Zeynep Koçak ques­tionne Ercan Jan Aktaş, objecteur de con­science, auteur et jour­nal­iste exilé en France… Une inter­view ami­cale­ment recueil­lie et pub­lié en turc sur Kop­un­tu, le 30 sep­tem­bre 2017.

En Turquie, l’objection de con­science n’est pas recon­nue par la loi, et il n’existe aucune lég­is­la­tion con­cer­nant les objecteurs de con­science. De ce fait, les objecteurs sont con­sid­érés comme déser­teurs ordi­naires, et même après une con­damna­tion et leur peine effec­tuée, sont con­traints de faire leur ser­vice militaire.

Nous tenons à not­er que le ser­vice mil­i­taire oblig­a­toire con­cerne en Turquie, seuls les hommes. Il existe pour­tant des femmes qui se déclar­ent objec­tri­ces de con­science, car l’ob­jec­tion de con­science est un com­bat uni­versel. Les gen­res n’ex­is­tant pas dans la langue turque, (ce qui n’a­vance absol­u­ment pas la lutte des femmes mais c’est un autre sujet)… pour la tra­duc­tion vers le français, nous ne féminis­erons pas totale­ment cette fois le texte, car l”article qui suit n’est pas un texte de fond uni­versel, mais un témoignage qui con­cerne tout par­ti­c­ulière­ment les objecteurs/déserteurs hommes en Turquie.


Turquie • Que vivent les objecteurs de conscience sous l’état d’urgence ?

Bien qu’en Turquie, l’ob­jec­tion de con­science soit définie dans la Con­sti­tu­tion comme un droit, ce que les objecteurs de con­science endurent s’alour­dit de jour en jour, et depuis la déc­la­ra­tion de l’é­tat d’ur­gence suite au [putsch raté du] 15 juil­let 2016, les procès pour objec­tion de con­science ont pris un tour­nant encore plus critique.

Je pense que désor­mais les noms des mois du cal­en­dri­er nous ramè­nent à bien des choses. Nous venons par exem­ple de ter­min­er le mois de sep­tem­bre. Les 6–7 sep­tem­bre, [date des pogroms d’Is­tan­bul con­tre les minorités prin­ci­pale­ment Rums en 1955]. Rap­pels aus­si d’un 12 sep­tem­bre, celui du coup d’é­tat mil­i­taire de 1980, d’un 10 sep­tem­bre, jour de la déci­sion d’in­car­céra­tion des frères Altan, et n’ou­blions pas les procès des jour­nal­istes de Cumhuriyet qui se sont déroulés aus­si en sep­tem­bre. Le mois de juil­let, en est un autre. Le 20 juil­let 2015, le mas­sacre de Suruç fait entr­er la Turquie dans un cli­mat de guerre, ensuite, le 24 juil­let, la déci­sion d’ar­rêt du proces­sus de paix tombe, et un an plus tard, le 15 juil­let 2016, le putsch ‑ou quelque soit le nom qu’on lui donne- qui a réécrit nos rela­tions avec l’E­tat de tout en bout­survient. Enfin, le 26 juil­let, cette année, salu­ons la défense d’Ah­met Şık, “J’ac­cuse !”

Nous avons échangé avec Ercan Jan Aktaş, avec lequel nous avions déjà par­lé sur “être objecteur de con­science en Turquie” et sur les nou­velles réformes, qui vit actuelle­ment à Paris. La con­ver­sa­tion porte sur les effets de l’é­tat d’ur­gence con­cer­nant le droit d’ob­jec­tion de con­science lui même et le quo­ti­di­en d’un objecteur.

La parole est à la solidarité…

His­toires de vio­lence depuis la Turquie : “L’E­tat m’a fait com­pren­dre lors du coup d’E­tat du 12 sep­tem­bre, que je suis dan­gereux ;  m’a appris à l’é­cole que je suis alévi ; et que je suis kurde, quand j’ai ques­tion­né la guerre. Pour­tant je rêvais d’un monde, où per­son­ne n’est “l’autre”.

Ercan, salut encore… Au cours de ma réflex­ion sur l’ob­jec­tion de con­science, j’ai réal­isé que nous n’avions pas abor­dé les effets de l’é­tat d’ur­gence sur la vie des objecteurs, pour qui la vie n’est déjà pas facile d’or­di­naire… Au préal­able, pour­rais-tu nous résumer le putsch du 15 juil­let 2016, de ton point de vue ? Que représente-t-il pour toi, et où se situe-t-il exacte­ment dans le décor ?

Ercan : Bon­jour Zeynep. Avant tout je voudrais exprimer ceci ; ce que les les objecteurs subis­sent en Turquie, était, comme je l’avais dit lors de notre pre­mier entre­tien, défi­ni comme “une mort civile”. Comme l’é­tat d’ur­gence a de très forts effets sur la vie de tout le monde, il en a égale­ment sur les proces­sus judi­ci­aires con­cer­nant les objecteurs de con­science. Avec l’é­tat d’ur­gence, en Turquie, la vie de presque tous les milieux, groupes et indi­vidus, qui ont des reven­di­ca­tions de jus­tice, d’é­gal­ité, de lib­erté, est dev­enue encore plus dif­fi­cile que dans les épo­ques précé­dentes. Quel que soit le nom qu’on lui donne, ce qui s’est passé le 15 juil­let 2016, est un vrai coup d’état.

Quant à ce qu’il représente ? Ce coup d’é­tat, s’est réal­isé avec la com­plic­ité de l’AKP et du MHP [par­ti ultra­na­tion­al­iste]. Ce proces­sus de putsch, sig­ni­fie un retour sévère aux principes racistes, mil­i­taires et mono­lithique d’E­tat-nation mis en place par “teşkilat‑ı mah­susa” [“Organ­i­sa­tion spé­ciale” Unité créée par les chefs de Jeunes-Turcs en 1914 et impliquée dans le géno­cide arménien]. Pour celles et ceux qui n’ac­ceptent pas cette poli­tique raciste et de “turcité”, c’est une nou­velle époque qui n’a rien à envi­er aux péri­odes de coup d’é­tat précé­dentes.

A ton avis, peut-on dire, que des groupes de lutte aujour­d’hui qui se dif­féren­cient pour­tant l’un de l’autre, du point de vue de leurs objec­tifs, pos­tures, visions de société,  peu­vent se retrou­ver et se rassem­bler, au moins sur les idées, face à cette poli­tique militaire-raciste ?

Ercan : Oui, bien sûr. En tant qu’ob­jecteurs de con­science, nous sommes dans une lutte com­mune depuis des années, avec des milieux, groupes et per­son­nes avec lesquels nous parta­geons le même idéal pour la lib­erté. Nous avons tou­jours dit ceci : en Turquie il n’y aura pas de lib­erté pour aucunE d’en­tre nous, jusqu’à ce que la paix sociale soit instau­rée avec un con­trat social. Sans que nous toutEs ne sommes pas libres, aucunE ne sera libre.

L’en­ne­mi com­mun ; la poli­tique raciste, mil­i­taire et “mono­type”… Et se débar­rass­er de ce sys­tème patri­ar­cal aus­si avec une lutte commune…

Ercan : Tout à fait… Mal­gré tout notre com­bat, nous n’avons pas réus­si à faire reculer le sys­tème patri­ar­cal et mil­i­taire, et à instau­r­er une paix sociale en Turquie. Aujour­d’hui nous ressen­tons les souf­frances de cela encore plus fort.

Où se situent-ils les objecteurs de con­science dans cette lutte ?

Ercan : En plein milieu. Chaque objecteur, objec­tive est au milieu même de ce régime d’op­pres­sion et de violence.

La vie des objecteurs n’a jamais été facile… Nous le savons toutEs. Alors, que se passe-t-il dans la vie des objecteurs, avec le fait que ce régime d’op­pres­sion et de vio­lence soit porté avec l’é­tat d’ur­gence encore plus haut ?

Ercan : Tu as rai­son, en Turquie, la vie n’a jamais été facile pour nous les objecteurs. En devenant objecteurs nous accep­tions une vie sans adresse et sans sécu­rité. Mais avec les réseaux de sol­i­dar­ité que nous avions con­stru­it entre nous, nous tis­sions “un autre monde”, et nous fai­sions face à toutes les choses néga­tives qui nous avaient été imposées, grâce à cette sol­i­dar­ité tis­sée. Ce qui nous rendait fortEs, c”était cette lutte. C’est encore aujour­d’hui le cas.

Mais avec le coup d’é­tat du 15 juil­let, les oppres­sions sur nos vies sont allées crescen­do. Les per­son­nes objecteurs ont aus­si des familles, et même quand ce n’est pas le cas, ils ont une vie à men­er, des besoins économiques. Dans cette dernière année, les objecteurs et des cen­taines de mil­liers de per­son­nes qui ne font pas leur ser­vice mil­i­taire ont été poussées en dehors de la vie pro­fes­sion­nelle. Les cir­cu­laires  de la Défense Nationale envoyées à des entre­prise, c’é­tait une chose qui n’ex­is­tait pas avant. C’est une pre­mière, dans l’his­toire de la République [de Turquie]. Ces cir­cu­laires noti­fient “N’embauchez pas les déser­teurs”. De nom­breux objecteurs, ne s’é­tant pas présen­tés à l’ap­pel ou à la con­scrip­tion, donc con­sid­érés comme déser­teurs, ont été mis devant l’oblig­a­tion d’ar­rêter leur travail.

Dans les mon­tagnes de Der­sim

Y a‑t-il des change­ment con­cer­nant les amendes ?

Ercan : Oui, c’est bien là un autre effet. Des noti­fi­ca­tions d’a­mendes de mil­liers de livres turques ont été envoyées à l’adresse de cha­cun d’en­tre nous. Ces deux sit­u­a­tions, les cir­cu­laires et les amendes, nous ont mis encore plus sous pres­sion. Et lut­ter con­tre cette oppres­sion est devenu plus dif­fi­cile qu’avant.

Les con­trôles GBT [Genel Bil­gi Tara­ma — sys­tème en liai­son direct avec accès sur le dossier S de la per­son­ne con­trôlée], arresta­tions dans les hôtels ou d’autres lieux, arresta­tions routières..; Y a‑t-il eu des changements ?

Ercan : Les con­trôles GBT se pra­ti­quaient avant aus­si. Mais après l’é­tat d’ur­gence, ces con­trôles se sont inten­si­fiés et ont pris un car­ac­tère arbi­traire. Les rues de nos villes sont dev­enues pour nous tous, encore plus dan­gereuses. Le fait de voy­ager, être hébergé dans un endroit, de con­stru­ire une vie avec une pos­si­bil­ité économique sont devenus presque impos­si­bles. Réalis­er tout cela était déjà com­pliqué. Après l’é­tat d’ur­gence, je peux affirmer que tous les moyens sont anéan­tis. Cette sit­u­a­tion rend la vie des objecteurs et déser­teurs invivable.

Et toi, qu’as-tu fait alors ? Tu étais en France, tu espérais que le ‘non’ l’emporte au référen­dum. Nous l’e­spéri­ons toutes et tous, et toi aus­si. Tu dis­ais, “si le ‘non’ l’emporte, je ren­tr­erai”, et cela n’a pas été le cas…

Ercan : Bien sûr moi aus­si, j’ai eu ma part de toutes ces oppres­sions avant d’être ici. Lors de la pre­mière vague de descentes relayée dans la presse sous le nom “Opéra­tion con­tre les médias soci­aux”, la mai­son où je vivais en famille a été perqui­si­tion­née au petit matin, par des équipes spé­ciales, avec la présence des Scor­pi­ons [véhicules blind­és]. Il y avait déjà un ordre d’ar­resta­tion à mon encon­tre. Mais quand mon domi­cile a été perqui­si­tion­né, je n’é­tais pas présent. J’ai été attrapé lors d’un con­trôle GBT et amené devant le Procureur.

De quoi étais tu accusé ? T’ont-ils arrêté juste pour ne pas avoir fait ton ser­vice militaire ?

Ercan : Non. Il y a trois procès à mon encon­tre. Le pre­mier, est, l’ar­ti­cle n°301, bien con­nu. Celui qui com­mence par “à l’E­tat, à la respectabil­ité de l’E­tat, à l’ar­mée, à l’Assem­blée Nationale…”* Le deux­ième est con­cerné par l’ar­ti­cle n°318, “dén­i­gre­ment pub­lic de l’ar­mée”, et “pro­pa­gande pour organ­i­sa­tion ter­ror­iste sur des médias sociaux”**

[*] Article 301: Article controversé du code pénal turc rendant illégal le fait de proférer des insultes à l’encontre de la Turquie, l’identité turque ou les institutions turques. Entré en application le 1er juin 2005 il fut introduit au sein d’une réforme de la loi pénale dans le cadre de l’ouverture des négociations sur l’adhésion de la Turquie à l’UE, donc pour amener la Turquie au niveau des standards européens. Le dénigrement public de la nation turque, de l’Etat de la République Turque ou de la Grande Assemblée Nationale Turque et des institutions juridiques de l’Etat, l’armée et les organisations de police de l’Etat sera puni de six mois à deux ans d’emprisonnement. Il est toutefois notifié que l’expression d’une pensée à visée critique ne constitue pas un délit. Les inculpations au nom de cet article nécessitent l’approbation du ministre de la Justice.
[**] Article 318 : Incitations et suggestions afin de dénigrer le service militaire auprès de la population et propagande en ce sens seront punies de six mois à deux ans de prison. Si le délit est commis par voie de presse et média la peine sera augmenté de moitié.

2013 Istan­bul, Gaypride, avant qu’elles ne soient interdites.

L’ou­ver­ture de ces procès à ton encon­tre, te rend-il fier ?

Ercan : Peut être pas la fierté, mais à tra­vers cela j’ex­prime ma pen­sée poli­tique. Ces trois dossiers de procès sont, en tant qu’ob­jecteur de con­science anti-guerre, anti­mil­i­tariste, ma parole, con­tre toutes ces poli­tiques racistes et mil­i­taristes que l’E­tat pro­duit. Même la “Con­férence Inter­na­tionale d’Ob­jec­tion de con­science” que nous avions organ­isée en tant qu’As­so­ci­a­tion d’Ob­jec­tion de Con­science, a été placée comme preuve dans le dossier en ma défaveur. Bien sûr, une des accu­sa­tions les plus pop­u­laire est “insulte à Tayyip Erdoğan”.

Donc, tu n’es pas ren­tré de France vers la Turquie ?

Ercan : Pen­dant que ces procès suiv­aient leur cours, j’é­tais déjà en France, pour des tables ron­des à Paris et à Lyon. Je vivais en France depuis pra­tique­ment un an. Nous en avions par­lé dans notre pre­mière inter­view. Finale­ment, un nou­v­el ordre d’ar­resta­tion a été envoyé à mon domi­cile famil­ial à Istan­bul. J’avais déclaré mon objec­tion de con­science en exp­ri­mant “Je ne serai pas un instru­ment des poli­tiques de guerre, et je ne porterai pas cet uni­forme.” le 14 mai 2005. Donc, 12 ans plus tard, un ordre d’ar­resta­tion et une amende de plus de 7 mille livres turques furent envoyés.

Tu as quit­té la Turquie. Tu as pu le faire. Avec Mikail [le com­pagnon de Zeynep] j’ai été témoin, à peu de chose près, des mêmes choses. Je voudrais dire une chose à ce sujet. L’ex­il peut-il être une méth­ode que la Turquie utilise, pour se débarass­er de ceux qui refusent de faire le ser­vice mil­i­taire, par con­séquent, ceux qui ne pensent pas comme elle ?

Ercan : En Turquie, il y a des cen­taines de mil­liers de per­son­nes qui, comme moi, qu’elles soient objecteurs ou non, ne font pas de ser­vice mil­i­taire pour dif­férentes raisons. Près de 2000 d’en­tre eux sont des objecteurs. Et la sit­u­a­tion est exacte­ment comme tu la décris. On dit à ces per­son­nes “Soit tu porteras cet uni­forme, soit tu quit­teras le pays”. Le préju­dice que cela crée est très sérieux. Du fait de la répres­sion accrue, il n’est plus pos­si­ble non plus, de tiss­er un réseau de sol­i­dar­ité comme avant. Par con­séquent, les per­son­nes qui vivent ces dif­fi­cultés, restent seules et totale­ment isolées.

Y a t‑il des per­son­nes qui te con­tactent à ce sujet, pour pren­dre des con­seils; pour s’in­former sur le proces­sus, ou pour com­pren­dre les risques qu’une telle déci­sion peut génér­er dans l’avenir ?

Ercan : A peu près toutes les semaines une per­son­ne me con­tacte par les réseaux soci­aux pour me pos­er des ques­tions sur ce sujet, ou encore pour me dire “moi aus­si, je voudrais venir en Europe”. Et je leur explique que l’ex­il n’est pas une solu­tion. Je le vis moi même. Je suis venu en Europe. Oui, l’op­pres­sion de l’E­tat quitte nos épaules, mais il n’est vrai­ment pas facile de rester loin des villes, des rues où nous viv­ions, et des per­son­nes avec lesquelles nous parta­gions la vie commune.

Cela, seul celles et ceux qui le vivent, le con­nais­sent… [De loin] on a ten­dance à voir une vie facile et gaie en Europe. Oui, peut être que nous vivons toutEs plus tran­quille­ment et loin de l’op­pres­sion de l’E­tat… mais nous sommes désor­mais des exiléEs.

Ercan : J’ex­prime ce que je ressens : cela fait 11 mois que je vis en France. Il n’y a pas une seule heure où je ne ressens pas la douleur de la nos­tal­gie et du manque. C’est une sérieuse pres­sion affec­tive. Je suis une per­son­ne qui a vécu aus­si la prison, et pas pour un temps très court, je peux exprimer qu’à part les péri­odes où l’E­tat pra­ti­quait des mas­sacres dans les pris­ons, je n’ai jamais ressen­ti une telle dif­fi­culté psy­chique. Avant, je dis­ait “la nos­tal­gie est belle”, mais main­tenant, je vois que j’avais dit une bêtise… 

Je ne te le fais pas dire… Vrai­ment seul ceux et celles qui ont fait cette expéri­ence peu­vent savoir comme c’est une puni­tion affec­tive. Si je puis exprimer mon sen­ti­ment ; chaque fois que j’en­tre en Turquie et que  j’en sors, je souf­fre de mal au ven­tre, avant le con­trôle de passe­port. Ma mère attend au télé­phone “Préviens-moi quand tu seras bien passée”. Mikail attend, mon frère aus­si. Quelque soit l’heure, même dans la nuit, ils/elles ne dor­ment pas, et atten­dent jusqu’à ce que je passe le con­trôle de passe­port. Pas­sons cela… Lorsque tu vis à l’é­tranger, toute démarche, de l’achat d’un abon­nement men­su­el pour le bus, jusqu’aux reg­istres de domi­cil­i­a­tion, tout devient subite­ment un combat.

Ercan : C’est cela… C’est comme si nous viv­ions toutes et tous, dans une prison au delà des frontières.

Je pense d’un coup au livre de Chin­ua Achebe, “Tout s’ef­fon­dre” et son per­son­nage prin­ci­pal Okonkwo qui part en exil. Les jeunes passent une par­tie du rite du pas­sage à la vie adulte, en dehors de leurs tribus, dans le désert. Ce désert, est en vérité, une grande prison. Voilà, main­tenant nous aus­si, sommes jetéEs dans un désert affec­tif. Quoi qu’il en soit, nous sommes en exil, en prison

Ercan : Mal­heureuse­ment oui. Ecoute, Mehmed Uzun [écrivain, romanci­er con­tem­po­rain kurde de Turquie] a une cita­tion “L’ex­il est une sépa­ra­tion, une tristesse. Il est une lourde con­damna­tion inhu­maine” dit-il. Voilà, je ressens cela jusqu’au bout de mes ongles.

Que va-t-on faire alors ?

Ercan : Nous n’avons pas d’autre chose que nous puis­sions faire, que de tiss­er des réseaux de sol­i­dar­ité, même très petits et parsemés. A ce sujet, Il est pos­si­ble que EBCO (Bureau Européen de l’Ob­jec­tion de Con­science — Euro­pean Bureau for Con­sci­en­tious Objec­tion) et WRI (War Resisters’ Inter­na­tion­al — Inter­na­tionale des Résistant(e)s à la Guerre) aient des ini­tia­tives pour les déser­teurs et objecteurs qui vien­nent de Turquie.

Con­nais-tu des ini­tia­tives ou des dia­logues comme cela ?

Ercan : A vrai dire, dans ces deux dernières années, je n’ai pas vu ces organ­i­sa­tions dans notre lutte. Dans les deux années, une impor­tante dias­po­ra depuis la Turquie et le Kur­dis­tan, s’est for­mée en Europe. Dans les ini­tia­tives com­munes, au début, il y avait à Berlin, un groupe “Non à la guerre et à la dic­tature”. Je sais que main­tenant, une sol­i­dar­ité et une organisation/association exis­tent par­mi les uni­ver­si­taires exilés. Il faudrait ren­forcer ces ini­tia­tives. Je suis les efforts d’or­gan­i­sa­tion et les évo­lu­tions. Je suis aus­si les travaux du HDK‑A (Con­grès démoc­ra­tique des peu­ples — Europe) et j’es­saie d’y par­ticiper depuis l’en­droit où je suis.

Zeynep Koçak
Doc­tor­ante en Droit, tra­vaille sur des thé­ma­tiques comme la théorie de l’E­tat, la rela­tion Etat-vio­lence, et les notions de ‘foules’ et ‘mass­es’.


Eng­lish: “Turkey • Being a con­sci­en­tious objec­tor under the state of emer­gency” Clic to read

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