La poétesse Delphine Durand livre sur Kedistan des hommages poétiques. Pour les retrouver tous, suivez ce lien.
Chanson kurde
Le temps a beau passer
Je suis étranger à Dieu
J’ai été pris
Tout enfant
Jeté dans les brasiers
Un chérubin m’a fait don de sa flamme
De sa dure prophétie
Pourquoi pleurer femmes livides ?
Mon âme ne sait pas qu’elle est toujours en deuil
Mélange-toi au levain de mon rêve
Le nouveau-né est tué au berceau
Mes mains sont brûlées
Et mon coeur est un nid de faucons
Le temps a beau passer
Je vois les femmes me fuir
Je suis l’invité de la tombe
Le temps a beau ruiner les villes
Laisse-moi à nouveau être ton feu
Le temps a beau ronger les rivages
J’ai dans le coeur un oiseau de neige enfiévré
Je suis cendre à l’intérieur
Je vois les femmes me fuir
Je suis étranger à Dieu
Le vent noir agite nos cadavres
Et tous les incendies
Et moi je n’ai eu pour me défendre
Ni les bras ni les yeux d’une mère
Je suis dans la tombe
Elle me dit
Je suis une colombe baguée
Je suis la lune lorsqu’elle est pleine
J’ai été rouée de coups de couteau
Comme autant d’épîtres de cristal
Je te donnerai des fils
Et des cerfs
La mort est comme ces endroits
Où la neige a fondu
Et ne peut compter que sur les oiseaux
Pour déchirer le trèfle de la nuit
Le temps a beau passer
Le temps a beau ronger la vie secrète
Jeune épousée
Ne soulève pas le couvercle de mon cercueil
Le scorpion a enlevé l’anneau de mon doigt
Jette sur mes yeux
La tendresse infinie d’une poignée de terre
Le temps a beau passer
Je suis le frère resplendissant
Le sacrifice de tes chagrins
Au rendez-vous du vent
Ma peau si triste
Dans la tombe
Il n’y a pas de rêve
Elle me dit
Regarde-moi comme l’eau
De sang et d’os
Je suis haute comme ton rire
Sur la pointe de l’aiguille
Vingt poulains ne sont pas aussi beaux
Que ton visage ravagé
Où donc iront se nicher mes seins
Dans tes paumes de flammes
Tu leur apprêteras un nid avec
La fleur de ton sang
Quand ce temps viendra la mousse tiède aura poussé
Entre tes doigts
Les yeux en sang
Les mains en sang
Mes jambes dansent dans un ourlet de larmes
Entre mes mains
La rose du cavalier ressemble à
L’envoyée de la mort
Illustration : “Oiseau de feu” Naz Oke
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