Du 5 au 12 mars 2016

L’instruction sur le tabour est ter­minée sem­ble-t-il. Excep­tées les gardes, il n’y a pas d’activités pré­cis­es et cha­cun vaque à ses occu­pa­tions. Les volon­taires étrangers (nous sommes six dans ce tabour) ont prof­ité de ce temps de pause pour régler leur arme, faire du sport, etc.

Le 8 mars était la journée de la femme, qui a une nota­tion toute par­ti­c­ulière ici. Nous nous sommes ren­dus à un autre avant-poste du côté de Serekanye pour assis­ter à un rassem­ble­ment des YPG et YPJ, ain­si que de quelques per­son­nal­ités locales du par­ti. Dis­cours sur les droits de la femme, pièces de théâtre satirique, chants et dans­es au menu. La cul­ture kurde a été sauvée de l’anéantissement grâce à la chan­son, puisque dans les qua­tre pays (Irak, Iran, Syrie, Turquie) où ils sont étab­lis, le kurde n’existe pas et est pro­scrit jusque dernière­ment très féro­ce­ment. Nous sommes aujourd’hui encore avec des gens (40 mil­lions) qui n’existent pas, sans nation et langue officielle.

rojava medical frontLors des derniers tek­mill, nous (les volon­taires étrangers) avons insisté sur la for­ma­tion et la dis­ci­pline. Depuis qua­tre jours, on sent du change­ment dans l’air. A l’issue du réveil, il y un appel de l’ensemble du tabour et ensuite séance de sport pour tout le monde. J’ai entamé de mon côté la for­ma­tion des sec­ouristes (je reviendrai sur un post adéquat à ce sujet) et j’ai com­mencé à pra­ti­quer des soins.

Comme déjà dit, nous sommes au front où le dan­ger est omniprésent, bien réel mais où il n’y a pas de notre côté, de con­fronta­tion directe avec DAECH. Nous devri­ons dans les tous prochains jours être rem­placés au camp par un autre tabour et aller au contact.

Nous avons changé de com­man­dant de tabour et avons main­tenant un com­man­dant spé­ci­fique du front.

Pour ter­min­er, un pre­mier post sur ces cadres du par­ti, qui sera suivi par la suite d’un deux­ième vous don­nant les grands noms de ces hommes et femmes aban­don­nant tout pour la cause.

C’est same­di, bon week end à toutes et à tous.

tabour-rojava front

Les cadres 1ere partie

Aujourd’hui nous allons vous par­ler des cadres dans les dif­férents par­tis kurde.

Les cadres dit cadros sont les per­son­nes qui déci­dent de con­sacr­er leur vie au par­ti qu’ils rejoignent. C’est une grande dif­férence avec les sym­pa­thisants que nous sommes, car les règles de ser­vice ne sont pas les mêmes. Les cadres prê­tent ser­ment de servir le par­ti et la cause kurde jusqu’à la libéra­tion du Kur­dis­tan et tant qu’Ocalan n’est pas libre.

Les cadres aban­don­nent toute vie privée et famil­iale. Ils ne pos­sè­dent rien et sont à l’entière dis­po­si­tion du par­ti qui les prend en charge. Ils représen­tent l’exemple pour le reste de la pop­u­la­tion et l’extérieur. Pour cela les règles de vie sont strictes (pas d’alcool, pas de drogue, for­ma­tions idéologiques, etc). La for­ma­tion des cadres ne s’arrête jamais et elle englobe l’ensemble des struc­tures mil­i­taires, économiques, poli­tiques et sociales du mou­ve­ment. Le moteur de ses per­son­nes est « per­w­erde, per­w­erde » (for­ma­tion con­tin­ue tout le temps).

tabour rojava fete frontCon­traire­ment aux sym­pa­thisants, les cadres ont accès aux for­ma­tions les plus poussées du sys­tème, que ce soit dans l’académie mil­i­taire et poli­tique. Ils se retrou­vent assez rapi­de­ment à des postes de respon­s­abil­ité que ce soit dans les tabours ou autres. Ceci peut par­fois pos­er cer­tains prob­lèmes puisque nous avons vu cer­tains de ces cadres très jeunes, peu expéri­men­tés et imma­tures d’une cer­taine façon, vouloir don­ner des ordres à des sym­pa­thisants chevron­nés venus de l’extérieur et maîtrisant par­faite­ment leurs tech­niques ou profession.

Les cadres sont mul­ti cartes et ne restent pas à une fonc­tion pré­cise. Durant tout leur cur­sus, ils vont chang­er de postes et de fonc­tions. Ils n’est pas rare de voir des femmes cadres ayant par­ticipé à des com­bats, se retrou­ver pour un temps à l’organisation de la réou­ver­ture des écoles par exem­ple, pour ensuite effectuer une autre mis­sion sociale ou économique.

« Partî zani » (le par­ti sait) est une idéolo­gie typ­ique de ces cadres qui sont voués corps et âmes à leur cause par­ti­sane et de ce fait n’ont aucune pro­jec­tion d’avenir per­son­nel lais­sant le soin au sys­tème de décider pour eux. Ceci étant, le Par­ti leur demande tou­jours ce qu’ils veu­lent faire (ce qui est dif­férent d’une dic­tature) mais c’est lui, qui en dernier ressort, stat­ue et décide de l’avenir de cha­cun. D’une façon générale il abonde dans le sens de la demande de chaque individu.

Dans le cas où un cadre décide d’abandonner cette voie, il est libre de le faire. Il lui fau­dra cepen­dant rédi­ger une aut­o­cri­tique sur ses motifs et aspi­ra­tions de départ du par­ti. Les caus­es peu­vent être mul­ti­ples ce qui lais­sent une cer­taine voie de lib­erté déci­sion­nelle individuelle.

N’ayant aucune pro­priété, ni argent, ni bien, le cadre qui ne peut plus exercer de respon­s­abil­ités con­crètes sur le ter­rain, compte tenu de son âge ou d’une infir­mité par exem­ple, con­tin­ue à être pris en charge par le par­ti par le biais de maisons de repos col­lec­tives, et con­tin­u­ent ain­si à être act­if en ayant des fonc­tions à la mesure de leur pos­si­bil­ité (écri­t­ure de chan­sons, tra­duc­tions de textes, par exemple).

C.C.


rojava-garde frontIl y a quelques jours des vil­la­geois ont voulu forcer notre bar­rage pour aller au gund (vil­lage en kurde) qui se trou­ve der­rière notre check­point. Il nous aura fal­lu plusieurs heures de dis­cus­sion et une rafale de kalash­nikov (tirée en l’air) pour les en dis­suad­er. Le vil­lage est miné et pour des raisons tac­tiques on ne peut pas laiss­er des pop­u­la­tions s’in­staller entre les lignes du front, on ris­querait de tir­er sur des civils. On leur a promis de leur ouvrir un pas­sage dans quelques jours. Il faut d’abord que des unités du génie démi­nent. Les vil­la­geois sont revenus en nom­bre. Nous leurs avons ouvert le pas­sage jusqu’a la tombée de la nuit. Inter­dic­tion de se réin­staller dans les maisons vides seule­ment récupér­er du matériel et repar­tir. Cette sit­u­a­tion nous met dans un rôle com­plexe et déli­cat. Puisque l’on empeche poten­tielle­ment des civils de ren­tr­er chez eux. Et mal­gré la guerre qui tout autour de nous laisse des traces bien vis­i­bles, il est dif­fi­cile pour nous de ne pas se sen­tir comme des envahisseurs. Les YPG et YPJ sont beau­coup con­fron­tés a ce genre de sit­u­a­tion. Et il est clair qu’une atti­tude injuste ou inadéquate ne ferait que jeter ces gens dans les bras de Daech. D’où l’im­por­tance du rôle pri­mor­dial des asayis qui sont recrutés au sein des pop­u­la­tions locales et suiv­ent aus­si des for­ma­tions idéologiques. 

Notre quo­ti­di­en tourne autour des repas et des heures de gardes. Les rumeurs cir­cu­lent et nous promet­tent un départ proche pour une opération.

D.I.


Hors quelques reportages, il n’est pas simple de se faire une idée du quotidien d’unE combattantE des YPG-YPJ au Rojava. Lorsqu’il s’agit de volontaires étrangers, ces reportages prennent parfois des tournures incongrues, dérivant vers la fascination des armes.
Par ailleurs, il est bien évident que des informations d’ordre purement militaires ne peuvent faire l’objet de publications tous azimuths. Là, des « volontaires internationalistes » nous ont proposé de diffuser leurs notes personnelles prises au jour le jour, pour relayer leur propre carnet de bord. Nous avons accepté, tout en sachant qu’il nous était impossible de vérifier ces informations. Nous vous livrerons donc de façon brute « une chronique de guerre au Rojava ». Kedistan se fera donc un simple vecteur de publication de ces notes, respectant la subjectivité et le style de leurs auteurs.
Voir chroniques précédents ici : Chroniques du front

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