Elle a fait une demande pour une opéra­tion de tran­si­tion, a com­plété toutes les démarch­es admin­is­tra­tives, mais son opéra­tion ne lui est pas autorisée. Elle pour­suit alors une grève de la faim depuis le 5 juin 2018. C’est sa troisième grève. Elle a déjà fait une grève de la faim à deux repris­es, pen­dant 30 et 60 jours… Aujour­d’hui c’est le 38ème jour de sa grève…

Elle s’ap­pelle Buse (en turc “Bise, bais­er”, pronon­cez Boucé)… et elle est incar­cérée dans la prison de haute sécu­rité de type F pour hommes de Tekir­dağ. Lorsque Buse a été con­damnée à per­pé­tu­ité pour “séparatisme”, elle avait 22 ans. Aujour­d’hui elle en a 46… Buse doit atten­dre encore 17 ans pour retrou­ver sa lib­erté… Si elle n’est pas opérée, ce sera encore 17 ans, dans une prison d’hommes, en isolement…

Ses amiEs, sou­tiens et défenseurEs des droits humains, notam­ment l’avocate Eren Keskin, coprési­dente de “l’Association des Droits Humains” (IHD) et Derya Öza­ta de la “Fon­da­tion de sol­i­dar­ité avec les femmes” (KADAV) et du “réseau LGBTI+ en prison”, ont pris parole lors d’une con­férence de presse, qui s’est déroulé le 5 Juin dernier, dans les locaux du IHD.

Ses sou­tiens ont pré­cisé que le Min­istère de la jus­tice prend des déci­sions qui vio­lent les droits de Buse, en toute illé­gal­ité : “Nous tenons le Min­istère de la jus­tice respon­s­able de toutes les séquelles psy­chologiques et physiques pas­sagères ou défini­tives que notre amie subi­rait en pour­suiv­ant sa grève de la faim.” ont-elles souligné. Le Min­istère motive sa déci­sion par “la chirurgie n’a pas d’im­por­tance ou d’ur­gence vitale”.

Buse détenue trans

Eren Keskin et Derya Özata

Lors de la con­férence de presse, Derya a pré­cisé “Le Min­istère de la jus­tice, avec des déci­sions arbi­traires, en empris­on­nant une trans femme dans son corps d’homme a encore une fois illus­tré sa transphobie.” 

Quant à Eren Keskin, elle a souligné que Buse n’avait pas d’av­o­cat depuis longtemps : “lorsque j’ai pris son dossier en main, elle m’a demandé de ne pas m’oc­cu­per en pri­or­ité de sa con­damna­tion, mais plutôt de l’opéra­tion de tran­si­tion dont on la prive illé­gale­ment. Ce qui démon­tre quelle impor­tance porte la tran­si­tion pour elle”. Buse dit en effet Je veux me libér­er de la prison de mon corps”. 

Eren ajoute, “La seule réal­ité à voir ici, est le fait que l’identité de Buse va à l’encontre de l’identité que l’Etat approu­ve. Cet Etat veut des hommes, turcs et sun­nites. Voilà la nature de cet Etat. Or Buse est tout le con­traire. Parce qu’elle est kurde et trans. Elle ne cor­re­spond pas à la déf­i­ni­tion du ‘nor­mal’ que l’Etat se fait. Buse a une iden­tité qui dépasse la ligne rouge de l’Etat. C’est pour cela qu’elle subit l’injustice.”

Que dit la loi ?

L’article 40 du Code civ­il turc précise :

La per­son­ne qui souhaite chang­er de genre, peut deman­der une autori­sa­tion, par une requête per­son­nelle effec­tuée auprès du tri­bunal. Cepen­dant, pour que l’autorisation soit accordée, le/la demandeur/se doit être majeurE, céli­bataire, de nature trans­sex­uelle, et prou­ver par un rap­port du con­seil spé­cial­isé d’un Insti­tut de médecine légale, le fait que le change­ment de genre est néces­saire pour sa san­té mentale.
Le tri­bunal décidera d’effectuer le change­ment d’état civ­il, dans le cas où la réal­i­sa­tion de l’opération de tran­si­tion en lien avec l’autorisation attribuée est con­fir­mée par un rap­port offi­ciel du con­seil spécialisé.”

Tra­duc­tion de la vidéo 

Eren Keskin :
“Buse con­duit une lutte pour attein­dre son iden­tité sex­uelle. Elle souhaite obtenir l’identité de femme par une opéra­tion de tran­si­tion. Elle est actuelle­ment dans l’é­tape où elle a rem­pli toutes les con­di­tions légales. Elle a obtenu [le 21 juil­let 2017] le rap­port du con­seil spé­cial­isé qui atteste que l’opération de tran­si­tion est psy­chologique­ment et médi­cale­ment néces­saire, même oblig­a­toire pour elle. Mal­gré cela, son opéra­tion est empêchée jusqu’à aujourd’hui. Buse pour­suit donc une grève de la faim, depuis 31 jours, afin d’obtenir cette opéra­tion ain­si que de sen­si­bilis­er le pub­lic. Comme elle n’absorbe pas de vit­a­mines, elle se rap­proche de la mort chaque jour qui passe. C’est pour cela qu’elle attend une sen­si­bil­i­sa­tion et le sou­tien de la société. Elle attend d’être opérée le plus rapi­de­ment possible.”

L’ac­tiviste LGBTIQ Kıvıl­cım Arat, Respon­s­able de l’Association sol­i­dar­ité avec LGBT Istan­bul, mem­bre de l’équipe de la “lutte con­tre la vio­lence sex­iste” au sein de la “Fon­da­tion de la sol­i­dar­ité avec les femmes” (KADAV) :

Les trans femmes qui n’ont pas encore passé leur opéra­tion de tran­si­tion, lorsqu’elles sont incar­cérées, sont mis­es dans des pris­ons d’hommes. Les vio­la­tions de droit com­men­cent dès leur arrivée. Du fait qu’elles pos­sè­dent une pièce d’identité bleue, c’est à dire d’homme, ce sont des gar­di­ens hommes qui veu­lent les fouiller. Leur demande d’être fouil­lées par des gar­di­ennes ne sont en aucun cas prise en compte. Cette sit­u­a­tion se trans­forme à par­tir d’un moment, et sys­té­ma­tique­ment, dérive vers une vio­lence sex­uelle. Par exem­ple, il y a huit, neuf ans, une détenue trans, avait com­mencé une grève de la faim, suite au viol qu’elle avait subi de la part d’un gardien.

Par ailleurs, vous le savez, dans les pris­ons, il existe des can­tines et les détenuEs sub­vi­en­nent à leurs besoins de cer­tains matériels dans ces can­tines. Bien évidem­ment, une détenue trans femme ne trou­ve pas les pro­duits dont elle a besoin, dans une can­tine d’une prison d’hommes, mise en place pour les hommes. Par exem­ple, il n’y a aucun moyen d’y trou­ver des lin­geries comme des sou­tiens-gorge… Et même, lorsque les détenues trans femmes arrivent dans les pris­ons d’homme, lors de la fouille, leurs lin­geries sont con­fisquées. Car l’Etat les con­sid­èrent comme homme, ne laisse pass­er que les vête­ments d’homme.

Il faut savoir que du fait qu’il n’y ait aucune for­ma­tion pro­fes­sion­nelle con­cer­nant l’homophobie et la trans­pho­bie, pour le per­son­nel des pris­ons, l’homophobie et la trans­pho­bie exis­tantes à l’extérieur appa­rais­sent à un niveau mul­ti­plié par cent, à l’intérieur des pris­ons et s’orientent vers les détenues trans, tenues [soit dis­ant pour leur sécu­rité] en isole­ment. Parce qu’en prison, en sit­u­a­tion d’isolement, elles sont plus seules, plus désem­parées, livrées totale­ment entre les mains de l’Etat, donc du dom­i­nant. C’est pour cela que ce que les trans détenues vivent encore plus inten­sé­ment, ce qu’une trans peut vivre dehors, même dans des péri­odes entre guillemets ‘libres’.

En Turquie, il y a 70 trans détenues. Et les mêmes choses sont observées pour cha­cun des cas. Les protes­ta­tions, les actions restent sans aucune sou­tien de l’opinion publique, même alter­na­tive. Quant au pou­voir, il est en face des con­tes­ta­tions, aveu­gle, sourd et muet. Et même, il ouvre le chemin de la vio­lence faite aux trans, en cares­sant le dos des agresseurs, des tueurs, il encour­age ces agressions.

Après le coup d’Etat du 15 juil­let 2016, les femmes trans ont été vic­times d’une sérieuse vio­lence d’Etat, car dans son ensem­ble, des forces de sécu­rité aux palais de jus­tice, un état de non droit s’est instal­lé. La vio­lence des forces de sécu­rité a gag­né encore plus en intensité.”

Lors de la con­férence de presse, un appel a été lancé donc pour être sol­idaire avec touTEs les détenuEs LGBTIQ en prison. Comme Kıvıl­cım le souligne dans la vidéo, Buse n’est pas la seule qui subit les mêmes traite­ments inhu­mains et vio­la­tions de droits. Nous vous avions par­lé aus­si, de  deux autres pris­on­nières trans Diren et Esra… Avec la mon­tée de l’homophobie, la polar­i­sa­tion de la société, les actes de vio­lences encour­agés, la sit­u­a­tion des détenues LGBTIQ ont par­ti­c­ulière­ment aggravée depuis les dernières années en Turquie.

buse détenue trans

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