Vingt mille mil­i­taires et policiers sont déployés à Yük­seko­va (Gev­er en kurde), com­mune de Hakkari. Il s’ag­it de la plus large mobil­i­sa­tion des forces armées turques jusqu’au­jour­d’hui. Autour de 17h encore, des sol­dats étaient trans­férés par héli­cop­tères pour pren­dre posi­tion sur les hau­teurs, autour de la ville.

Selon Yeni Şafak, le quo­ti­di­en proche d’Erdogan, qui relaie les infor­ma­tions don­nées par les unités de sécurité :


Env­i­ron 2000 ter­ror­istes se trou­vent dans la com­mune, dont 1500 YPS et YDGH* et 400 des unités de mon­tagnes. Ils se trou­vent majori­taire­ment dans les quartiers Orman, Mezarlık et Güngör. 20 milles gen­darmes et policiers des forces spé­ciales* sont affec­tés. Les mil­i­taires vont couper l’aide logis­tique qui viendrait via les Mon­tagnes d’Ikiyaka. Qua­tre drones vont sur­v­ol­er la région 24h/24. L’opération ne restera pas lim­itée à Yük­seko­va, mais s’étendra jusqu’aux fron­tières d’Iran et d’Irak, et sa durée est estimée à 2 mois.

[YPS : Unités de protection civile Groupe locaux d’habitant(e)s armé(e)s.
YDGH : Mouvement de la Jeunesse Révolutionnaire Patriotique (Jeunes armé(e)s pour l’autodéfense des villes et des quartiers.
Gendarmes et policiers des forces spéciales : JÖH-PÖH]

carte-turquie-yuksekovaLa pré­fec­ture a annon­cé à 17h que Yük­seko­va serait placée sous cou­vre-feu à par­tir de 22h ce soir.

Avant le cou­vre feu, une explo­sion a fait 4 blessés dont la cor­re­spon­dante de l’a­gence fémi­nine JINHA, Gül­fi­dan Ata­man, blessée à la main par un rejet de morti­er, hos­pi­tal­isée pour être opérée.

Les réseaux soci­aux bouil­lon­nent entre inquié­tude des Kur­des et défenseurs de paix d’un côté et de l’autre, l’ex­ci­ta­tion des nation­al­istes, les ultra­na­tion­al­istes, et fans de l’armée.

yuksekova militaires

sms nusaybin enseignantsPar ailleurs Nusay­bin, com­mune de Mardin, est égale­ment mise sous cou­vre-feu. La Direc­tion de l’Education Nationale a égale­ment recom­mandé par un sms envoyé aux enseignants de quit­ter la commune.

A Şır­nak, la pop­u­la­tion fait des réserves et quitte la ville par crainte d’un cou­vre-feu à venir.

A Yük­seko­va, une délé­ga­tion de 10 per­son­nes, dont un ancien député du HDP de Hakkari, Esat Canan et des per­son­nes respec­tées de la pop­u­la­tion, se sont entretenues au nom des organ­i­sa­tions de société civile, avec le gou­verneur Ibrahim Çenet pour deman­der l’annulation des opéra­tions afin d’éviter des pertes de vies. 

 


Arti­cle de Nur­cal Baysal, pub­lié le 13 mars 2016 sur T24.
Nur­can Baysal Twit­ter @baysal_nurcan | e‑Mail

A quoi servirait la destruction de Yüksekova, de Şırnak, de Nusaybin, comme Cizre ?

Je par­le avec les gens que je con­nais de Yük­seko­va. Chez de nom­breuses per­son­nes avec lesquelles  je dis­cute, j’ai comme le sen­ti­ment que cette con­ver­sa­tion pour­rait être la dernière.

La déc­la­ra­tion du Min­istre de l’Intérieur, Efkan Ala a encore plus inquiété tout le monde :

Les bar­ri­cades où qu’elles soient, seront net­toyées. A Yük­seko­va, Şır­nak cen­tre et à Nusay­bin’ il y a des fos­sés et des bar­rières, le net­toy­age que cela néces­site sera fait. Nous prévenons nos conci­toyens une demie journée ou une journée avant. Suite à cela les pré­cau­tions sont pris­es. Après les pré­pa­ra­tions les opéra­tions commenceront.”

Il y a donc une forte angoisse que Yük­seko­va soit détru­ite et brûlée comme Cizre.

On dit que plus de 20 mille policiers et mil­i­taires sont déployés à Yük­seko­va. A par­tir de lun­di, la plus grande par­tie du per­son­nel enseignant et médi­cal sera con­sid­érée en con­gé admin­is­tratif. Dans tous les coins de la ville les blind­és sont posi­tion­nés. Les dix écoles qui se trou­vent sur la route Ipeky­olu, ont été évac­uées et allouées aux policiers et mil­i­taires. Partout, des bar­ri­cades et points de con­trôle mil­i­taires sont instal­lés. Une par­tie des habi­tants de Yük­seko­va ont quit­té la ville. Ceux qui sont restés essayent de stock­er des vivres chez eux.

Nihat Akdoğan, député HDP, en appelle à l’opinion publique, a juste titre, de cette façon :

Demain, ne venez pas vis­iter Yük­seko­va comme des touristes. Empêchez cela. Appelez des deux côtés. Ces villes se font détru­ire, et après, voilà où nous en sommes arrivés. Ce n’est pas possible.”

Les habi­tants de Yük­seko­va atten­dent un mas­sacre comme celui de Cizre.

Ne touche pas à ma maison

Necip Çapraz [jour­nal­iste] de Yük­seko­va Haber [Infos] avec lequel j’ai par­lé très tard dans la nuit, dit :

Si on veut aller à Yük­seko­va, il faut y aller le plus tôt pos­si­ble. Après ce ne sera pas pos­si­ble d’y accéder. L’histoire des fos­sés à Yük­seko­va, n’est pas nou­velle, ils exis­tent depuis plus d’un an. Ce n’est pas une chose juste de détru­ire Yük­seko­va et de vers­er du sang. L’Etat dit, je vais écrouler votre mai­son, après je vais la recon­stru­ire. Moi je dis : Ne touche pas à ma maison !”

Une pho­to de Yük­seko­va cir­cule sur les réseaux soci­aux. La Pré­fec­ture fait sac­ri­fi­er des ani­maux pour les forces spé­ciales et des dizaines de blind­és qui par­tent à Yük­seko­va. L’Etat, vis­i­ble­ment, se croit dans une guerre de « con­quête » du temps de l’Empire Ottoman. Il va « con­quérir » Yük­seko­va. Nous sommes réelle­ment devant un pou­voir, un Etat d’une men­tal­ité sur laque­lle il n’est plus néces­saire de faire des com­men­taires. Nous avons en face de nous, un Etat qui fait des “sac­ri­fices” avant de se pré­par­er à détru­ire et brûler une ville, Yük­seko­va. Nous avons en face de nous, une men­tal­ité qui a per­du toute logique et qui tue des gens avec des cris d’« Allahu akbar ».

Nous avons en face de nous, un Etat qui ne recon­nait plus aucun Droit, ni même le Droit de la guerre, un Etat qui pié­tine la dig­nité humaine.

Il faudrait deman­der égale­ment au PKK, quel est le sens de son insis­tance pour une guerre à Yük­seko­va, à Şır­nak, à Nusay­bin, alors que nous avons en face de nous, un Etat “enragé”.

A quoi cela sert-il, à qui, la destruc­tion de Yük­seko­va, Şır­nak, Nusay­bin, le mas­sacre de tant de Kur­des, la trans­for­ma­tion de Yük­seko­va, Şır­nak, Nusay­bin en Cizre ?

Nur­can Baysal


Erdo­gan et son régime ne dévelop­pent même pas le cen­tième de cette énergie, de cet arme­ment, de ces blind­és, pour com­bat­tre Daech.
Un régime qui a reçu un chèque en blanc de la part des chefs d’E­tats européens, qui reçoit le sou­tien logis­tique de l’Otan, va con­tin­uer ses mas­sacres sans que per­son­ne ne lève le petit doigt.

Nous pou­vons imag­in­er, dans un an ou deux, les ater­moiements, comme ceux qu’on a enten­dus pour la Syrie et pour la Libye. Nous con­nais­sons déjà les silen­cieux d’au­jour­d’hui, qui, pour de som­bres raisons politi­ci­ennes, se répan­dront sur les plateaux de médias pour vilipen­der la poli­tique extérieure européenne, ou celle d’un gou­verne­ment en par­ti­c­uli­er. Aujour­d’hui, ils sont aux abon­nés absents, telle­ment préoc­cupés par leurs tra­cas intérieurs ou les « cam­pagnes élec­torales » qui s’annoncent.

Les Kur­des peu­vent mourir.

Mais s’il sem­ble impos­si­ble d’en­ray­er cette spi­rale de guerre, tant les « raisons » s’ac­cu­mu­lent, les freins dis­parais­sent, on peut se deman­der, comme le font ces « jour­nal­istes » sur place, qu’on ne peut soupçon­ner de trahir la cause kurde, pourquoi elle se mène dans ces conditions.

Qu’ap­porteront des villes mar­tyres détru­ites supplémentaires ?

On le sait côté Erdo­gan. Son mes­sage de « fer­meté » sur la pro­tec­tion de la nation turque, sur l’u­nité nationale, est le meilleur fer­ment de divi­sion qu’il ait trou­vé. Et d’ailleurs, c’est un grand clas­sique qui se répand en Europe. C’est aus­si du grain à moudre pour les ultra nation­al­istes et l’E­tat major, qui s’en­nuyaient durant la péri­ode de négo­ci­a­tions, tant la tor­ture, l’ivresse géno­cidaire, leur man­quait. Haa les belles années 1990 ! Et il y a plus d’un kémal­iste bon teint qui approuve.

Pour le mou­ve­ment d’op­po­si­tion kurde, on peut légitime­ment, comme cet arti­cle et d’autres le font, s’in­ter­roger. Et l’on sait que cette inter­ro­ga­tion tra­verse le HDP.
Quelle est donc cet entre guerre, qui crée des mar­tyrs, rad­i­calise des pop­u­la­tions, sac­ri­fie des com­bat­tants, détru­it les lieux de vie et per­met à l’E­tat AKP de se glo­ri­fi­er de vic­toires con­tre les « ter­ror­istes » ? Il n’est plus une auto défense, et n’est pas encore une guerre, et pour­tant apporte souf­frances, tor­tures, vio­ls, crimes de guerre, et destruc­tions totales.

Il n’y aura pas de « goutte » qui fera débor­der le vase à l’in­ter­na­tion­al. Il n’y aura aucun frein qui résis­tera en Turquie. La stratégie de « mar­tyrs » est incompréhensible.

La guerre peut être le « feu du Newroz »…


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