Kazım Öz, réal­isa­teur kurde se pré­pare à retrou­ver les cinéphiles et donne un nou­veau ren­dez-vous avec son dernier film : Zer.

ZER Kazım ÖzNous avions ren­con­tré Kazım lors du fes­ti­val de ciné­ma de Douarnenez, en août dernier, alors que cette 39ème édi­tion, avait accueil­li 4 films du réalisateur.

Zer est le six­ième long métrage de Kazım, qui, cette fois, part dans le sil­lage d’un per­son­nage prin­ci­pal du film, Jan, au delà des ter­res kur­des. Le pub­lic est invité à se join­dre au par­cours de Jan, qui suit une voix qui le rap­pelle à ses racines. De New York à Der­sim, ce voy­age s’an­nonce comme une véri­ta­ble quête, une his­toire de vie et d’existence.

La Pre­mière de Zer se déroulera lors du Fes­ti­val Inter­na­tion­al du film d’Is­tan­bul, et le film de Kazım sera en com­péti­tion, à la fois dans deux caté­gories, nationale et inter­na­tionale. La sor­tie est prévue pour le 21 avril.

Le dernier film de Kazım Öz, Bahoz ayant éveil­lé beau­coup d’in­térêt aus­si bien en Turquie qu’à l’in­ter­na­tion­al, Zer, est alors très attendu.

Nik Xhelilaj, Güler Ökten, sont “habités” par les per­son­nages prin­ci­paux. Ahmet Aslan, célèbre musi­cien, fait ses pre­miers pas au ciné­ma avec Zer, et croise à cette occa­sion dans son dernier rôle, Tom­ris İncer, une pré­cieuse comé­di­enne et actrice, décédée en octo­bre 2015. Les musiques sont l’œu­vre de Mustafa Biber, plusieurs fois lau­réat de musique de films.

Les tour­nages ont été effec­tués en Turquie, dans les villes de Der­sim, Afy­on, İst­anb­ul, Uşak, Elazığ et aux Etats-Unis, à New York. “Pour réalis­er ce pro­jet, le plus dif­fi­cile a été la par­tie finan­cière” dit Kazım, “Les tour­nages à New York, dans plusieurs lieux, en tra­vail­lant avec les tech­ni­ci­enNes locaux, et en Turquie, le tour­nage des flash­back con­cer­nant le mas­sacre de Der­sim de 1938, étaient des étapes qui néces­si­taient d’im­por­tants budgets.”

Kazım explique  :

Zer, c’est l’his­toire de Jan, qui décou­vre sa pro­pre réal­ité, en pas­sant par la décou­verte cul­turelle et his­torique. Son his­toire com­mence sous l’eau à New York, et se ter­mine dans un vil­lage de mon­tagne à Der­sim, encore, sous l’eau. Et, en accom­pa­g­nant Jan, nous serons des témoins, de la mul­ti­tude cul­turelle et cultuelle du monde, décou­vrirons cer­taines réal­ités de la Turquie, et trou­verons leurs échos visuels dans la géo­gra­phie changeante des ter­res, tout au long du voyage.

Un voyage aux sources

Jan et Zarife, une grand-mère et un petit-fils qui, pour­tant sont étrangers l’une à l’autre. La ren­con­tre se fait dans des con­di­tions par­ti­c­ulières, lorsque Zarife tombe malade, et est amenée à New York pour être soignée. C’est avec des années de retard, qu’ils com­men­cent enfin à se con­naitre. Mais, avec le décès de Zarife, les liens qui com­mençaient à être tis­sés restent sus­pendus. Alors, Jan fait la promesse de par­tir à la pour­suite de la chan­son que sa grand-mère lui a chan­té dans ses dernières heures. Ain­si, il entre­prend un voy­age vers ses racines. Plus il suiv­ra la chan­son, plus il se rap­prochera du secret que sa grand-mère avait gardé dans son coeur, durant toute sa vie. Et à Der­sim, il trou­vera son his­toire, son iden­tité, au coeur d’un massacre.

Mais quelle est donc cette chanson ?

Dans les anciens temps, dans un vil­lage de Der­sim, un jeune berg­er tom­ba amoureux d’une jeune fille nom­mée Zer. Et Zer l’aima aus­si. Mais elle était la fille du agha [seigneur] du vil­lage et pour son père, un berg­er n’é­tait pas digne de sa fille. L’agha refusa donc de don­ner la main de Zer à son amoureux et la força à épouser un autre homme. Le berg­er et Zer, mal­gré l’hiv­er, décidèrent de se trou­ver, le soir du mariage, et de fuir ensem­ble. Zer tint parole et quitte les noces, mais elle, per­dant son chemin dans la tem­pête de neige, et dans sa robe de mar­iée en den­telles, suc­com­ba au froid. Le jeune berg­er, apprenant sa mort, en perdit la rai­son. Jusqu’à la fin de sa vie, ils se bal­a­da d’un vil­lage à l’autre, en chan­tant son amour pour Zer.

Kazım Öz dit se ques­tionne sur nos déter­min­ismes profonds :

Où qu’on aille, quoi qu’on vive comme trans­for­ma­tion, des valeurs qui se cachent dans notre passé his­torique et cul­turel exis­tent, un peu comme dans nos gènes. Com­ment pou­vons-nous être sûrs, que des trau­ma­tismes vécus par des généra­tions précé­dentes, dans les racines de notre arbre d’ex­is­tence, ne seraient pas déter­mi­nants sur la per­son­ne que nous sommes aujour­d’hui ? Com­paré à notre His­toire, descen­dant et vécue par nos ancêtres, notre dif­férence per­son­nelle, ne serait-elle pas juste une petite goutte dans un océan ?

Dans la con­ti­nu­ité de la vie, le passé, les orig­ines sont des faits qu’on oublie. Mais en vérité, notre con­struc­tion per­son­nelle, notre iden­tité, notre façon de vivre, et même notre avenir, sont comme une con­ti­nu­ité oblig­a­toire de notre passé com­mun, notre Histoire.

Ce n’est pas pour rien, que les larges spec­tres dans l’Art, sont occupés par la recherche de l’être humain… qui il est… qui suis-je ? Pourquoi suis-je ici ? Pourquoi j’ex­iste ain­si ? Com­ment suis-je devenu celui/celle que je suis ? L’Art cherche des répons­es à ces questions.

ZER
Durée 110′ | Drame | Janvier 2017 | Production Turquie-Allemagne | Réalisation/Scénario Kazım Öz | Cinématographes : Feza Çaldıran, Eyüp Boz, Orçun Özkılıç | Musique Mustafa Biber | Avec Nik Xhelilaj, Güler Ökten, Tomris İncer, Füsun Demirel, Levent Özdilek, Bülent Çolak, Haleigh Ciel, Jose Ramon Rosario, Deniz Ekici, Mehmet Ali Öz, Zekiye Bay…

Voici quelques aperçus de Zer (en kurde/turc)

Kazım Öz

Né en 1973 à Der­sim. Après les études d’ingénierie à l’u­ni­ver­sité Tech­nique d’Is­tan­bul, il a enchainé sur une licence de ciné­ma à l’u­ni­ver­site de Mar­mara à Istan­bul. En 1992, il a tra­vail­lé avec Teatra Jîyana Nû (lit­térale­ment “Théa­tre de Nou­velle Vie”), en tant que directeur d’art. En 1996, il fut un des fon­da­teur du Col­lec­tif ciné­ma du Cen­tre cul­turel Mésopotamie (Mezopotamya Kültür Merkezi).

Céline Pierre Mag­nani présen­tait Kazım en préam­bule d’une inter­view pub­liée en fin décem­bre 2015 :

Kazım Öz a décou­vert les couliss­es du ciné­ma dans les années 90, au sein du Col­lec­tif ciné­ma du Cen­tre cul­turel Mésopotamie. Créée en 1996, l’initiative naît alors d’une envie de faire con­naître la cul­ture kurde à un large pub­lic, au-delà de ses territoires.

Les années 90 sont des années de con­flits dans les régions kur­des, et le col­lec­tif se donne pour objec­tif d’éveiller les con­sciences sur « les tabous de la ques­tion kurde et les aspects les plus som­bres de la guerre civile ». En 18 ans d’existence, le col­lec­tif est par­venu à s’imposer comme un des prin­ci­paux représen­tants du ciné­ma kurde en Turquie et à l’étranger. Assur­er le bon déroule­ment des tour­nages con­stitue une pre­mière dif­fi­culté ; assur­er la dif­fu­sion et la pro­jec­tion des films en est une autre.

Le ciné­ma « alter­natif » et le ciné­ma kurde n’ont pas tou­jours eu droit de cité. Diyarbakır, Bat­man, Der­sim, les salles de ciné­ma alter­na­tives d’Istanbul, les fes­ti­vals en Turquie et à l’étranger… À écouter Kazım Öz, on visu­alise pro­gres­sive­ment des espaces plus ou moins autorisés, une « géo­gra­phie de la per­mis­siv­ité » en quelque sorte. L’atmosphère poli­tique en Turquie et la défense de la turcité ont sou­vent con­finé l’expression des iden­tités minori­taires à des cer­cles fer­més. Kazım Öz a récem­ment quit­té le col­lec­tif, mais il pour­suit son méti­er de cinéaste.

Il a réal­isé en 1999, un court métrage Ax (Terre), et 4 long métrages, Fotoğraf (Pho­togra­phie) en 2001, Dur (Loin) en 2005, Bahoz (Tem­pête) en 2009, et He Bû Tune Bû (Il était une fois) en 2014, ain­si qu’un doc­u­men­taire Dem­sala Dawî : Sewax­an (La dernière sai­son : Shawaks) en 2009. Et, depuis le début de son aven­ture ciné­matographique il a reçu plus d’une trentaine de prix pour ses dif­férents films.

ZER : Page Face­book | Kazım Öz : Twit­ter | Face­book Vous pou­vez regarder les films de Kazım Öz en ligne à petit prix. C’est aus­si une con­tri­bu­tion pour ses prochains projets.


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