La dis­cus­sion sur la ter­mi­nolo­gie con­cer­nant l’ap­pel­la­tion incon­trôlée du régime en Turquie, à la veille d’un référen­dum sous état d’ur­gence, vient de s’en­richir de faits supplémentaires.

Par une déci­sion de jus­tice, comme il y en a des cen­taines chaque mois, dans les “affaires” où la loi antiter­ror­iste sert d’al­i­bi pour cass­er toute oppo­si­tion au régime, un tri­bunal a décidé de la libéra­tion de 21 jour­nal­istes incar­cérés, ven­dre­di dernier. Celles et ceux là étaient accusés d’ap­par­te­nance au mou­ve­ment Gülen (FETÖ). La 25e Haute Cour Pénale d’Is­tan­bul, a donc pronon­cé un ver­dict libérant 21 des accusés, ce ven­dre­di 27 mars.

Il n’en fal­lu pas davan­tage pour, à peine le ver­dict pronon­cé, que s’en­gage une chas­se en meute sur Twit­ter, qui débor­da très vite dans tous les médias alliés, pour exiger le main­tien en incar­céra­tion des “prévenus terroristes”.

Cette cam­pagne démar­ra par le jour­nal­iste Cem Küçük, fer­vent par­ti­san du prési­dent Recep Tayyip Erdoğan, et a pris rapi­de­ment de l’am­pleur, s’ac­com­pa­g­nant d’adress­es directes au Min­istre de la Jus­tice, lui enjoignant d’an­nuler la déci­sion du tri­bunal, et de pronon­cer des sanc­tions con­tre les juges, à min­i­ma… Bref, un “hal­lali” post juge­ment, organ­isé par des “con­frères”, devenus incon­di­tion­nels de la démoc­ra­ture du prési­dent Recep Tayyip Erdoğan, futur indéboulonnable, grâce au référen­dum en cours sur le change­ment con­sti­tu­tion­nel dont il arrangera les résul­tats sans aucun doute…

Ce “réveillez-vous les gars” orchestré con­tre leur cible désignée “l’ex quo­ti­di­en Zaman” n’a pas man­qué, dans ce con­texte de clien­télisme élec­toral, de faire en sorte que la déci­sion du tri­bunal ne soit pas respec­tée, et qu’en toute illé­gal­ité, 21 jour­nal­istes soient arrêtés en même temps que libérés, une nou­velle procé­dure étant immé­di­ate­ment ouverte con­tre eux, sur d’autres chefs d’ac­cu­sa­tion oppor­tuné­ment trou­vés… Les familles qui attendaient leurs proches, n’ont pu qu’ap­pren­dre cette nou­velle, après déjà 8 mois de détention.

Les 29 jour­nal­istes, dont la plu­part ont été en déten­tion pro­vi­soire pen­dant huit mois, sont les suiv­ants: Abdul­lah Kılıç, Ahmet Memiş, Ali Akkuş, Atil­la Taş, Bayram Kaya, Bülent Cey­han, Bünyamin Köseli, Cemal Azmi Kaly­on­cu, Cihan Acar, Cuma Ulus, Davut Aydın, Emre Son­can, gökçe fırat çul­haoğlu, Habib Güler, Halil İbrahim Bal­ta, Hanım Büşra Erdal, Hüseyin Aydın, Muhammed Sait Kuloğlu, Muhterem Tanık, Murat Aksoy, Mustafa Erkan Acar, Mut­lu Col­ge­cen, Oğuz Usluer, Said Sefa, Seyid Kılıç, Ufuk Şan­lı, Ünal Tanık, Yakup Çetin et Yetkin Yıldız.

Plus que de “l’om­bre sur l’indépen­dance de la jus­tice” comme le dis­ent cer­tains kémal­istes sur place, il s’ag­it tout sim­ple­ment d’un rideau de fumée qui se déchire, sous la pres­sion pop­uliste du pou­voir AKP et de ses affidés dans les médias alliés, lais­sant entrevoir les rouages de la machine totalitaire.
Le pro­cureur, qui a demandé la libéra­tion des jour­nal­istes le matin a changé d’avis dans la soirée. Un vrai mas­sacre de la loi est en cours main­tenant”, a écrit Yarkadas (Par­ti pop­u­laire répub­li­cain CHP). Il fal­lait vrai­ment vouloir faire l’autruche depuis près d’un an, pour croire encore que la jus­tice turque est autre chose qu’un immense “gant mar­i­on­nette” enfilé dans la main du pou­voir en Turquie.

Toutes ces procé­dures, cha­cune à leur manière, n’ont plus rien à voir depuis longtemps avec la “jus­tice”, mais visent des objec­tifs poli­tiques, cha­cune à leur sauce. Ce jeu de chais­es car­cérales par­ticipe de la stratégie du pou­voir en Turquie.

Qu’ils s’agis­sent d’in­tel­lectuellEs, d’U­ni­ver­si­tairEs, de juristEs, de respon­s­ablEs poli­tiques ou de sim­ples mil­i­tantEs, il s’ag­it chaque fois, soit d’im­pos­er le silence à une caté­gorie sociale, une caté­gorie d’op­po­si­tion, un pos­si­ble con­tre-pou­voir, en faisant des exem­ples, ou de tout sim­ple­ment pour­suiv­re un “géno­cide” pur et sim­ple de l’op­po­si­tion démoc­ra­tique. Cette jus­tice mar­i­on­nette est une arme du régime, et fonc­tionne à plein. Quand, en l’oc­curence sur cette “affaire” bidon mon­tée con­tre les ex de Zaman, elle rend une déci­sion devant un dossier vide, il se trou­vera tou­jours de zélés servi­teurs pour entamer la cabale et exiger la “jus­tice”… quand ils ne la ren­dront pas eux-mêmes, par l’as­sas­si­nat poli­tique, tou­jours pos­si­ble on le sait…

Il est donc plus que temps d’ou­vrir les yeux pour con­stater que ce régime poli­tique en Turquie n’est pas “en voie de…”, mais a bien tous les attrib­uts d’un régime total­i­taire, ayant gardé pour toutes les “myopies poli­tiques volon­taires” de par le monde, et pour l’Eu­rope en par­ti­c­uli­er, les ors et ori­peaux d’une fausse jus­tice aux ordres.

Turquie

Allu­sion à cette com­para­i­son faite par le “Reis” il y a un temps dans le style “la démoc­ra­tie, c’est comme un tram, on descend quand on veut”

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Daniel Fleury
REDACTION | Auteur
Let­tres mod­ernes à l’Université de Tours. Gros mots poli­tiques… Coups d’oeil politiques…