITEZ SON SITE !
English: “Çağdaş Erdoğan • Letter from prison” Clic to read