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Une des plus graves des résur­gences du ter­ror­isme de Daesh vient de se man­i­fester il y a qua­tre jours main­tenant au Roja­va, à Has­saké (Nord Est Syrien).

Con­join­te­ment, des “cel­lules dor­mantes” de Daesh ont attaqué la prison où sont détenus plusieurs mil­liers d’ex-com­bat­tants de l’E­tat islamique, afin de favoris­er une éva­sion concertée.

Des attaques plus mineures de ce type se sont déjà pro­duites dans les mois passés con­tre le camp d’Al Hol, vaste camp, tou­jours dans le Nord Est, où sont détenues près de 60 000 per­son­nes, dont 27 000 enfants, depuis la défaite mil­i­taire de l’E­tat islamique. Chaque fois, des ex-com­bat­tantes de Daesh ont pu s’échap­per en petit nom­bre et rejoin­dre des cel­lules dor­mantes dans la région, voire des zones con­trôlées par la Turquie en Syrie, depuis les accords dits du proces­sus d’As­tana. Le camp même est devenu un cloaque où règne des gangs reconstitués.

La prison de Sina’a à Has­saké abrite plus de 4500 détenus, de près de 50 nation­al­ités dif­férentes, mer­ce­naires venus com­bat­tre aux côtés de Daesh, dont les pays d’o­rig­ine refusent tou­jours à ce jour d’as­sumer le retour et le jugement.

Comme pour l’Ex-Yougoslavie, les insti­tu­tions du Roja­va, ont un temps demandé la con­sti­tu­tion d’un tri­bunal ad hoc, pour juger les prin­ci­paux respon­s­ables détenus, des crimes com­mis par l’E­tat islamique, ain­si qu’as­sur­er toutes les enquêtes sur les crimes de guerre, et pou­voir incrim­in­er les coupables. C’é­tait une forme de réponse au refus des Etats qui jugent que ces crimes ne regar­dent que les ter­ri­toires où ils ont été com­mis, Syrie et Irak.

La même ques­tion se pose à pro­pos des mil­liers d’en­fants qui croupis­sent dans les camps, orphe­lins ou sous la pseu­do respon­s­abil­ité de leurs mères, le plus sou­vent ex-com­bat­tantes. Des rap­a­triements se font au compte goutte, lais­sant la lourde respon­s­abil­ité à l’ad­min­is­tra­tion du Roja­va d’as­sur­er une sécu­rité dans les camps, où les gangs se réor­gan­isent. Pour les occi­den­taux, la céc­ité reste totale, con­cer­nant cette bombe ter­ror­iste à retarde­ment que peut con­stituer cette détresse absolue d’en­fants livrés à la vio­lence quotidienne.

Des voix en Europe se sont même faites enten­dre, accu­sant les autorités qui assurent sécu­rité, garde et respon­s­abil­ité des camps et pris­ons, de favoris­er des éva­sions, moyen­nant finances, reje­tant ain­si sur le Roja­va tous les prob­lèmes, avec la recon­sti­tu­tion de cel­lules com­bat­tantes de Daesh sur le ter­ri­toire syrien. Tout a été bon jusqu’i­ci pour jus­ti­fi­er l’i­n­ac­tion des “puis­sances occi­den­tales” à pro­pos des juge­ments et rap­a­triements de dji­hadistes et de leurs familles, après que les FDS, aient été aban­don­nées à leur sort, suite à la défaite de l’E­tat islamique.

Le proces­sus d’As­tana, qui a vu aujour­d’hui s’établir un con­trôle syrien, russe et turc, sur dif­férentes zones frontal­ières, prin­ci­pale­ment avec la Turquie, ain­si que les noeuds de com­mu­ni­ca­tion et routes prin­ci­pales, a cepen­dant lais­sé à l’ad­min­is­tra­tion autonome au Roja­va, la lourde tâche de con­tenir les ex-combattant.e.s prisonnièr.e.s, tout en restreignant les lim­ites du ter­ri­toire autonome, et en ne resti­tu­ant pas, entre autres, la région d’Afrin, lais­sée aux mains des gangs alliés du régime turc.

Ain­si, le Roja­va et tout le Nord syrien est-il directe­ment sous la men­ace turque, qui ne se prive pas pour bom­barder via drones dif­férentes local­ités, dont Kobanê récem­ment, faisant chaque fois son lot de vic­times civiles, dont de nom­breux enfants. Le but est de désta­bilis­er les pop­u­la­tions, accusées par le régime turc de se sol­i­daris­er avec le PYD, bête noire du régime turc, qual­i­fiée de “ter­ror­isme PKK”.

Aus­si ne peut-on être éton­né que depuis qua­tre jours que durent les com­bats con­tre ces attaquants de Daesh, les bom­barde­ments des forces turques par drones se soient inten­si­fiées. Et on ne serait pas éton­nés non plus d’ap­pren­dre que cer­tains dji­hadistes évadés aient déjà rejoint des zones con­trôlées par les alliés de la Turquie.

Le bilan pro­vi­soire de ces com­bats est à ce jour de 22 mem­bres des forces FDS tués, 17 blessés, sans compter les gar­di­ens qui ont été assas­s­inés par les fuyards. Les com­bats se pour­suiv­ant encore dans la journée de dimanche, autour de la prison, et dans des quartiers proches, les chiffres ne sont pas étab­lis. Cer­taines infor­ma­tions à véri­fi­er font état égale­ment du décès d’un jour­nal­iste présent. Du côté des fuyards dji­hadistes, l’hé­mor­ragie a été rapi­de­ment stop­pée, sans ménage­ment, si on en juge les quelques images dif­fusées sur les réseaux, mais cer­tains s’é­tant emparés d’armes, les com­bats ont été très vio­lents. On par­le de plus de 175 tués côté Daesh.

kassaké

Femme patrouil­lant les rues pour assur­er la sécu­rité du quarti­er. Pho­to par @Rudy_tahlo

Les quelques forces améri­caines tou­jours présentes, ont assuré quelques points de sécu­rité sur Has­saké et ont été vues dans la ville. Les infor­ma­tions selon lesquelles les forces améri­caines auraient autorisé et favorisé le bom­barde­ment du reste des assiégés de Daesh deman­dent véri­fi­ca­tion également.

Hors de ces élé­ments factuels, tou­jours dif­fi­ciles à véri­fi­er, bien que les infor­ma­tions soient nom­breuses, mais par­fois con­tra­dic­toires, il n’en reste pas moins qu’il s’ag­it là d’une des plus grandes ten­ta­tives de désta­bil­i­sa­tion au Roja­va, s’ap­puyant sur un point faible, qui est de l’en­tière respon­s­abil­ité, une fois de plus, des Etats occi­den­taux, qui ont aban­don­né la ques­tion des ex-com­bat­tants de l’E­tat islamique, tout comme celle du sou­tien con­tre les attaques inces­santes de la Turquie.

Un cou­vre-feu a été établi par les forces du Roja­va. A Has­saké, des images de pho­tographes mon­traient ce dimanche soir des femmes, en civ­il, patrouil­lant dans les quartiers, une arme à la main, pour assur­er la sécu­rité commune.

Beau­coup en Europe, tant qu’il s’agis­sait du com­bat des Kur­des con­tre le ter­ror­isme de Daesh, ont man­i­festé intérêt, voire sou­tien. Ce sou­tien au Roja­va a vu ses rangs s’é­clair­cir depuis deux ans. Les films hol­ly­woo­d­i­ens sur les com­bat­tantes kur­des ont été rangés sur les étagères.

Seules les forces pro­gres­sistes en Europe main­ti­en­nent leur sol­i­dar­ité et par­mi elles, celles et ceux qui recon­nais­sent dans le Roja­va une alter­na­tive lib­er­taire pour l’é­co-social­isme et le féminisme.

Puis­sent ces forces faire revenir au pre­mier plan cette sol­i­dar­ité dont le Roja­va a plus que jamais besoin.


26/01/2021 — Les FDS (Forces démoc­ra­tiques Syri­ennes du Roja­va) annon­cent avoir désor­mais le con­trôle total de la prison de al-Sina’a ain­si qu’avoir arrêté l’ensem­ble des ter­ror­istes de Daesh présents. Le bilan des vic­times des com­bats est élevé, et côté dji­hadistes atteint près de 200. Les autorités deman­dent de l’aide inter­na­tionale pour soign­er et nour­rir les pris­on­niers restants, affaib­lis par les com­bats des cinq jours passés.


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Daniel Fleury
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Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…