Ecrivain, poète et activiste, fig­ure indé­ni­able de la lutte des Kur­des, Musa Anter, “Ape Musa”, est l“oncle” de tout un peu­ple. Il est né en 1920 à Ziv­ing, dis­trict de Mardin, et fut assas­s­iné le 20 sep­tem­bre 1992 à Diyarbakır…

Cela fait 29 ans… La poétesse Del­phine Durand lui rend un hom­mage poétique.

 

Musa Anter

Sous la neige étouffe la colombe

Elle va mourir pour préserv­er votre auréole

Je suis en train de rêver que je meurs

Je tiens la mort comme un nouveau-né

Au creux de mon bras

Mon assas­sin pleure d’avoir été heureux

Et je con­sens à la joie cruelle

D’être le soleil transpercé

Qui touche l’aube de son front

Mon ven­tre ouvert par fraude

Déverse le cail­lot qui fixe l’aile

Encore cette colombe

Qui tourne dans les feuillages

Sa dérive emmurée

J’ai un geste de forêt surprise

Foudroyé par l’ordre noir des hivers

Je suis plus vide qu’une rose

Dans le cratère de sa corolle

Étrangère

Qui bat dans mes artères

Ceux qui l’ont respirée

Mour­ront demain

Il y a longtemps que nous sommes morts

Cha­cun dans son trou

Nos voix sont si faibles

Trop faibles pour faire courber la tête à une violette

Le sang se retourne sur ses décombres

Tu dans­es dans le feu des balles

Comme une feuille encore rat­tachée à la res­pi­ra­tion de l’arbre

Comme c’est bon la mort

Un jour tu seras son amant

Mais nos voix sont fortes

Si fortes qu’elles ébran­lent le bouch­er des sorts

Quand la mer revient à mes yeux

Je suis seul à con­naitre mon royaume


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Delphine Durand
Poétesse
His­to­ri­enne de l’art, mys­tique, poète, lais­sons au pluriel mag­nifique les mots de l’invisible… Del­phine est ontologique­ment présente dans la seule per­durable présence de l’art. Après des études de théolo­gie et de philoso­phie, elle choisit l’histoire de l’art mais son cœur ner­va­lien l’entraine vers des univers fan­tas­ma­tiques et sauvages, et enfin la poésie où nous sommes tous libres.