Comme atten­du, après la réu­nion du 4 mai avec Erdoğan, le Pre­mier Min­istre turc Ahmet Davu­toğlu a annon­cé sa démis­sion, aujourd’hui 5 mai.

Bien que l’ex Pre­mier Min­istre nie avoir des ten­sions et con­flits avec Erdoğan, dans les semaines écoulées, tout le monde pou­vait s’apercevoir qu’ils tenaient tous les deux une con­ver­sa­tion publique à tra­vers leurs dis­cours respec­tifs, dont cer­tains pro­pos dis­cor­dants étaient audi­bles dans les médias.

Le 29 août 2014, en désig­nant Davu­toğlu comme Pre­mier Min­istre, Erdoğan voy­ait en lui un représen­tant “à ses ordres”. Or, dans les derniers mois, notam­ment lors des négo­ci­a­tions sur les migrants, le petit Pre­mier Min­istre s’est claire­ment rebel­lé et a pris des déci­sions et ini­tia­tives sans aucune con­sul­ta­tion du Sul­tan. Mais était-il vrai­ment un “pan­tin” d’Er­doğan ? Représen­tait-il un sim­ple pion sur l’échiquier poli­tique inter­na­tion­al depuis le début ? Ain­si se serait-il rebel­lé tar­di­ve­ment ? Ou avait-il opté pour une stratégie pro­fil bas bien précise ?

Le 1er mai, un arti­cle saig­nant sur la ten­sion entre Davu­toğlu et Erdoğan, avait été pub­lié sur un blog nom­mé « L’af­faire Péli­can », inspiré vis­i­ble­ment du livre de John Grisham. L’article, qui étudie de près l’ex­er­ci­ce de près de 2 ans de Davu­toğlu dans son rôle de Pre­mier Min­istre, opte pour une stratégie per­son­nelle. Cette pub­li­ca­tion polémique est d’ailleurs rapi­de­ment mon­tée à la tête des tops de Twitter.

En quelques phras­es, l’article explique que lors de sa prise de fonc­tions, Davu­toğlu avait fait une promesse à Erdoğan sur deux points :  le soutenir pour son fameux change­ment de régime prési­den­tiel, et tenir tête à l’Occident.

L’auteur pré­cise que Davu­toğlu est entouré de con­seillers qui ont un cer­tain niveau d’études. D’ailleurs, lui aus­si fait par­tie de cette équipe “d’éru­dits”, con­traire­ment à Erdoğan, enfant de Kasım­paşa1. Et il ajoute : « Le Reis 2 est là. Pas de sérénité. L’Occident n’arrête pas… Il y a Gezi, il y a le par­al­lèle 3. Et puis il y a les thès­es de cor­rup­tion. Ce ne sont pas les thès­es qu’il faut démon­ter mais le Reis. Si le Reis s’en allait et que cette équipe de bon niveau dirigeait le pays, tout serait par­fait. Ils faut donc faire la paix avec tout le monde et sac­ri­fi­er le Reis. Après, on aura un pays comme du kadayıf4. C’est si simple ».

Selon l’auteur, c’est en fonc­tion de cette stratégie que Davu­toğlu aurait défi­ni sa poli­tique inter­na­tionale, indépen­dam­ment d’Erdoğan. L’article détaille tous les pas et déci­sions de Davu­toğlu et les péripéties que le pays a vécu. N’est-ce pas lui qui “bril­la” à Davos ? N’a-t-il pas renâ­cler devant la réforme con­sti­tu­tion­nelle pour la “prési­den­tial­i­sa­tion”, tant atten­due par Erdogan ?

Ahmet Davu­toğlu a répon­du mar­di 3 mai, à cette vague de polémiques sur les ten­sions avec Erdo­gan par un joli petit dis­cours : “Peu importe la dis­corde que cer­tains essaient de semer, peu importe ce que cer­tains écrivent, je ne crains qu’Allah”.

Erdoğan tient à son autorité… c’est bien con­nu. Et comme on dit en turc : « Deux funam­bules ne peu­vent marcher sur une seule corde ». Il prof­it­era donc d’un con­grès excep­tion­nel de son par­ti AKP pour le démettre.

Exit Davu­toğlu “insoumis”. Plusieurs noms de can­di­dats occu­pent déjà l’actualité.

démission Davutoğlu

Binali Yıldırım et Berat Albayrak…

Binali Yıldırım, actuelle­ment min­istre des Trans­ports fai­sait déjà par­ler de lui, même bien avant la démis­sion de Davu­toğlu. Même le prédi­ca­teur phénomène de Twit­ter Fuat Avni avait annon­cé il y a quelques semaines, « un coup d’Etat » d’Erdoğan via Binali. Binali, avec ses 61 ans, est un des fidèles com­pagnons de route de tou­jours d’Erdoğan.

Berat Albayrak, quant à lui, occupe actuelle­ment le siège du min­istre de l’Energie. Il a 38 ans, et en bonus, il n’est autre que le gen­dre du Sul­tan Tayyip.

En tous cas, Erdoğan ne dit plus comme avant : « Prési­dent fort, Pre­mier Min­istre fort ». Le prochain Pre­mier Min­istre turc, va devoir donc emboîter le pas du Prési­dent et dire « amen » à tout ce qu’il veut.

Ce change­ment est inter­prété comme un “coup d’état en douceur”, et si le gen­dre prend la deux­ième posi­tion du pou­voir, on peut même imag­in­er un début de “dynas­tie”.

Dans la sit­u­a­tion poli­tique intérieure turque, il est dif­fi­cile de savoir si Davu­toğlu a été poussé vers la sor­tie, ou si ce jeu de chais­es musi­cales relève d’une volon­té d’ac­com­pa­g­n­er la “mise à mort” poli­tique du HDP au Par­lement par un éventuel retour aux urnes, pré­tex­tant une crise gou­verne­men­tale. Ain­si Erdo­gan aurait un nou­veau gou­verne­ment à sa sol­de, avec si néces­saire des alliés ultra nation­al­istes, afin d’aller vers un par­lement “introu­vable” et finalis­er sa prési­den­tial­i­sa­tion du régime à grands pas.

Dans l’im­mé­di­at, on a droit au film “Le Cal­ife se reb­iffe”, et à une défaite d’Iznogoud.

S’il est bien évi­dent que la voie par­lemen­taire se ferme à l’op­po­si­tion démoc­ra­tique, ces querelles de Palais pour­rait pour­tant pour­rir davan­tage une sit­u­a­tion poli­tique intérieure, plutôt que raf­fer­mir les posi­tions de l’AKP. On a pour­tant là dedans du mal à voir où s’ou­vri­rait un inter­stice pro­vi­soire pour la Paix…


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