Un arti­cle pub­lié sur le blog Médi­a­part de Car­ol Mann

Le chaos actuel à l’aéroport de Kaboul était par­faite­ment prévis­i­ble et tout aus­si évitable. Et s’il fai­sait par­tie d’une stratégie états-uni­enne, et que ce chaos était prévu au pro­gramme ? Dans tout ça, l’Europe, à la traîne, ne peut que con­stater son échec à instau­r­er durable­ment les valeurs égal­i­taires issues des droits humains.

La pagaille meur­trière qui sévit à l’aéroport de Kaboul depuis quelques jours défraie la chronique inter­na­tionale. De tous côtés afflue une pop­u­la­tion dés­espérée, dont des familles entières qui camp­ent non seule­ment dans les salles de l’aéroport, mais encore tout le long des routes qui y mènent. Des per­son­nes ayant même les papiers val­ables sont blo­quées chez eux, tant les chemins sont bouchés par une véri­ta­ble marée humaine qui attend, des jours et des nuits entières, sans manger ni boire ni accès aux W.-C, le tout sous un soleil tapant.  “Plus encore que les Tal­ibans, ce sont ces per­son­nes qui blo­quent la route, ser­rées les unes con­tre les autres” me racon­te Hashem* à par­tir de Kaboul, qui vient de rebrouss­er chemin de l’aéroport, après une attente de 72 heures. “La plu­part n’ont ni passe­port ni visa et beau­coup sont venus à pied de leur province. En plus, ceux, comme mon oncle qui a tra­vail­lé pour le gou­verne­ment à Kun­duz*, qui ont fui leur foy­er en famille parce qu’ils craig­nent les repré­sailles des Tal­ibans, leur mai­son est immé­di­ate­ment pil­lée et s’ils revi­en­nent ensuite, ils ne retrou­vent plus rien”. Hashem tra­vaille depuis des années pour une entre­prise alle­mande qui a, en principe, promis d’évacuer ses employés et leurs familles.
Les évac­u­a­tions ont déjà com­mencé depuis quelque temps. Dès le mois de mai, les Améri­cains rap­a­tri­aient les leurs de Kaboul. Le 14 juil­let dernier, la France affré­tait un avion pour tous les ressor­tis­sants français en Afghanistan. Les inter­prètes afghans pour­tant men­acés de mort ne fai­saient pas par­tie du con­voi. Une fête cent pour cent nationale, pour le coup … Ce qui sig­ni­fie qu’une organ­i­sa­tion cohérente des rap­a­triements était et demeure par­faite­ment pos­si­ble. Tous savaient que Kaboul allait tomber et cela depuis bien plus d’un mois. Est-ce pos­si­ble que le pays le plus puis­sant du monde puisse à ce point fail­lir à une mis­sion aus­si prévisible ?

Et pour­tant, en se remé­morant un passé par si loin­tain, on con­state que les Améri­cains savent organ­is­er un rap­a­triement d’urgence. Le 11 sep­tem­bre 2001, comme cha­cun sait, deux avions de ligne ont été détournés pour frap­per directe­ment les Tours Jumelles à New York. 15 sur 19 des assail­lants étaient de nation­al­ité saou­di­enne, menés par un prince roy­al saou­di­en Osama bin Laden, qui menait des attaques impor­tantes con­tre les États-Unis depuis plusieurs années. Le surlen­de­main, alors que tout sur­vol de l’espace aérien était inter­dit aux États-Unis, se déroulait l’évacuation du per­son­nel de l’Ambassade d’Arabie Saou­dite ain­si que plusieurs dig­ni­taires de la famille royale.

Avec la béné­dic­tion du prési­dent Bush et la FBI (qui devait le nier plus tard) huit avions s’arrêtant à 12 des­ti­na­tions dif­férentes ont réus­si à évac­uer 140 per­son­nes dans le plus grand des secrets. Il y avait à bord, entre autres, un cousin, le prince Ahmed Salman bin Albu­laz­iz Al Saud dont on devait appren­dre plus tard les liens act­ifs avec Al-Qae­da et le fait qu’il avait été infor­mé de l’attentat, ce qui devait être révélé par l’interrogatoire par la CIA d’un haut fonc­tion­naire d’Al-Qaeda, Abu Zubei­da, cap­turé au Pak­istan en 2002. Le jour­nal­iste Ger­ald Pos­ner qui mena une enquête extrême­ment fouil­lée, Why Amer­i­ca Slept, fit remar­quer que led­it prince, ain­si que deux de ses jeunes cousins égale­ment princiers et impliqués dans l’histoire, devaient tous mourir mys­térieuse­ment à quelques jours d’écart avant qu’on ne puisse les interroger.

Plusieurs con­clu­sions peu­vent être tirées de cet inci­dent peu com­men­té en Europe au sujet des inten­tions réelles de l’entreprise puni­tive du Prési­dent Bush en Afghanistan. Mais dans un pre­mier temps, un fait saute aux yeux : les États-Unis étaient et demeurent par­faite­ment capa­bles d’organiser l’évacuation d’une pop­u­la­tion à risque sur un ter­rain de guerre.
Pour lire l’in­té­gral­ité de l’ar­ti­cle, ren­dez vous sur le blog de Car­ol Mann.


Carol MannCarol Mann
Chercheure associée à Paris 8 est l’auteure de Femmes afghanes en guerre aux Editions le Croquant (2010) et De la burqa afghane à la hijabista mondialisée, Une brève sociologie du voile afghan et ses incarnations dans le monde contemporain aux Editions L’Harmattan (2017) ainsi que de nombreux articles sur l’Afghanistan
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