Trois expositions s’achèvent, une autre s’annonce à Paris. Chaque fois, la parole collective et libre ici de Zehra Doğan a touché juste. La partie libre d’elle-même parle depuis sa prison.
Les œuvres qui s’exposent en son absence ont incité, qui dans le pays de Morlaix, qui à Angers, ou à Graulhet (Tarn) ce mois de janvier, à une prise de conscience forte sur ce qui se déroule aux portes d’une Europe des affaires.
Dessiner, peindre l’innommable, les yeux grands ouverts, avec le talent de Zehra, ce n’est pas discourir, mais atteindre l’intime, la partie encore sensible sous la carapace d’indifférence ou d’individualisme, voir du déni de réalité.
Et puisqu’il faut bien faire un bilan, autant donner pour nos lectrices/teurs, quelques détails.
Ces trois expositions, qui virent passer autour de 3000 personnes à Angers, dans le Pays de Morlaix, ou dans le Tarn, ont été accompagnées de films, de tables-rondes et de débats. Et le livre, “Les yeux grands ouverts”, qui s’est vendu à près de 300 exemplaires sur ces initiatives de janvier, a permis de documenter davantage encore le contexte de cette campagne de solidarité.
Nous avons rencontré également à cette occasion, des lectrices et lecteurs de Kedistan, bien sûr. Et nombreuSes.
Les moments d’échanges, comme par exemple lors des “visites guidées”, nous ont montré à quel point Zehra documente et archive, en quelque sorte, pour qui voudra le prendre comme tel, une période de massacres qui va de 2015 à mi 2017, en Turquie. Les journaux qu’elle utilise comme support parfois, en attestent, et la force artistique de Zehra fait le reste, sans que jamais un pur discours n’affleure, ni que la tendresse et la profonde humanité ne disparaisse. Elle incite à comprendre, s’informer et agir. Et dans cette période où Erdoğan bombarde le Rojava dans l’indifférence ou le cynisme international, cette parole est importante.
C’est cette humanité là qui atteint le.la visiteur.se, l’interroge, l’amène à se confronter à sa propre désinformation, au réel brut, jeté à la hâte en traits d’urgence, et souligné de couleurs ou de noirs et rouges.
Et lorsque la visiteuse ou le visiteur prend plaisir à reconnaître un renvoi vers des dessins, peintres, ou souvenirs de lecture, Picasso, Chagall, Munch, très vite, cette connivence s’estompe derrière la douleur d’un autre trait qui rappelle l’urgence des massacres présents.
La parole entoilée de Zehra amène aux questionnements multiples, nombreux, collectifs. Et de la simple empathie pour la défense de “la liberté d’expression” les langues se délient et interrogent l’inhumanité qui sert les desseins des pouvoirs, et d’une mondialisation que tous finissent par nommer comme triomphe du capitalisme et prédateur de la planète et de toute vie commune.
Alors, chacun, chacune se regarde ensuite, souvent étonnéE d’avoir osé en arriver là, sous le sourire d’une Zehra encagée.
C’est profondément un acte politique, que d’exposer Zehra, en plus que d’archiver l’histoire récente de la Turquie et du peuple kurde.
Mais c’est aussi donner à voir, faire entendre, la force et le talent artistique d’une résistante de 28 ans. D’une vraie artiste aussi.
L’exposition de Paris s’annonce. Elle se tiendra du 20 mars au 15 avril 2018 au sein du centre culturel de “La Maison des Métallos”.
En voici le programme en cours de finalisation :
Plus de 70 œuvres originales seront présentées au public. Celles de la période dite “clandestine”, les “œuvres évadées” et autant de la période de prison actuelle, réalisées elles aussi clandestinement avec les moyens précaires des conditions d’emprisonnement, au risque de représailles incessantes.
Plusieurs initiatives, en cours de finalisation, accompagneront cette présentation :
Des tables rondes… A propos du journalisme, du combat des femmes, des racines du présent de la Turquie, du Rojava, des réseaux de soutien…
Un film… des projections de vidéos…
Un spectacle musical solidaire…
La présentation du livre, “les yeux grands ouverts” qui, du journal de bord de Zehra à l’évasion de ses oeuvres accompagne les expositions et raconte la genèse de cette campagne de soutien (et contient description, visuels d’oeuvres exposées ou non).
Et bien sûr, des visites guidées de l’exposition, un travail en direction de milieux scolaires…
Une sensibilisation forte aux conditions faites en geôle aux otages politiques nombreux en Turquie, une prise de conscience de la désinformation depuis 2015 sur les massacres commis au Kurdistan turc, un état des lieux de la Turquie d’Erdoğan et des régimes kémalistes précédents, une réflexion sur le projet politique du Rojava que l’offensive turque en cours veut détruire… Autant de contextes qui circulent avec ces expositions, comme un effet papillon.
Il est clair que ces expositions apportent une protection internationale à Zehra, et, par ricochet, à toutes ses co-détenues. Elles font connaître la situation de toutEs les otages de Turquie, derrière les barreaux, ou sous contrainte du régime.
Mais ces expositions font connaître aussi une artiste, plus qu’en devenir, de 28 ans, dont l’avenir sera probablement l’exil… au sortir de prison pour lequel on lutte.
Encore un grand merci au PEN Club International dont les sections parrainent aujourd’hui Zehra, aux quelques journalistes qui s’engagent à ses côtés, aux quelques sections d’Amnesty et autres associations qui la soutiennent…
Se joindre au mouvement de soutien international qui aujourd’hui fait plus que se dessiner, en partageant cette campagne sur les réseaux sociaux, en organisant à votre tour, particuliers ou associations, des initiatives de solidarité que Kedistan soutiendra volontiers de façon logistique, est à ce moment, indispensable pour envisager une solution optimiste. Voir comment faire ICI.
Zehra Doğan parle pour toutes et tous, comme d’autres avant elle, et résiste pour tout le monde à l’arbitraire et aux méthodes fascisantes du régime.
Libérons-là !
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Dernière minute : Le site culturel parisien La Maison des Métallos, Ville de Paris, n’a pas daigné poursuivre le projet, sa direction le trouvant au final trop “sensible” pour un lieu culturel à leur goût. Il est donc annulé…
Zehra Doğan exhibition in Paris in March and April Click to read
Zehra Doğan expone en París esta primavera Haga clic para leer