La Cour Européenne vient enfin de rendre ses décisions concernant le recours contre l’inscription du PKK sur les listes des organisations internationales dites terroristes, concernant la période antérieure à 2018.
Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) vs Conseil de l’Europe
Le parti des travailleurs du Kurdistan est inscrit depuis 2002 dans le fichier des organisations terroristes, émis au sein de l’Union Européenne. De nombreux recours ont été déposés par l’organisation et ses représentants au cours de ces dernières années, visant à la faire sortir de ce fichier. Le dernier date du 16 avril 2017. Le 15 novembre 2018, le Tribunal de l’Union européenne a rendu une décision en faveur de l’organisation, jugeant non justifiée l’inscription sur la liste qui fut renouvelées tous les six mois jusqu’en fin 2017, période concernée par le recours juridique. Cette décision est principalement motivée par l’insuffisance de preuves du caractère terroriste de l’organisation.
Une inscription sur la liste des organisations terroristes contestée depuis plus d’une décennie
Après les attentats du 11 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution numéro 1373, ayant pour but la lutte contre le terrorisme. Pour renforcer cette prise de position, l’Union européenne a pris plusieurs mesures, notamment un document qui prévoit dans son article 2 le gel des fonds et autres actifs des personnes ou groupes listés comme étant des organisations terroristes.
Placé sur la liste des organisations terroristes depuis le 2 mai 2002, le PKK a actuellement ses fonds gelés partout en Europe. De nombreux recours ont été tentés afin de faire annuler cette inscription, régulièrement renouvelée par les États européens. Le dernier recours date du 16 avril 2017 et invoque 7 moyens de droit visant à rayer l’organisation de la liste. Ce jeudi 15 novembre, 7 mois après l’audience, le Tribunal de l’Union européenne a déclaré qu’il n’existait pas d’éléments suffisant pour placer le PKK sur la liste des organisations terroristes jusqu’en 2017, ce qui devrait faire jurisprudence pour l’année suivante et dissuader sans doute les membres des Etats pour les prochains renouvellements de liste.
Une décision basée sur l’insuffisance d’éléments probants divisée en trois parties
Pour fonder sa décision, la Cour établit premièrement que tout élément de preuve présenté à la Cour doit démontrer l’existence d’un lien de causalité, démontrant que le PKK présentait un « risque permanent ». La décision de garder le PKK sur la liste des organisations terroristes est fondée sur une ordonnance de l’Assemblée du ministère de l’intérieur du Royaume-Uni, des éléments rapportés par les États-Unis ainsi que des décisions judiciaires françaises.
Toutes les preuves apportées par ces institutions portent sur des faits ayant eu lieu entre les années 1990 et le début des années 2000. En conséquence, la preuve d’une menace terroriste persistante n’a pas été prouvée.
Deuxièmement, le Tribunal s’est penché sur l’admissibilité des preuves qui lui ont été adressées. Toute preuve utilisée pour classer une personne ou organisation comme terroriste, adressée par une partie tierce, doit être scrupuleusement vérifiée. La Cour a estimé que la Commission n’avait pas assez étudié si les preuves qui lui étaient présentées étaient pertinentes et suffisantes.
Troisièmement, le tribunal a basé sa décision sur l’article 296 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Cet article exige qu’en toute circonstance, toute institution qui énonce des mesures restrictives envers une organisation ou un individu, doit pouvoir motiver individuellement, de manière spécifique et concrète ce qui la pousse à le faire. Dans ce rendu, la Cour a conclu que le Conseil n’avait pas suffisamment étayé et pris en compte les arguments pour lesquelles le PKK ne devrait pas figurer sur cette liste.
Une obligation de se conformer au verdict pour tout les États européens ?
L’issue de ce verdict aura un effet immédiat pour l’organisation. Tous les États de l’Union européenne ayant la responsabilité de se conformer au verdict, et au delà, ceux concernés, membres du Conseil de l’Europe, toutes les décisions rendues par les États individuellement devront être annulées. Ainsi, les personnes ayant été lésées par ces décisions (pour la période concernée par le recours) pourront recouvrir leurs droits.
Le renouvellement des inscriptions sur la liste des personnes et organisations terroristes a lieu tous les six mois minimum. Ainsi, si certains États arrivaient à étayer leurs conclusions d’éléments nouveaux, il leur serait encore toutefois possible de replacer le PKK sur cette liste. La décision est donc clairement circonscrite.
Cette bataille judiciaire n’est donc pas terminée, mais aujourd’hui reste une avancée pour celles et ceux dont les motifs de répression, d’inculpations, de jugements, d’emprisonnement, étaient directement liés à l’incrimination terroriste de l’organisation.
Les rapports de forces entre Etats qui s’expriment, les marchandages en coulisses, et notamment à l’occasion des “rencontres” sur la Syrie, décideront probablement de l’évolution ultérieure positive ou non de cette avancée issue de ce jugement, sans préjuger de l’attitude d’autres puissances à l’international. A ce sujet, les déclarations récentes entre Trump et Erdogan sont particulièrement inquiétantes.
PKK • A positive decision by the European Court Click to read