La poétesse Delphine Durand livre sur Kedistan des hommages poétiques. Pour les retrouver tous, suivez ce lien.
Vous pouvez trouver aussi une pétition dans l’article :
Appel pour les migrants piégés entre Pologne et Biélorussie
Biélorussie
« Les fleuves s’arrêtent et les terres s’entrouvrent,
et dans les temples, l’ivoire affligé pleure. »Virgile, Géorgiques
Soulève-toi
En ce jour affamé sur la terre
J’avalerai tes cendres
Pour me dissoudre et renaître
Dans les camps les yeux se lèvent
Soulève-toi
Eveillant les fantômes chétifs
Les grands yeux se creusant comme des lampes
Habitués au café froid
Et au hurlement de lumière des vigiles
La faim est un fœtus entre les ailes de la souffrance
le ciel descend lentement, trop lentement
La lumière fait aussi mal que des débris de verre dans les yeux
Le cristal de la mémoire taille dans les saignements du rêve
Dans la chair des étrangers, clairs d’étoiles en lambeaux
Et tous continuent de prier, ces européens inquiets
Ces ex-voto des églises où se dressent les coutelas étincelants des cierges
Devant les pardons des blessures
Les dents claquent de faim et de froid dans les rues
Toutes les cités sont faites de murailles
Et au-dessous des murailles des corps humiliés
Emmurés dans les ponts que le printemps verdit
Tous les ponts sont vêtus de corps humiliés
De corps offerts aux survivants
Les ponts baignent dans les eaux de la mort
Les légendes parlent de ces ruines sous corbeau
De larmes de chemises blanches couvertes de terre
La fureur d’une esclave nue
Son trousseau pourri, noyé dans l’abîme
Ne laissant qu’un renflement d’ange bâillonné sous le ciment
Dans les murs
Et encore dans les murs
Les cénotaphes d’adolescentes sans mémoire
Précèdent l’histoire
La chasse des rois fait du gibier le centre du désir
Biélorussie sans mémoire
Chassant l’humanité vers l’éternité mouvante du ciel
L’humanité
Portant un sac poubelle comme un linceul sur la tête
Tandis que la détresse pétrit la bête fatiguée
De sueur et de peur, de colère
Les migrants pour qui brûlent toutes les cartes du monde
Les défunts probables dont la chair dérive
Avec les débris de bois des bateaux
Et les enfants qui pèsent trois kilos
Et dont les cheveux sont légers comme le silence
Dans les hautes mers de la neige
Et les maigres dépouilles écrasées sous le talon de marbre
De toute la philosophie occidentale
Le passé n’est plus que désert de mots
Et les penseurs se suicident, incapables d’immortalité
Eux qui se sont accouplés dans la démence des crématoires
Je boirai tes cendres
J’arracherai tes entrailles
Je faucherai ta nudité qui laisse les mortels
Dans les lieux sans aube
Je briserai l’appel des chiens
Et pour cela je vais brûler
À la dimension des anges
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