Les chaleurs de juin se prêtent parfois aux coups de gueule et de griffes à Kedistan. Mais c’est pour la bonne cause, et surtout bon pour les yeux…
Nous avons souvent pesté à Kedistan, et nous ne sommes pas les seuls, contre ceux qui publient sur les réseaux sociaux ou sur des blogs, des photographies volées sans l’accord de leurs auteurEs, les re-cadrent ou les “charcutent”, pour illustrer des propos qui baignent dans le pathos ou incitent à la haine, en croyant par là défendre la cause kurde. Pire, ces mêmes illustrent parfois leur “Paris Match” kurde avec des images trouvées sur internet et choisies du fait de leur morbidité, représentatives pourtant de “faits” qui datent d’années antérieures, voire sont totalement et géographiquement étrangères au propos.
Notre ami Etienne Copeaux vient de publier quelques unes de ces “perles”, parfois de faux grossiers, publiées par des “amis” croyant bien faire, alors qu’ils/elles, discréditent le propos même qui est défendu.
S’interdire de tels raccourcis à l’heure où en un clic, il est si simple pour quiconque de repérer un plagiat ou de retrouver l’origine douteuse d’une illustration, doit être le minimum. L’histoire militante regorge de ces manipulations “pour bien faire et pour la cause”, dont le stalinisme, entre autres, fut un utilisateur zélé…
Ces pratiques douteuses, qui discréditent à nos yeux leurs auteurES, ne sont pas uniquement désastreuses pour défendre et soutenir des populations victimes d’exactions, mais deviennent, de par le choix de publications qui mettent souvent “l’inhumain” au premier plan, contradictoires avec “l’humanité” que l’on veut soutenir, et suscitent, non compassion source de prise de conscience, mais culte de la haine et de la vengeance. Lorsqu’il s’agit de peuples discriminés, victimes, nous ne sommes plus guère loin des pires exaltations des sentiments de ressentis nationalistes. Tout ce que nous exécrons à Kedistan.
Il s’agit aussi de manipulation de la mémoire de “victimes”, et d’irrespect total. Aucune cause politique ne justifie ces pratiques éditoriales.
Mais pour nous, la coupe déborde quand on sait que des photographes, des journalistes, font un travail remarquable, avec entêtement, en prenant des risques pour eux/elles mêmes, pour faire lire et donner à voir justement la vie des populations soumises aux exactions d’état, au broyage de leurs vies déjà de minorités exclues, et que ce travail là n’intéresse pas, parce que non spectaculaire, non source de buzz sur un média social ou mainstream… Car notre colère là s’étend à l’ensemble de ce qui constitue le conglomérat médiatique…
Défendre une cause, pour un média, c’est donner à voir autant l’humanité des peuples qu’elle concerne, que les résultats des oppressions et exactions qu’elles subissent, pour que des prises de conscience soient porteuses d’avenir.
C’est une règle, en tous cas, que Kedistan s’est imposée, même si elle lui vaut parfois l’ostracisme de celles et ceux qui cherchent le radicalisme systématique à tous prix en guise de réflexion et d’analyse, où la “superbe” ignorance volontaire de “médias sérieux”.
C’est pourquoi, lorsque la quête personnelle de compréhension d’unE photographe, d’unE journaliste, (et il en existe fort heureusement de nombreux/ses), rencontre ces mêmes exigences, et se traduit dans des travaux passés sous silence, celle-ci trouvera toujours le meilleur accueil dans nos “pages”.
Et, lorsqu’il s’agit d’une journaliste et artiste, comme dans le cas de Zehra Doğan, nous sommes décidés à aller plus loin encore que nos modestes pages… Nous vous en tiendrons informés.
Rassurez-vous, il est des journalistes qui oeuvrent dans ces médias dits “mainstream” qui se battent eux/elles mêmes contre l’uniformisation et le scoop, deux faces d’une même désinformation. Qu’ils/elles sachent que nous ne les jetons pas dans un sac indistinct…
Pour clore ce coup de gueule de juin, qui nous démangeait déjà depuis des mois, voici un exemple de travail récent sur l’offensive de l’état turc à Sur, et qui n’a intéressé aucun média “mainstream”. Si la mobilisation pour la libération de M. Depardon fut, et c’est fort heureux, largement diffusée, dommage qu’il n’y ait pas le même intérêt pour les travaux d’autres photographes n’appartenant pas “au sérail” — les premiers oubliés étant les photographes locaux — comme l’agence Nar Photos, qui produisent depuis des années un travail de qualité.