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Nous avons considéré essentiel de traduire cette interview d’Eren Keskin, avocate et militante des droits humains en Turquie, qui embrasse l’ensemble des questions de justice, d’aujourd’hui et d’hier.
Au dehors même de l’hommage qu’il faut rendre à cette femme et son combat, revenir sur les procédures, les enquêtes d’injustice en cours, le fonctionnement ubuesque des institutions judiciaires à travers son regard acéré constitue une archive incontournable vers laquelle nous aurons malheureusement souvent l’occasion de renvoyer dans les mois à venir.
Attendons-nous également à devoir organiser, pour elle aussi, un soutien conséquent lors de ces procès à répétition à venir, bien qu’elle-même ait une vision très “réaliste” des désormais réactions européennes sans convictions.
Eren Keskin avec İrfan Aktan
Photo : Sadık Güleç
Eren Keskin : Plutôt qu’aller à l’étranger, je vais aller en prison
Qui aurait pu penser que Eren Keskin, qui a subi des attaques armées dans les années 90, emprisonnée seulement parce qu’elle a utilisé le mot “Kurdistan”, qui a perdu de nombreux amiEs dans des assassinats non résolus, une défenseure des droits humains qui a participé à des procès de torture, d’agressions et de viols, préférerait ces années là à celles d’aujourd’hui ? Ce qu’on pense impossible peut arriver. L’avocate Eren Keskin dit que malgré toute leur noirceur, les années 90, c’était mieux qu’aujourd’hui. Et elle s’étonne de se l’entendre dire !
Les droits humains se forgent en les défendant et ce qu’on appelle la dignité humaine prend vie à la hauteur de ces conquêtes. Et celles-ci voient le jour, grâce aux luttes menées par certaines personnes courageuses, malgré les menaces d’exil, de prison et de mort. En effet, les défenseurEs des droits humains qui ont voué leur vie à élever la dignité humaine en Turquie, sont actuellement sous la menace et l’oppression, comme jamais.
L’avocate Eren Keskin, qui est une des figures emblématiques de la lutte pour les droits humains en Turquie, doit affronter 143 différents procès ouverts à son encontre. Suite aux procès ouverts avec la fin du “processus de Paix”, elle risque des dizaines d’années de prison, et d’amendes allant jusqu’à 800 mille Livres turques [près de 200 mille €]. Keskin, qui a déjà commencé à payer certaines amendes déjà confirmées, est devant le danger d’emprisonnement à court terme. Keskin, ayant été pendant trois ans, la directrice éditoriale symbolique d’Özgür Gündem, est interlocutrice de tous les procès ouverts à l’encontre du journal, depuis la fin du processus de Paix, et elle est pourtant déterminée à ne pas faire un pas en arrière.
Keskin, qui a fait face depuis les années 90 aux attaques armées, aux peines de prisons, aux menaces de mort, avec un grand courage et une persistance et qui continue à défendre les droits humains, a “envoyé vers la retraite” beaucoup de présidents de la République, premiers ministres, ministres d’intérieur et de justice, mais elle en est toujours au même point. Maintenant, tendons l’oreille à cette courageuse avocate, qui a dévoué sa vie à la défense des droits humains de tous les milieux opprimés, et à élever la dignité humaine.
Le fait que depuis les années 90, vous soyez une des défenseurEs des droits humains les plus exposées, les pressions que vous avez subies personnellement rendent votre analyse des différentes périodes, plus légitime. Par conséquent, pourrions-nous commencer par l’étau de justice devant lequel vous vous trouvez ?
Il y a 143 procès à mon encontre. Seul un de ces procès est ouvert pour un discours que j’avais fait et une peine de 10 mois a été prononcée. La décision est actuellement en phase de Cour de Cassation. Tous les autres procès sont ouverts en liaison avec Özgür Gündem, pour lequel j’ai été directrice éditoriale pendant trois ans.
C’est à dire que, c’est vous qui êtes jugée pour tous les procès ouverts contre le journal durant ces trois ans ?
Oui. Özgür Gündem est un journal qui fut créé au début des années 90, dont je fus avocate dès le premier jour. Je connaissais tous les journalistes tués à cette époque, tels que “Oncle Musa” [Musa Anter], Burhan Karadeniz. Pour les personnes de mon âge, Özgür Gündem a une place très précieuse dans notre vie. En 2013, le journal allait commencer à reparaitre sous son nom d’Özgür Gündem [le journal compte dans son histoire plusieurs fermetures et interdictions] et on m’a demandé “Peut on mettre votre nom comme Directrice Editoriale ?”. Comme j’avais un lien affectif j’ai répondu “Bien sûr !”. Je n’ai pas travaillé activement comme directrice éditoriale mais mon nom y apparaissait. Des procès qui n’ont jamais été ouverts lors de la période du processus de Paix*, ont commencé dès son terme, comme des bombardements.
[* Période appelée “processus de paix” ou “processus de résolution” ou encore “ouverture kurde” 2009–2015. Le “processus de résolution” n’était pas seulement promu par la partie kurde, mais participait surtout de l’ascension au pouvoir de l’AKP, soucieux à ce moment d’un clientélisme électoral, et de l’image de “bon élève” dans les négociations européennes, nécessaire pour écarter les militaires kémalistes des pouvoirs dont ils disposaient. Les gülenistes soutenaient chaudement ce processus politique, jusqu’à leur rupture avec l’AKP en 2013. Le mouvement kurde s’est saisi du “processus de paix” tant pour faire avancer dans les faits les questions de langue, d’autonomie culturelle, et de rattrapage social, qu’en permettant d’éviter la manœuvre de division entre Kurdes qu’Erdoğan tentait contre le PKK à travers lui. Cette initiative de paix, bienvenue et porteuse d’espoirs, a été unilatéralement brisée en 2015 par le régime AKP.]
Des procès rétroactifs ont-ils été ouverts pour des articles et textes parus lors du processus dit de résolution ?
Non. Il n’y a pas eu de procès rétroactifs. Quand le processus s’est terminé et que les procès ont été ouverts, nous avons commencé à faire des aller-retours au Palais de justice pour des interrogatoires. Dans les débuts, nous nous contentions de dire aux procureurs, “j’ai la conviction que l’expression de l’opinion n’est pas un crime”. Mais, un peu plus tard, les procureurs ont commencé à nous transférer au tribunal avec une demande de contrôle judiciaire. Lorsque nous avons vu que les procès pleuvaient comme des bombes, nous avons discuté entre camarades, et à la fin de la troisième année, j’ai quitté mon rôle de directrice éditoriale. A ce moment là, le 17 août 2016, une opération a été effectuée dans les locaux du journal, et nous avons été touTEs misEs en garde-à-vue. Moi, j’ai été libérée sous contrôle judiciaire, Aslı Erdoğan et Necmiye Alpay on été incarcérées, et peu de temps après, Murat Çelikkan a été emprisonné. Dans ce procès, nous sommes touTEs jugéEs avec une demande de perpétuité.
Avec l’accusation d“appartenance à une organisation” ?
Pour tentative de séparatisme des territoires de l’Etat.
Ceci est-il basé sur des informations publiées ?
Des informations publiées, et selon celles-ci le fait que nous soyons des membres d’organisation séparatiste. Il n’y a pas de source à cette accusation, mais la justification est bien celle-ci.
Est-ce la justification des autres procès à votre encontre ?
Propagande pour organisation, insulte au Président de la République etc… 18 dossiers sont actuellement à la Cour de Cassation. Il y a six ans de prison et des pénalités financières très importantes. Pendant ce temps, il y a eu des réformes de loi, et des “tribunaux d’appel” [“Istinaf mahkemesi” des tribunaux expéditifs] ont été instaurés. Les procès qui concernent des peines de moins de 5 ans sont envoyés aux tribunaux d’appel, au lieu de la Cour de cassation. Devant ces tribunaux, les procès sont traités plus rapidement. La soi disant raison de la création de ces tribunaux, est d’alléger le travail de la justice.
Avez-vous des jugements qui ont été confirmés par les tribunaux d’appel ?
Oui, j’ai des procès où des pénalités financières ont été décidées et sont confirmées. Il y en a encore d’autres à venir. Jusqu’à ce jour, j’ai une peine confirmée pour 57 mille Livres turques. Mais quand on fait la somme, il est question d’une peine de 800 mille Livres turques. Si vous ne les payez pas, vous allez en prison. Nous avons commencé à payer par mensualités. L’IHD (L’association des droits de l’homme dont Eren est la vice-présidente) et le TIHV (La fondation des droits de l’homme) ont commencé pour cela une campagne. Mais pour les peines de prison, il n’y a rien à faire. Ces peines ne sont pas encore confirmées, mais lorsque les décisions iront aux tribunaux d’appel, les peines seront confirmées dans trois, quatre mois.
Ensuite, irez-vous en prison ?
Je vais être emprisonnée, oui. Je ne vais pas m’en aller.
Je ne vais pas aller à l’étranger, parce que nous avons raison
Où donc ?
Je ne vais pas aller à l’étranger, mais en prison. En 1995, j’étais jugée pour avoir prononcé le mot “Kurdistan”, j’ai reçu une peine de prison, et effectué ma peine. Comme nous sommes depuis de longues années dans le mouvement des droits humains, nous sommes connuEs par l’opinion publique internationale. Les gens savent très bien que Eren Keskin n’est pas une membre d’organisation armée. Mais si cet Etat me juge comme membre d’organisation armée, m’inculpe, et m’emprisonne, je dois mener une lutte contre cela. Moi, je veux les déranger. Je n’irai pas à l’étranger, parce que nous avons raison. Je pense qu’il est nécessaire que l’Etat fasse un pas en arrière. En 1995, la même chose était arrivée. Ces années là, beaucoup de personnes sont allées à l’étranger et peu en prison. Je me souviens des noms des personnes emprisonnées à cette époque là comme Fikret Başkaya, Haluk Gerger. C’est grâce aux personnes qui sont allées en prison que l’on a discuté du fait que les libertés d’opinion et d’expression étaient menacées. Il va se passer la même chose.
Pour vous, discuter du fait qu’en Turquie les libertés d’opinion et d’expression sont menacées a une utilité ?
Je ne pense bien sûr pas que cette discussion aura autant d’effet que dans les années 90, mais il y aura toujours un effet.
L’AKP s’est réconcilié avec l’Etat profond
Malgré les moyens de communication limités des années 90, les pressions que vous subissiez était connues, et une opinion publique se formait. Actuellement, les pressions, gardes-à-vue, arrestations des défenseurEs des droits de l’homme, ne créent pas autant d’effet que dans les années 90, au regard de l’Europe, et l’Etat ne prend pas en considération les réactions internationales. Or, nous nous rappelons que dans les années 90, les réactions internationales avaient un effet sur l’Etat. Quelle est la différence entre l’Etat des années 90 et celui d’aujourd’hui ?
Depuis la fondation de cet Etat, l’Etat visible et l’Etat réel ont été toujours différents. Les gouvernements changeaient, mais il existait un Etat profond qui restait toujours fixe. Le 24 septembre 1996, dans la prison de Diyarbakır, un massacre où 11 personnes ont été tuées, têtes écrasées, a été commis. Lorsque nous avions appelé le Ministre de la Justice de l’époque, Şevket Kazan, du parti de la Vertu (Fazilet Partisi), il nous avait dit “Croyez-moi, je ne suis pas au courant.” Nous avions compris du ton de sa voix, que c’était vrai. Réellement, le ministre ne savait pas ce qui s’était passé là-bas. L’AKP est allé, particulièrement après que ses relations avec l’organisation de Fethullah Gülen se tendent, vers une réconciliation avec l’Etat profond. Celle-ci ne va peut être pas jusqu’au bout, mais je pense que cette entente est différente de celle des années 90.
Mais, à cette époque aussi, Çiller [La première ministre] ne faisait-elle pas tout ce que l’Etat profond voulait ?
Çiller faisait ce qu’on lui demandait, mais elle n’avait pas une force populaire comme le gouvernement d’aujourd’hui. Actuellement, derrière le gouvernement, il y a une force populaire de 50% et ce n’est pas une petite proportion. Dans le passé, dans les marchandage des gouvernements, la main de l’Etat profond était toujours plus forte, actuellement la main du gouvernement est la plus forte. Peut être qu’ils se délaissent réciproquement, mais ils ont besoin l’un de l’autre. Et cela est terrifiant. Les journalistes nous disent, “nous ne trouvons pas de personnes, d’universitaires qui veulent parler”. Personne ne veut parler à la presse. Et je comprends cela. Il y a un moyen de pression économique qui affecte beaucoup la vie des gens et qui n’existait pas dans les années 90. Ils sont licenciés, les gens sont laissés sans un sou, en famille. Cela peut être plus terrifiant que d’aller en prison. Dans les années 90, l’arrestation ne faisait pas peur. A cette époque il y avait près de 200 procès à mon encontre. Nous étions vice-présidents de l’IHD, avec Osman Baydemir. Un procès était entamé à chacun de nos discours, et on se taquinait entre nous, en nous demandant “qui a le plus de procès ?” Vous saviez en allant au bureau du procureur qu’après avoir fait votre déposition, que vous alliez sortir. Vous alliez en prison, seulement si vous étiez inculpés, et si votre peine était confirmée. Mais maintenant, même pour un témoignage, vous y allez avec la peur d’arrestation. Cela fait une très grande différence.
L’arrestation, de ce point de vue, est normalisée…
Bien sûr. L’autre jour, après avoir donné mon témoignage concernant mes partages sur les réseaux sociaux, j’ai demandé au procureur “Et maintenant, suis-je libre ?” ! Je pense que c’était un bon procureur, car il était visible qu’il était gêné de m’interroger. Il en existe donc encore des comme cela, il m’a dit “Bien sûr que vous êtes libre”. Malgré cela vous n’arrivez pas à croire que vous êtes libre. Je ne me souviens pas d’une autre période où les arrestations se faisaient autant sans se soucier des suites.
Lorsque l’AKP est arrivé au pouvoir, il me semble que le nombre de prisonnierEs qui était autour de 50 mille, a dépassé les 200 mille…
Bien sûr.
Photo : Sadık Güleç
Les défenseurEs des droits de l’homme étaient plus libres dans les années 90.
Il y a à peine trois ans, tout était discuté avec une certaine liberté. Mais cette attitude changeante de l’Etat se répète régulièrement. Pendant une période, beaucoup de choses se discutent, ensuite, de nouveau, les libertés d’opinion et d’expression sont radicalement limitées. Et il n’est pas possible de le prédire, de savoir combien de temps les limites actuelles dureront. Dans les années 90, aviez-vous la possibilité de projeter la fin de cette période ?
Je ne crois pas qu’en Turquie, il y a eu une quelconque période où la justice fut indépendante, mais nos voies pour atteindre le Droit n’ont jamais été autant coupées. Dans les années 90, les violations des droits humains se déroulaient plutôt dans le Kurdistan, les populations de l’Ouest [du pays] ne ressentaient pas l’oppression autant qu’aujourd’hui. En clair, les gens ici, [Ouest du pays] s’en foutaient de ce qui se passait dans le Kurdistan. En tant que défenseurEs des droits humains, nous faisions des constats, établissions des rapports, sur les disparitions en garde-à-vue, les tortures, les villages incendiés. Dans cette période, à part l’IHD, il n’y avait pas d’organisation de société civile ou universitaire qui allait sur place dans la région. L’opinion publique internationale était très intéressée par le sujet. Des délégations arrivaient sans cesse, et nous déposions des plaintes pour crimes. Nous n’obtenions pas de résultat du Droit intérieur, mais oui, nous étions convaincuEs que l’Etat allait perdre ces procès ouverts auprès de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme). Par ailleurs, comme il n’y avait pas la menace d’arrestation, nous étions tranquilles.
En ce moment, dans cette région, de nombreux crimes de guerre sont commis. Par exemple les combattantEs de la guérilla sont arrêtEs blesséEs mais ils/elles sont tuéEs et le JITEM 1 publie tout cela, ouvertement sur ses comptes [sur les réseaux sociaux]. Ce sont en réalité des crimes de guerre ! Mais quand vous déposez une plainte, une enquête est ouverte à votre encontre, pour appartenance à une organisation terroriste. Dans les années 90, nous n’avions pas cette oppression. Les defenseurEs des droits de l’homme étaient un peu plus libres. Cela dit, exprimer cela, est aussi un peu absurde, parce que moi par exemple, j’ai subi deux agressions armées, nous avons perdu de nombreux camarades avec des assassinats de contre-guérilla. C’est étrange que je puisse penser comme cela, mais je le répète, je savais à cette époque, en portant plainte pour une exécution, que je ne serais pas accusée d’appartenance à une organisation terroriste.
La société a tendance à considérer la torture comme légitime
Dans les années 90, l’Etat essayait de cacher les violations de droits, à ce jour, les violations sont déclarées sur les médias sociaux par les forces de sécurité, elles-mêmes. Pour vous, quel est l’évolution de l’Etat ?
Il y a certainement des exceptions, mais je pense que la société en Turquie, avec sa gauche et sa droite, est formatée par la mentalité “İttihatçi” [Union nationaliste regroupant les Jeunes-turcs]. Nous sommes à l’anniversaire du 6–7 septembre [“Pogrom d’Istanbul” principalement dirigé contre la minorité grecque d’Istanbul, les 6 et 7 septembre 1955] et ceux qui y avaient œuvré n’étaient pas seulement des fascistes. Les gens ont brûlé et pillé la maison de leurs voisins les plus proches. Les gens sont tellement pétris par l’idéologie de la turcité et le racisme, qu’aujourd’hui que 50% d’entre eux ne sont préoccupés que par cela. La violence est devenue légitime, aux yeux de la société. Toutes les personnes arrêtées en liaison avec l’organisation Fetullah Gülen sont torturées, sans aucune exception. Nous avons eu des requêtes concernant des viols. Les photos des personnes torturées ont été publiées, et personne n’a dit un seul mot. On a dit “Si c’est un putschiste, bien sûr qu’il sera torturé”. Or, un des principes des défenseurEs des droits humains, dit qu’on ne peut torturer, même un tortionnaire. Particulièrement après la période du putsch, la société a accepté la violence comme normale. Ceci n’est pas un problème lié seulement à l’Etat. Cela veut dire que le peuple a tendance a considérer la torture, comme légitime.
Alors comment se fait-il que l’écrasante majorité de la société qui avait soutenu le processus de résolution et se montrait pour la Paix avance maintenant dans un sens totalement inverse ?
A mon avis, cela peut changer encore, en une journée. Nous pensons que si les choses qui se sont déroulées à Habur [Dans le cadre du processus de Paix, le 19 octobre 2009, 34 combattantEs du PKK sont entréEs en Turquie par la porte frontalière Habur], se déroulaient encore aujourd’hui, des dizaines de milliers de personnes descendraient dans les rues, il y aurait des lynchages. Mais tant que le gouvernement ne le veut pas, il ne se passera rien. Je ne crains pas que l’état actuel de la société soit permanent.
Mais l’élan pour la paix de la société, n’est pas permanent non plus…
Bien sur qu’il ne l’est pas. Après l’attribution du prix Nobel à Orhan Pamuk [écrivain], Murat Belge [Universitaire, auteur, défenseur des droits humains] avait dit “Ceux-là, s’ils étaient des nationalistes, ils devraient être heureux de ce prix. Ceux-là, ne sont même pas des nationalistes, mais des abrutis. Nous avons une société qui est pétri pas l’islam et le nationalisme turc, et très habituée à être dirigée”.
Je ne pense pas que je verrai la démocratisation du pays
En tant que défenseurEs des droits humains, cela ne vous porte-t-il pas vers le désespoir ?
Il nous arrive de temps à autre de tomber dans le désespoir. Mais moi, je ne suis pas dans l’attente, concernant la démocratisation de la Turquie. D’abord, je ne pense pas qu’une réelle démocratisation serait possible sans reconnaitre le Génocide [arménien] de 1915, et sans le regarder en face. Je ne pense vraiment pas que je verrais ce pays se démocratiser, à part quelques miettes. Pendant le processus de Paix, nous étions touTEs plein d’espoir, et que s’est-il passé ? C’est terminé. Demain, il peut y encore avoir une période semblable, et il peut aussi, encore prendre fin. Pour une démocratisation pérenne, il faut solder les comptes avec la mentalité “İttihatçi”.
Vous parlez des 50% qui se tient derrière le pouvoir, mais en face il y a aussi une autre groupe de 50%. Pourquoi vous ne faites pas allusion à ces 50% ?
Parce que les deux 50% n’ont guère de différences. Pour moi, celles et ceux qui veulent une réelle démocratisation ne font au maximum que 10%. Regardez le président du Parti de la Patrie (Vatan Partisi)… comment s’appelle-t-il déjà?
Doğu Perinçek…
Oui, Doğu Perinçek a été jugé en Suisse pour négationisme. Et en tant que Commission contre le racisme et la discrimination de l’IHD, nous avons été partie civile de ce procès à la Cour européenne des droits de l’homme. Nous avons défendu que le négationisme d’un Génocide est un crime, et qu’il ne peut être considéré dans le cadre des libertés d’opinion et d’expression. Nous avons dit qu’avec cette négation, un peuple qui a déjà subi un Génocide, se sent encore et toujours, sous menace. Selon lui, Perinçek a gagné ce procès… Et qui était à ses côtés ? Le CHP (parti kémaliste, laïc), le MHP (parti nationaliste), l’AKP et Vatan Partisi… Et ils ont fait une déclaration commune en annonçant “La gagnante fut la Turquie”.
Par conséquent, pour moi, celles et ceux qui veulent la démocratisation, sont celles et ceux qui veulent régler les comptes avec les lignes rouges de la Turquie. C’est à dire, le problème kurde et le Kurdistan, le Génocide arménien, la question de Chypre, la laïcité anti-démocratique ou l’islamisme anti-démocratique. Celles et ceux avec lesquelLEs nous pouvons être côte à côte, sont celles et ceux qui veulent que ces questions soient ouvertes à la discussion. Je pense que l’aile pan-turquiste et islamisme de l’idéologie officielle “İttihatçi” sont des frères ennemis. Ils se bagarrent entre eux mais lorsque l’idéologie officielle est en question, ils se mettent ensemble. Je ne pense donc pas que le combat des kémalistes et des islamistes soit un véritable combat.
Vous ne trouvez pas alors, que l’opposition que le CHP mène contre le pouvoir, les réactions qu’il montre, soient sensées ?
Bien sûr que je les trouve sensées et importantes. Je pense que tout le monde doit se tenir côte à côte, avec les revendications pour la démocratisation et contre l’autoritarisme créé par le pouvoir AKP et le Président de la République. Bien sûr que contre cet autoritarisme les gens vont œuvrer ensemble. Mais ceci n’est pas une unité qui pourrait durer jusqu’à l’éternité.
Le courage protège l’être humain
Bien que vous ne croyiez pas qu’il puisse y avoir une démocratisation réelle en Turquie, avec quelles convictions menez-vous, depuis des dizaines d’années, la lutte pour les droits humains ?
Si tu aides une seule personne, et si tu aimes ce que tu fais, c’est suffisant. Jusqu’au moment où nous avons instauré, en 1997, le Bureau d’aide juridique contre les agressions sexuelles et viols en garde-à-vue, ces questions n’étaient pas discutées beaucoup. Lorsque j’étais en prison, j’étais avec des femmes kurdes. Nous savions que les femmes subissaient des tortures, et ceci était toujours étouffé. Un jour, en faisant les cent pas, une des filles dont j’avais été avocate quand j’étais dehors, est venue et m’a raconté qu’elle avait été violée. [En racontant] elle a eu une crise [de nerfs]. Ensuite, nous avons commencé à apprendre que toutes les femmes, sans exception, étaient victimes d’agressions. J’ai donc décidé de travailler sur ce sujet, en sortant de la prison. Et maintenant, tout le monde sait que la torture sexuelle est une méthode de torture. Et cela est très important pour moi.
Les choses que vous faites, même si elles ne sont pas de grandes choses, provoquent inévitablement une évolution. Le fait de raconter que les libertés d’opinion et d’expression n’existent pas en Turquie, est aussi une chose. Et cela devient, au bout d’un temps, une façon de vivre. De nombreuses personnes vivent comme moi, de cette façon. Nous, nous n’avons jamais changé. Nous disons toujours ce que nous disons depuis le début. Ceux qui changent, c’est eux et pas nous. Nous disons toujours que le problème n’est pas le problème du PKK, c’est le problème du Kurdistan.
Lorsque Seyid Rıza fut massacré, le PKK existait-il ? [Seyid Rıza : Important “pir” et chef tribal kurde zaza qui a dirigé la révolte de Dersim (1937–1938) contre l’armée turque. 1863 à Dersim-15 novembre 1937 Elâzığ]. Il y a donc un problème et celui-ci vient de l’Etat. Ce problème a une chance d’être résolu, si l’Etat montre la volonté de le résoudre.
En ce qui concerne le Génocide arménien, il fut un temps où l’AKP a commencé à ne pas mettre le terme “soi disant” devant “le Génocide”, puis il a recommencé à le remettre. Mais nous, nous sommes restés toujours sur le même point. Le courage protège l’être humain. Même si la partie adverse vous voit comme ennemiE, elle se sent obligée de vous respecter. Et cela donne force et courage.
CertainEs opposantEs partent dans d’autres pays en disant “Ni cette société, ni cet Etat ne changeront”. Qu’est-ce qui vous éloigne de cette vision ?
Moi, j’aime beaucoup ces terres. Je n’ai jamais pensé aller à l’étranger. Maintenant je ne peux de toutes façons pas m’y rendre car il y a une interdiction de sortie du territoire à mon encontre. Mais quand je suis appelée pour des réunions, au bout de trois jours, j’étouffe. Nous n’aimons pas ceux qui nous dirigent, ça c’est un autre problème, mais je considère que ces terres m’appartiennent.
Que se passe-t-il actuellement dans les prisons ?
Les gens de gauche et les Kurdes ont toujours vécu des problèmes dans les prisons, et ils continuent à les vivre encore aujourd’hui.
Le Président de la République s’est défendu et a parlé de “Guantanamo”, et en effet, sous état d’urgence, dans les prisons, il y a des pratiques de Guantanamo. Il existe un important nombre de prisonnierEs malades qui ne sont pas transféréEs à l’hôpital, il y a des tortures de temps à autre. Il y a une pratique qui dérange beaucoup, particulièrement les détenues femmes, l’utilisation des caméras [de surveillance] installées dans leur espace de vie. Elles ne se sentent pas en sécurité, même dans la salle de bain. C’est une chose terrifiante. Observer pendant qu’une personne procède à ses besoins intimes est clairement une agression sexuelle. Il existe des difficultés concernant les visites. Pour la moindre chose, une punition [de cellule] d’isolement est donnée. Les visites des familles des prisonnierEs jugéEs pour FETÖ [Organisation de Fethullah Gülen] sont très problématiques. En affectant le droit de défense dans ses fondements, ils enregistrent les visites dans leur intégralité. Nous sommes face à face avec un Etat qui dénie toutes les conventions internationales que la Turquie a ratifiées.
Dans ma vie, je ne me souviens d’aucune période où je me suis tant trouvée sans visions d’avenir.
Certains consulats m’ont proposé “Tu peux nous demander asile”, j’ai refusé.
Une quelconque organisation internationale, ou de Turquie, peut-elle mener des activités afin d’étudier les pratiques dans les prisons ?
D’une façon générale, ils [l’Etat] n’acceptent aucune requête. Et nous voyons également que l’opinion publique internationale n’y porte pas autant d’intérêt que dans les années 90.
Pourquoi ?
Je pense que la migration syrienne a un effet particulièrement fort. Finalement, les relations entre les Etats sont des relations d’intérêts et aucun Etat n’est une organisation de protection des droits humains. Par ailleurs, ni les prisons ni les camps AFAD [Direction des urgences et catastrophes, liée au premier ministre] ne sont ouverts à l’inspection des organisations de société civile. Aucune inspection ne peut être faite. Seuls des rapports sont établis à partir des entretiens que les avocatEs font avec des prisonnierEs. Sinon, il n’est en aucune façon possible pour les délégations internationales et les organisations de société civile, d’entretenir avec les administrations, ou d’entendre ensemble, les plaintes et revendications des prisonnierEs.
Dans les jours à venir, il y a l’éventualité que vos peines soient confirmées. Arrivez-vous à prévoir combien de temps vous seriez incarcérée ?
J’ai ressenti une grande fierté du fait que Murat Çelikkan ne parte pas à l’étranger mais aille en prison. S’il bénéficie de la liberté conditionnelle, je pense qu’il serait incarcéré environ 40 jours. C’est la procédure qui doit être appliquée et si elle est appliquée à mon cas, je serais incarcérée au total quelques années. D’après mes calculs, ma peine dépassera les 10 ans, mais comme je disais, s’il est question de la procédure de liberté conditionnelle, je serai emprisonnée pendant moins de temps.
Quel genre de sentiment est-ce, de savoir qu’on va aller en prison ?
J’ai reçu des propositions de certains consulats qui me disaient “vous pouvez vous réfugier chez nous”. Je ne l’ai pas voulu. Si je pars, je n’aurai pas le cœur net. Je veux avoir le cœur net. Il est très difficile d’aller en prison, c’est certain. Il y a les jeunes dont j’aide les études, il y a des gens qui travaillent avec moi, il y a ma mère qui a 85 ans et dont j’ai la responsabilité, il y a le loyer de mon domicile. Ce sont des choses importantes, mais malgré tout, en prison, je ne subirai pas la contrariété que je ressentirai à l’étranger.
Avec l’hostilité envers Erdoğan, l’Etat est oublié
Vous étiez dans les années 1990 dans la ligne de mire. Recevez-vous des menaces aujourd’hui ?
Je reçois beaucoup de menaces via les réseaux sociaux, mais je ne m’en soucie guère. Nous avions beaucoup de menaces dans les années 90, nous avons subi des agressions armées. A cette époque là, l’Etat nous a même proposé des gardes de sécurité, à moi et à Osman Baydemir, mais nous avions refusé. Il faut vivre sans en faire une fixation. Car si tu y penses beaucoup, tu risques de ne même plus pouvoir sortir de chez-toi.
Alors que défendre les droits humains nécessite de faire de grandes concessions, y a‑t-il toujours de nouveaux défenseurEs des droits humains, issuEs des nouvelles générations ?
Même si ce n’est pas suffisant, oui, des défenseurEs des nouvelle génération se forment. Pour cela, en tant que IHD, nous avons fondé l’Académie des droits humains. Parce qu’il n’est pas suffisant de courir et de faire des communiqués de presse. Il faut connaitre les problèmes de ces terres et les lignes rouges de l’Etat. Il y a de jeunes personnes qui sont très motivées.
Pensez-vous vous retirer un jour de la défense des droits humains ?
Non, je ne le pense absolument pas. Tant que ma santé me le permet je ne pourrai pas arrêter.
Que pensez-vous de l’opération qui a ciblé les défenseurEs des droits humains, menée à Büyükada ?
Je connais cette affaire de très près, car j’ai participé à l’interrogatoire. Ce fut la défense la plus tragi-comique que j’ai connue de toute ma carrière. Une enquête inimaginable, absurde et qui tombe en miettes. Les journalistes proches du gouvernement on commencé aussi d’écrire l’absurdité de cette affaire. Pour moi, ils/elles sont dans la situation d’otages pris suite aux relations conflictuelles de la Turquie avec l’Europe et sortiront à la première audience. Mais c’est dommage, c’est du temps volé à leurs vies.
En parlant du Procureur qui a pris votre déposition concernant vos partages sur les réseaux sociaux, “Il y a donc encore des procureurs comme ça”. Quel genre d’évolution observez-vous dans le domaine judiciaire ? Quel tableau découvrez-vous, lorsque vous comparez cela avec les années 90 ?
Je pense que dans les diplômés d’université, ceux qui lisent le moins sont les juges. Mis à part quelques exceptions, ils sont tellement la tête dans les dossiers, qu’ils ne suivent pas correctement l’actualité, ni ne connaissent le Droit international… Par exemple vous entrez dans un procès concernant la violence faite aux femmes, vous leur dites “La convention d’Istanbul” [Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, signée en 2011 à Istanbul], ils vous regardent avec des yeux vides. Dans les années 90 et avant, il existait un système Judiciaire lié au militarisme. Pour moi, avec l’hostilité envers Erdoğan, l’Etat est oublié. Je pense que c’est une erreur. Comme si en Turquie, l’Etat était très bien, et qu’avec l’arrivée d’Erdoğan tout était devenu mauvais. Or, la justice a toujours été dépendante. On discute sur le fait que le Président de la Cour de cassation baisse la tête devant Erdoğan, mais nous connaissons aussi des procureurs qui, dans les années 90, étaient appelés à l’Etat Major, et faisaient attendre en garde-à-vue. Le système judiciaire a toujours été dépendant, seuls les forces centrales dont il dépend changent. Aujourd’hui, les juges ne se sentant pas libres, prennent des décisions souhaitées par le Président de la République. Par exemple, dans le procès de FETÖ [procès lié à la tentative de coup d’Etat], les juges ont pris une décision juste et ont libéré 23 personnes. Atilla Taş [chanteur, un des accusés de ce procès], qu’a-t-il fait cet homme ? Le lendemain, les juges qui ont libéré ces 23 personnes, ont été limogés de leur fonctions. Alors, quel juge peut être indépendant ? J’ai vu la tristesse du procureur qui m’a interrogée pour mes partages sur les réseaux sociaux, dans ses regards plongés dans mes yeux. C’était un instant douloureux de voir un procureur ainsi.
Comment interprétez-vous l’absence de réaction de la communauté islamiste concernant les droits humains ?
Lorsque Tayyip Erdoğan a été jugé [en 1998, accusé d’incitation du peuple à la haine, pour un discours qu’il a prononcé à Siirt], sur l’affiche de l’IHD concernant la liberté d’expression, ma photo se trouvait à côté de celle d’Erdoğan. Nous avions défendu la liberté d’Erdoğan, nous avions fait ces affiches. Lors du 28 Février*, nous étions également contre les oppressions ciblant les musulmans. Nous avons manifesté coude à coude avec des femmes portant le voile.
[28 février ou “Coup d’Etat post-moderne” : Le 28 février 1997, le Conseil de sécurité nationale adressait au gouvernement de coalition du leader islamiste Necmettin Erbakan une série d’injonctions lui demandant de respecter la laïcité. En réalité, ces injonctions lançaient un processus qui allait voir l’armée turque et ses principaux auxiliaires (la haute administration, la justice, la presse, le grand patronat, les partis politiques du système notamment) s’employer à déstabiliser le gouvernement Erbakan, obtenir sa démission et finalement en terminer par la dissolution du parti islamiste de la prospérité (Refah partisi). Ce parti se reforma quelques années plus tard sous le nom de Parti de la justice et du développement (AKP). Actant son échec précédent, le nouveau parti, une fois revenu au pouvoir, s’emploiera dès lors à réduire durablement l’influence des militaires sur le pouvoir civil. Et vous connaissez la suite…]
Mais aujourd’hui, selon eux, ils sont libérés, ils ne se mêlent plus à rien. Parce qu’ils ne se soucient que d’eux mêmes. Or la défense des droits humains est universelle. Vous devez être du côté de toutEs celles et ceux qui sont oppriméEs. Mais les islamistes n’ont pas cette notion. Nous l’avons vu.
Parfois, je n’arrive pas à croire ce que nous vivons. C’est comme un mauvais rêve.
Eren Keskin avocate et militante, défenseure des droits humains en Turquie, est vice-présidente de l’association turque des droits humains (IHD) et co-fondatrice du projet Aide juridique pour les femmes qui ont été violées ou abusées sexuellement par les Forces de Sécurité Nationale.
Née d’un père kurde originaire de Sivas et d’une mère stambouliote, Eren fut choquée, adolescente, par l’exécution de trois jeunes gens. Après des études de droit, interrompues par le coup d’État militaire de 1980, elle s’implique au sein de l’Association des droits de l’homme en Turquie (IHD), dont elle est aujourd’hui vice-présidente, plutôt que dans des partis politiques qu’elle juge « trop militaristes et peu ouverts aux femmes ». Elle va dès lors mener des enquêtes sur des villages kurdes incendiés, des expéditions punitives, des disparitions… Et échapper de peu à deux attaques dont elle sera la cible, en 1994 et 2001. Ses prises de position et le simple fait d’utiliser le mot « Kurdistan » dans un article vont lui valoir plusieurs mois de prison, l’interdiction d’exercer son métier d’avocate, et une bonne centaine de poursuites – la dernière tout récemment, pour ses chroniques dans Özgür Gündem, au même titre qu’Aslı Erdoğan. Et elle risque toujours de retourner derrière les barreaux, pour très longtemps. Mais qu’à cela ne tienne, elle n’en poursuit pas moins son combat.
Plusieurs prix ont été attribué à Eren Keskin, le titre de juriste européenne de l’année (2001), le prix pour la Paix d’Aix-la-Chapelle, pour ses efforts et activités en faveur des droits des hommes (2004), le prix Theodor-Haecker pour le courage civique et l’intégrité politique (2005). La Fondation Mémorial de Anna Dahlbäck basée a Stockhholm vient de lui attribuer le 8 septembre dernier, le Prix des droits humains du 2017.