Cerattepe continue à en voir de toutes les couleurs. La population d’Artvin, résiste contre un projet d’extraction minière et elle est décidée à ne pas céder.
Si vous aviez raté les articles précédents les voici :
Cerattepe ne se rendra pas face au profit,
Cerattepe occupé par l’armée pour le profit !
Passons donc en revue le déroulé de ces quelques derniers jours :
Samedi 20 février
» Près de mille soutiens venant de divers endroits, se font bloquer à l’entrée d’Artvin. La Préfecture interdit les entrées et les sorties de la ville. Et la police intervient sur un groupe qui forçait le passage.
Un joli petit moment tweeté : les jeunes de Hopa, venus à Artvin en soutien, ont mis la main sur le stock de grenades lacrymos de la police et les ont débarrassés vite fait.
direnişten güzel haberler var.. hopalı gençler polisin biber gazı stoğunu uçurumdan aşağı atmış #ArtvinDireniyor pic.twitter.com/pGDOcOJhni
— metin cihan (@metcihan) 20 Février 2016
» La Direction des Forêts d’Artvin porte plainte contre l’entreprise Eti Bakır filiale du Cengiz Holding, appartenant à Mehmet Cengiz, pour abattage d’arbres sans autorisation.
» Pendant ce temps là, le Premier Ministre turc, Davutoglu s’adresse aux opposants du projet : « Je fais appel aux organisations de société civile qui réfléchissent sur la base d’anarchie » en soulignant que « la technologie, grâce au progrès, peut maintenant sortir le métal qui est dans la terre pour le travailler, sans faire des dégâts à la nature ». Heureusement il est là pour expliquer… Les opposants sont rassurés.
« Nous sommes prêts à discuter avec les acteurs locaux. Il y a beaucoup de distance parcourue par rapport à la première mouture du projet. Après les rapports de CED [étude d’impacts sur la nature], il y a eu des changements. »
« Les impacts sont minimisés même totalement supprimés. Nous ne laissons pas faire ceux qui se disent ‘nous avons trouvé dans cet endroit une sensibilité, nous y allons faire des provocations, critiquons le gouvernement’. Nous prendrons les précautions nécessaires contre les provocateurs. »
» Le même jour les médias alliés crient à la provocation et inventent un cocktail explosif improbable en déclarant que les groupes de manifestants contre le projet sont constitués des membres du HDP, CHP, PKK, les résistants de Gezi et les ouailles de Fetullah Gülen, [imam, ex allié, nouvel ennemi d’Erdogan].
Dimanche 21 février
» 2000 personnes se rassemblent dans la matinée, à l’appel de l’association Yeşil Artvin. La foule veut monter à Cerattepe. On entends divers slogans dont “Cengiz prend tes jambes au cou, les femmes arrivent ! “.
Peu après le départ de la marche, la police bloque la route avec des blindés et canons à eau.
Nur Neşe Karahan présidente de l’association Yeşil Artvin tente de négocier avec la police pour qu’au moins seules les femmes puissent accéder à Cerattepe : “Nous voulons voir ce qui se passe de nos propres yeux. Nous savons qu’on nous ment. Nous voulons monter à Cerattepe avec les véhicules de la police. Elle est capable d’entasser autant de police ici et pas cap de monter une poignée de femmes en haut ? Alors nous avons des jambes, nous sommes des montagnardes, nous monterons à pied…”
Sans succès.
» Pendant l’attente, le document de la Direction des Forêts d’Artvin qui notifie les “abattages d’arbres sans autorisation” est copié et distribué aux participants.
» Autour de 13h30 la police demande aux manifestants de se disperser. Mais les femmes positionnées devant avancent. La police répond par coups, gaz et eau.
Résultat 26 blessés.
Toujours le même jour, le ministre des Eaux et Forêts Veysel Eroğlu déclare à son tour « Dans cette forêt, ce sont les activistes qui ont coupé les arbres en premier. Pour barricader les routes. Il parait même qu’il les ont brûlés. Nous allons donner la punition nécessaire. » [il veut dire qu’il y aura des suites]
» Par ailleurs membre de l’association Yeşil Artvin, l’avocat Bedrettin Kalın, annonce qu’une plainte sera portée contre la gendarmerie et la Direction de la Police d’Artvin, en précisant que les démarches de justices concernant la mise en place de la mine à Cerattepe, sont toujours en cours et que la Justice n’a pas encore rendu sa décision, par conséquent la décision d’arrêt des travaux est toujours en vigueur. Il souligne que le fait que le Préfet d’Artvin mette les forces de sécurité au service du profit et des entreprises privées est totalement illégal et constitue un délit d’abus de fonctions. Les responsables de la police et de la gendarmerie sont également concernés pour avoir exécuté des ordres donnés illégalement.
Quant à un papy du coin, en montrant les capsules de grenades de lacrymogène, il pose la question : “Pourquoi l’Etat fait ça ?”
Photo : Cansu Alkaya
» Le gouvernement peste, les médias alliés répètent… « Ils ont inventé Cerattepe maintenant ! » « Ils vont faire de Cerattepe un deuxième Gezi ! », disent ils, et se plaignent : « Il font de la politique ! ».
Bah oui… La protection de la nature EST un sujet politique. Les décisions prises SONT politiques car basées sur des stratégies et visions politiques. Y aurait-il comme une erreur de perception concernant le mot « politique » ? Pour les dirigeants, la « politique » ne serait donc qu’une guerre qui ne concerne que le pouvoir ? Une lutte quotidienne et sur le dos de tout ce qui passe, entre ceux qui veulent « protéger » le pouvoir existant contre ceux qui veulent l’affaiblir.
De plus, l’histoire d’extraction de métal à Cerattepe ne date pas d’hier. Cela fait près de 25 ans que ses forêts sont courtisées.
Allez terminons avec un joli bonus :
Une chanson composée dans l’art du coin, chantée avec l’adorable accent des laz…
Elle fait des ravages et en énerve beaucoup certains…
“La verdure d’Artvin vaut le Monde.
Celui qui fait ces choses est fils de mécréant Cengiz.
Ah Cengiz, ne touche pas à mon Artvin.
Cerattepe est à nous.
Fais pas chier avec ta mine !”
https://youtu.be/hZ8jKuPRfUI