Le 31 octobre 2016, lors d’une opération de police, 15 journalistes de Cumhuriyet avaient été arrêtés. Le dessinateur Musa Kart, faisait partie du lot. Il est toujours en prison.
Son domicile avait été mis sens dessus dessous vers 5h du matin, comme lors de toute perquisition désormais en Turquie, à la recherche des “preuves” de terrorisme et de “liens avec le terrorisme”. Puis, le caricaturiste avait été placé en garde à vue, et incarcéré. Un parcours là aussi devenu classique, dès lors où une “enquête” a été décidée en haut lieu.
Ce n’est pas la première fois que Musa Kart se retrouve face au régime. C’était déjà le cas en 2005, puis plus récemment en 2014, suite à la publication d’un dessin rappelant qu’Erdoğan couvrait une affaire de blanchiment d’argent, pourtant rendue publique. Musa Kart avait alors fait l’objet d’une ouverture d’enquête, et 9 ans de prison avait été requis à son encontre. Il avait finalement été acquitté.
Au moment de cette dernière arrestation en octobre, Musa Kart avait déclaré :
« Pendant des années, j’ai essayé de transcrire ce que nous vivons dans ce pays sous la forme de caricatures, aujourd’hui il me semble que je suis entré dans l’une d’elles. Quelles explications vont-ils donner au reste du monde? Je suis emprisonné parce que j’ai fait des dessins ? »
Le coin de Musa Kart, dans Cumhuriyet…
Plus de deux mois se sont écoulés, et son nom a rejoint la longue liste des otages d’Erdoğan.
Cela n’a pas pour autant cassé les crayons d’autres dessinateurs et caricaturistes en Turquie, comme le prouvent ces “tours de garde” de la caricature, pour lesquels nous faisions un billet en décembre.
L’emprisonnement de Musa Kart suscite également fort heureusement une mobilisation internationale de la part de ses “confrères”, même si elle se heurte aux murs de silence, le plus souvent. Nous ne pouvons donc qu’inciter nos lectrices et lecteurs, à s’y associer.
Notre but n’est pas d’établir un inventaire à la Prévert des prisonnièrEs politiques, ni de saturer l’information sur la répression en Turquie, risquant par là de provoquer l’habituel “cela nous dépasse, on n’y peut plus rien”. Au contraire, nommer cette réalité quotidienne turque sous le régime AKP, lui donner des visages, des voix, des écritures, et là en l’occurence des dessins peut permettre à chacun et chacune de prendre conscience que ces personnes ne sont ni “exotiques” ni lointaines et indistinctes.
Dessin de Musa Kart, sur la séparation des pouvoir de l’Etat. Le dessin date de 2012, mais ne peut être plus actuel, au seuil d’un référendum sur la présidentialisation… :
- Que le Judiciaire s’en aille…
— Que la Justice disparaisse
— Je peux gérer avec celui qui reste.