Ce très beau recueil de Milé­na Katows­ki Aïach, dédié “à Abram revenu des enfers pour enchanter le monde” et “aux Yézidis qui se bat­tent pour la vie” com­mence par l’é­mou­vante pré­face de Annemarie Din­vaut qui s’adresse à l’autrice.

Enten­dre leurs paroles, mais dans quel ordre ? Ecouter d’abord le jeune Yézi­di ? La mère, le cap­i­taine, la témoin ? La jeune fille rescapée, l’in­fir­mière ? La volon­taire, l’échap­pé ? Le pho­tographe échoué, l’a­mante en chemin ? Ils sont là, tous, Milé­na, ils t’ont offert leurs mots et leurs regards. Ils ont partagé le chemin jusqu’à Leros, et te l’ont con­té. Les femmes yézi­dies réfugiées t’ont mon­tré com­ment tiss­er les bracelets en fil : elles tour­nent et enroulent les liens rouges et blancs, filets dérisoires et tenaces, pour con­vo­quer la source sacrée de Lal­ish, pour ramen­er les rêves du pays blessé, pour déjouer l’at­tente dans le camps. L’en­fant, cet enfant inter­dit de pleurs, a posé sa main sur ta bouche. (…)

Alors, Milé­na saisit sa plume…

Elle recueille les témoignages de celles et ceux qui ont fui l’en­fer du géno­cide du peu­ple yézi­di com­mis par Daech à par­tir du 3 août 2014. Cette éva­sion a abouti pour beau­coup dans un autre enfer, et pour cer­tains sur l’île grecque, Leros. Ensuite, Milé­na, ouvre sa démarche de recherche à des comé­di­ennES dont Juli­ette Kempf,  Çiya Alhamad, Char­lène Lecoq, et Yaël Tama.

Leros — Un Exil Insu­laire chez les Damnés” voit le jour en 2017, dans un for­mat scénique, comme le pre­mier acte d’un ora­to­rio. L’ensem­ble Leros, se présente aujour­d’hui en une trilo­gie, dont le pro­jet théâ­tral fut lau­réat 2018 du con­cours Déclics jeunes de la Fon­da­tion de France :
Un Exil Insu­laire chez les Damnés. (Theâtre Gérard Philippe de Saint-Denis — 2017),
Jus­tice en Enfer. (Théâtre du Soleil — Car­toucherie de Vin­cennes — 2018),
Poly­phonie des Pos­si­bles. (Cen­tqua­tre — Paris — 2019).

Miléna Katowski AïachMilé­na Katows­ki Aïach est née en 1988 à Paris, d’un père juif d’Al­gérie et d’une mère juive polon­aise. Elle est chanteuse, met­teure en scène, et chercheuse en anthropologie.

Petite fille de rescapés de la Shoah, elle mène une car­rière artis­tique engagée aux côtés des minorités et des sans voix.

Sa démarche n’est pas étrangère à son his­toire, son par­cours de vie. Témoignages après témoignages, elle fait naître une œuvre qui en s’ap­puyant sur l’é­mo­tion, ouvre les con­sciences. Leros — Un Exil Insu­laire chez les Damnés, fait entr­er dans les mots des douleurs, des con­vic­tions, des espoirs et des libertés.

En tour­nant la dernière page du livre, nous lec­tri­ces, lecteurs, sommes invitéEs en effet, à ne pas oublier…

Je chante l’élégie de Leros
Que chan­taient nos aïeux pour con­jur­er le sort
Pour en appel­er à la vie
A l’hu­man­ité qui sommeille

Les damnés de la terre sont abîmés ici
Et la terre résonne de leurs hurlements

Je veux chanter pour célébrer
Ce qui nous reste d’espoir
Ce qui fait encore vibr­er nos corps
Et élève nos âmes

Je chante car c’est la seule voie
Pour ne pas som­br­er dans l’oubli
Le silence
Et la mort

(Extrait du Leros — Un Exil Insulaire chez les Damnés, page 140 )

Nous “écou­tons” 10 chants, qui témoignent de l’his­toire et des ressen­tis de 10 per­son­nages. Rescapés de guerre et leurs com­pagnons de route.

Si là, il s’ag­it d’une guerre con­tem­po­raine, l’u­ni­ver­sal­ité de leurs témoignages “fait écho à d’autres guer­res en d’autres temps” dit Sca­nia. Et pré­cise : “Leros est une île exilée d’elle-même, depuis le XVIème siè­cle, à coup d’in­va­sions suc­ces­sives. Dans cette île-camp, les réfugiés ten­tent de recon­stru­ire et de réécrire leur vie. Mais la par­ti­tion n’est-elle pas déjà écrite ? Que vivre, que chanter sur les fra­cas de guer­res, des per­sé­cu­tions et des total­i­tarismes ? Que l’on soit réfugié ou nan­ti d’un passe­port sûr, com­ment com­pos­er avec la vio­lence et la folie ?”

CHANT 2

Le jeune Yezidi

Je ne dors plus
La fumée m’échappe
Cig­a­rette sur cigarette
Jusqu’à me creuser le ventre
J’érafle mes lèvres
Les cils brûlent
Brais­es sur ma langue
J’in­hale jusqu’à disparaitre
Anéan­tir la pensée
Devenir nuage
Brume
Se diluer
Mourir à petit feu
Pour ne plus avoir à choisir
Me jeter dans la mer
Et être emporté
Cadavre abîmé

(Extrait du Leros — Un Exil Insulaire chez les Damnés, page 31 )

Si ce livre est édité par Sica­nia ce n’est pas un hasard. L’as­so­ci­a­tion Sica­nia, revendique le “soucis d’une exi­gence de qual­ité lit­téraire, artis­tique et poé­tique, et s’in­scrit dans la con­vivi­al­ité des pluriels, ceux des  cul­tures, des langues, des êtres”. A not­er égale­ment, que sur chaque exem­plaire ven­du, 2 € sont ver­sés à l’as­so­ci­a­tion française Voice of Ezidis.

En bonus, une inter­view de TOMAS­copes, avec Milé­na, qui par­le de “Leros — Un Exil Insu­laire chez les Damnés”


Leros — Un Exil Insu­laire chez les Damnés
Milé­na Katows­ki Aïach

yezidi leros livre

145 pages
12 €

Sca­nia
Décem­bre 2019
500 exemplaires

Com­man­der en ligne
ISBN 9782957022106


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