Français | English

Le 21 mars 2020, la Turquie a inter­dit aux per­son­nes de plus de 65 ans de quit­ter leur domicile.

Nous autres qui sommes âgéEs de plus de 65 ans et aus­si ceux et celles souf­frant de mal­adies chroniques ne pour­ront plus quit­ter le domi­cile en rai­son des mesures pris­es con­tre le coro­n­avirus. C’est ce qu’a déclaré same­di, notre min­istre de l’In­térieur. “Les per­son­nes âgées et les malades, ne pour­ront plus sor­tir de chez eux et se promen­er dans des espaces ouverts tels que les parcs, les jardins”.

Trop d’habi­tants âgés d’Is­tan­bul util­i­saient encore les trans­ports publics” en plein coro­na strom, selon le maire. La ten­ta­tive de ren­dre payant les trans­ports, qui sont d’habi­tude gra­tu­its pour nous, n’au­rait pas don­né de résul­tats paraît-il…

Il y a une vidéo qui  tourne sur les réseaux soci­aux … Un homme de soix­ante-dix ans env­i­ron, de retour de l’hôpi­tal. Des jeunots, policiers, veu­lent le ver­balis­er parce qu’il est sor­ti… “Ben oui, mais je viens de l’hos­to” dit-il avec une voix qui s’en­roue, “le bus a refusé de me pren­dre”. Et les autres petits cons le ser­mon­nent “Reste chez toi oncle ! bon, on ne vas pas te ver­balis­er pour cette fois, mais va chez-toi ! Reste chez  toi !”. C’est ce qu’il fait d’ailleurs… à pied. Pas un seul de la bande n’a mon­tré un brin de com­pas­sion et a essayé de l’aider. J’en avais gros sur la patate, nom d’un corona.…

Nous sommes jeunes, il ne nous arrivera rien” dis­ent-ils dans les rues. Mais bon sang, tu apportes ton virus à la mai­son, pour l’of­frir à tes vieux. “Les vieux, on s’en fout. Ils sont une charge, tant mieux si ça dimin­ue un peu”. Voilà com­ment je perçois la “ten­dance” actuelle. Bon, je ne suis pas la seule, il y en a beau­coup qui font la même lec­ture, et s’indig­nent devant ce qu’est devenu la société, l’usure des liens soci­aux, l’ab­sence d’empathie…

Mais plusieurs années de haine, de dra­peaux, de divi­sion ne dis­paraîtront pas pour une épidémie. Et ces habi­tudes de marcher sur la gueule de l’autre, même entre plus pau­vres, sont repris­es main­tenant presque entre généra­tions, à cause du cha­cun pour soi, mais aus­si de la vio­lence sociale et quo­ti­di­enne instru­men­tal­isée par le Reis. Les vieux ont fait leur temps. Si ça pou­vait marcher pour lui, saint corona !

Bon, je ne peux pas m’en empêch­er, mais quand je l’en­tends, lui, nous dire que la Turquie en sor­ti­ra “plus grande et plus forte pour pren­dre place dans un nou­v­el ordre mon­di­al”, ça me fait tou­ss­er. Qui va-t-il ren­dre respon­s­able cette fois ? Il veut nous refaire le coup d’après coup d’E­tat ? Unité nationale plus plus…

Pour­tant, il faut trou­ver sans lui des solu­tions pra­tiques et nécessaires.

Nous sommes pas mal nom­breux à vivre seulEs. Dans mon immeu­ble, situé dans un ensem­ble pour retraités, nous sommes quelques voisines dans l’en­traide. C’é­tait facile de pren­dre soin les unes des autres, du même palier, voire de quelques étages. Main­tenant on se télé­phone, pour garder la dis­tance de sécu­rité. On a une chance inouïe d’avoir un concierge au grand coeur, irrem­plaçable, qui est très présent, qui fait nos cours­es, et va jusqu’à nous accom­pa­g­n­er dans l’am­bu­lance ou à l’hôpi­tal. Faites qu’il ne lui arrive rien… Cer­taines épiceries et surtout les phar­ma­cies livrent aus­si jusqu’à notre porte. Ils con­tin­u­ent à le faire, pourvu que ça dure…

Coronoavirus

Mais le prob­lème est que toutes ces cours­es se font en espèces. Bon, avec des gants main­tenant… Seule­ment, nous les vieux, nous ne gar­dons pas trop d’e­spèces à la mai­son. Avant ce con­fine­ment nous allions tir­er de l’ar­gent le jour où nos mai­gres retraites arrivent sur nos comptes. Comme on ne peut pas pay­er par carte ban­caire sur le seuil de la porte, on se demande com­ment faire. On ne peut tout de même pas don­ner la carte et le code pour tir­er de l’argent ?

Comme les ban­ques avaient annon­cé aux retraités, “ne vous inquiétez pas, nous apporterons votre pen­sion jusqu’à votre porte”. J’ai appelé ma banque. “Nous n’avons pas un tel ser­vice” m’a-t-on dit, en m’ori­en­tant vers la mairie. Le stan­dard de la mairie m’a don­né le numéro du bureau qui s’oc­cu­perait de nous autres. Et celui qui a répon­du là, m’en a don­né un autre. Ce dernier s’est avéré, comme étant celui de la Pré­fec­ture. Je suis tombée sur un menu vocal, j’ai choisi le numéro du ser­vice social. Un ser­vice qui n’a jamais voulu décrocher…

C’est un sérieux problème.

Lorsque j’ai demandé à pos­er cette ques­tion sur Twit­ter, j’ai eu des répons­es. Cer­tains ont sug­géré que les achats de phar­ma­cie soient en ligne. Bien ! Mais com­bi­en de vos anciens ont Inter­net ?  L’épicerie n’a pas de “dri­ve” non plus.…

Et puis, tou­jours sous le même tweet, quelqu’un a répon­du, “t’as de la chance, tu as de l’ar­gent, nous on a faim, on a faim”. Retraite min­i­mum oui… Je sais très bien qu’il y a des mil­lions qui n’ont plus leurs boulots pré­caires, qui ne suff­i­saient déjà pas aux temps sans coro­na, à leur apporter le nom­bre de pains néces­saire…  Mon enfant, on est sur le même bateau !

Je ne sais pas par quel mir­a­cle je vais pass­er entre les gouttes. Les médecins annon­cent que par manque de moyens, ils seront bien­tôt oblig­és de “choisir” les malades à sauver, selon leur chance de survie. Dur dur… Mais je com­prends ça. Je dis­ais l’aut’jour à une jeune femme au télé­phone, “Eh bien, avant que le médecin m’in­forme, je lui dirais de sauver la jeune per­son­ne d’à côté”.  Elle m’a répon­du “Heeu, si c’est un jeune Hitler, je te plaindrais”. La polar­i­sa­tion infil­trée jusqu’à la moelle dans la société. Que c’est triste.

Qu’on sorte de cette pandémie virale, et de nos maisons est une chose, mais on n’est pas sor­ti de l’auberge.

 


Vous pouvez utiliser, partager les articles et les traductions de Kedistan en précisant la source et en ajoutant un lien afin de respecter le travail des auteur(e)s et traductrices/teurs. Merci.
Mamie Eyan on FacebookMamie Eyan on Twitter
Mamie Eyan
Chroniqueuse
Ten­dress­es, coups de gueule et révolte ! Bil­lets d’humeur…