“C’est les vacances, et justement j’avais pensé à la Turquie. Je ne connais pas”…
La phrase qui tue à Kedistan. Surtout quand la suite est “vous qui connaissez bien, c’est sûr, en ce moment ?” “je vais aller lire, pour me faire une idée”…
Là, on a juste envie de conseiller la Creuse…
C’est sûr qu’autour de 300 euros la semaine, voyage compris, prendre ses cliques et ses claques en ce moment en pensant rejoindre le soleil des catalogues, c’est tentant, pour un employé de l’Education Nationale en zone prioritaire.
Comment expliquer à quelqu’un qui n’a même pas perçu de changement avec l’Etat d’Urgence, qui a porté du tricolore pourtant durant trois jours, et tremblé depuis deux mois devant BFM télé, que la Turquie “est en guerre” ? Enfin… contre une partie de sa population à l’Est…
“La France aussi…” Là tu hésites entre un retour sur le Traité de Sèvres, face à ce prof d’histoire géo de gôche, ou un rappel sur la continentalité de la Turquie, histoire de masquer le soleil d’hiver pour qu’on en parle plus.
Mais non, l’autre insiste, et ton café refroidit. Fallait pas parler de Turquie et de Kedistan avec des amis quand à la table d’à côté traînait de grandes oreilles d’enseignant voyageur.
“Leur Président n’a pas l’air drôle, mais on dit toujours que les Turcs sont gentils”. Tu attends la suite avec impatience… “Je connais un Turc, il tient un.…” et là tu as même la sauce blanche qui dégouline.
Tu abrèges un peu la partie culinaire, et tu poursuis avec le dernier attentat à Istanbul, histoire de revenir à la Creuse… Et là, surprise, le prof te sort un truc dans le genre “Il n’empêche que si leur Président n’avait pas accepté de s’occuper des réfugiés syriens, on ne saurait pas où les mettre…”
Il a lu le Figaro le bonhomme, où il a encore une carte du Parti Socialiste. Par les temps qui courent, ça revient au même.
Tu te souviens qu’il y a un appel à manifestation ce 6 février prochain et que pour celui là, il faudrait sa semaine de vacances pour lui expliquer pourquoi, sans même être sûr qu’il y viendra.
Et tu te dis qu’ils sont des millions de Charlie autour de toi à avoir oublié de prendre de temps en temps leur tête entre leurs propres mains, plutôt que de la confier à TF1.
Et tu lâches un “S’il y a des promos, profitez-en !” en espérant qu’il se les gèle à Istanbul la semaine prochaine.
Vous l’aurez compris, c’est une façon de dire que parfois on peut douter aussi à Kedistan, de l’efficacité du travail d’information, de la hauteur du mur à franchir.
Les liens contenus dans ce billet auraient pourtant pu éviter la question qui tue non ?
Et n’oubliez pas de lire le dernier numéro de CQFD et le “dossier Turquie”. Vous verrez bien ensuite s’il vous faut un autre billet.