“La loi de la Fondation de l’Education de la Turquie” (Türkiye Maarif Vakfı Kanunu) a été publiée dans le journal officiel et est entrée en vigueur depuis le 28 juin 2016. Cette loi, donnant des autorité et pouvoirs exceptionnels à une nouvelle entité juridique, est passée comme beaucoup de fois, lors d’un vote en pleine nuit.
La Prof. Dr. Aysel Çelikel, Présidente Générale du ÇYDD, Çağdaş Yaşamı Destekleme Derneği (Association pour le Soutien de la vie contemporaine) tire les sonnettes d’alarme dans un article publié sur Cumhuriyet.
Elle précise dans son article que “dans les deux dernières semaines, le pouvoir a soumis à l’Assemblée Nationale des projets de loi contenant des points très discutables, au point d’être des dangers pour l’avenir de la société”. Ces projets concernent, l’affectation de “tuteurs” pour les entreprises, (voir les mises sous tutelle d’entreprises de médias) et l’élargissement de l’autorité de ces administrateurs, le retrait de leur fonctions de membres du Conseil d’Etat et de la Cour suprême sur ordre légal, ainsi que la fondation de “Maarif Vakfı” (Fondation de l’Education)
En principe, ces trois projets de loi, prétendent cibler l’expulsion des personnes et organisations liées à la Confrérie Gülen1mais comme le Prof. Dr. Aysel Çelikel le souligne à juste titre, ils sont de nature à créer le terrain pour toutes sortes de décisions arbitraires, menace la sécurité de vie, le droit de propriété et donc ils devraient être retirés.
En ce qui concerne la Loi de la Fondation de l’Education, exerçant dans un domaine qui prépare les nouvelles générations et l’avenir du pays, il est plus qu’urgent de freiner un mouvement de main mise idéologique sur l’éducation, qui prétend agir dans le sens inverse.
Les mêmes autorités que le Ministère de l’Education nationale
Il n’est pas possible de comprendre la nécessité d’une fondation qui possède les mêmes autorités que le Ministère de l’Education nationale dont les administrateurs seront affectés par le pouvoir politique et qui bénéficiera largement des sources de l’Etat. Tous les domaines concernés par les devoirs et autorités du ministère sont également mis à la portée de la fondation. La création d’une nouvelle organisation avec de telles privilèges, appuyée par des lois est d’autant plus inquiétante , car d’orès et déjà des institutions d’éducation de tous les niveaux scolaires et éducatifs, et de nombreuses associations et fondations religieuses font déjà des efforts afin de former des générations bigotes et haineuses. (Voir notre article précédent “Les écoles imam hatip préparent la Turquie Nouvelle”)
Quelles seront l’autorités de la fondation ?
“Maarif Vakfı”, a donc le droit d’ouvrir, acheter, prendre la gestion des écoles, foyers et installations similaires de tous les niveaux, préscolaire au supérieur, en Turquie et dans d’autres pays, dans lesquels si un école de la fondation existe, d’autres organismes ne pourront pas en ouvrir. Elle peut de produire et améliorer les programmes de l’éducation, créer ? des méthodes d’apprentissage. Elle peut donner des bourses et soutiens aux élèves. Elle peut aussi former les cadres enseignants et conseils.
Motivations inexplicables
Il n’est pas possible d’expliquer avec raison, les motivations qui conduisent à ouvrir une nouvelle institution d’éducation à l’égal du Ministère d’Education existant, donnant à une entité juridique des pouvoirs exceptionnels, et non soumise au contrôle de l’Etat, ni administrativement ni financièrement, mais qui dépend directement du pouvoir politique. Cette autorité aura pouvoir d’ouvrir des organismes scolaires et d’agir dans tous les domaines liés à l’éducation, y compris la formation des enseignants qui seront en fonction dans ces institutions…
Cette fondation, qui utilisera pourtant les autorités et les moyens de l’Etat, sera dirigée par la main du pouvoir, mais par l’intermédiaire d’organismes hors contrôle de l’Etat. Le Conseil d’Administration sera composé de 7 membres permanents affectés par le Conseil des ministres, 5 membres de YÖK (Conseil de l’Education Supérieure). Les administrateurs qui peuvent garder leur place jusqu’à 72 ans, peuvent intervenir sur le statut de la fondation, prendre des décisions sur la qualité et la nature de l’éducation. Ces membres, élisent également les membres du Conseil exécutif, les démettent de leur fonction, et sont autorisés dans tous les domaines, jusqu’à définir les salaires, allocations et indemnités.
Budget ?
Un budget d’1 millions de Livres turques (environ 300 mille €) seront versés à la fondation, depuis le budget de l’Education Nationale. Par ailleurs, les sommes qui seront transférées sur décision de Conseil des ministres, depuis le budget général et des institutions publiques liées, figureront dans les “dons”. Aucune administration étatique, y compris le Ministère des finances, et la Cour des comptes n’auront autorité de contrôle sur l’utilisation des sources financières de la fondation.
Protestations ?
Ainsi, sous le prétexte “d’éradiquer” les “infiltrations de la secte Gülen” au sein de l’appareil d’état, le pouvoir AKP, sans souci de la constitution turque, construit-il ses propres structures éducatives, qui prendraient le pas sur le ministère de l’Education existant. C’est du moins la seule explication plausible qu’on puisse donner de cette nouvelle loi, qui s’articule si bien avec la montée en force d’un système éducatif totalement bigot et idéologisé.
On peut s’étonner du fait que la protestation des politiques qui se disent encore “républicains” soit si faible, alors que ces mesures sont dans la droite ligne d’une concentration des pouvoirs entre les mains du Président et de son parti, jusqu’à prétendre former la conscience et les cerveaux des générations futures. Et on sait pourtant avec quelle idéologie !