La grève générale lancée pour les 12 et 13 octobre, a trouvé écho dans tout le pays. Dans les villes comme, Istanbul, Ankara, Diyarbakır, Eskişehir, Mersin, Tarsus, Adana, Antakya, Bursa, Aydın, Nazilli, Samsun, Isparta, Erzurum… où des rassemblements et manifestations sont organisées, une minute de silence simultanée était prévue pour 10h04, l’heure de l’explosion à Ankara. Dans les villes où des funérailles avaient été prévues pour ces deux jours, les manifestants participent aux cérémonies.
Les 4 organisations, DİSK [la principale centrale syndicale du pays], KESK [Syndicat des fonctionnaires et secteur public], TMMOB [Union des architectes et ingénieurs] TTB [Union des médecins] appelantes étaient également celles initiatrices du rassemblement « pour la paix, la démocratie et l’emploi » du 10 octobre à Ankara, lors duquel l’ attentat à double bombes a fait à ce jour 148 morts (selon les derniers chiffres qui paraissent ici et là) et près de 400 blessés.
.
#HayatıDurduruyoruz
(Nous arrêtons la vie)
Nous sommes tristes, en colère, en deuil et révoltés.
Nous sommes décidés à nous battre pour le Travail, pour la Paix, pour la Démocratie !
Nous répondons aux assassins, tous ensemble, nous “arrêtons la vie” les 12 et 13 octobre. Nous vivons notre deuil, en arrêtant la production, en n’entrant pas dans les classes, en descendant les rideaux des commerces.
A 10h04, là où nous sommes, nous nous mettrons debout pour la mémoire [des victimes de l’attentat d’Ankara]. Nous mettons des drapeaux noirs chez nous, dans nos lieux de travail, sur nos voitures, et nous porterons des rubans noirs sur nos cols.
On voyait un peu partout des bannières : « Nous connaissons les meurtriers »
et on entendait « Erdogan assassin », « Gouvernement démission », « Non à la guerre, La paix, maintenant, tout de suite ».
Istanbul
Plusieurs rassemblements ont été organisés devant les universités, hôpitaux et dans le quartier de la presse à Cağaloğlu. Les prises de paroles lors des rassemblements d’hommage aux victimes d’attentat d’Ankara, sont à la fois émouvantes et pleines de colère, un peu comme partout.
Par exemple à l’hôpital public d’Okmeydanı :
Nous sommes tristes, en colère, en deuil et révoltés.
Depuis deux jours notre coeur brûle. Nous sommes tristes, en colère, nous sommes en deuil et nous nous révoltons. Ceux qui nous envoient leur police avec des gaz pendant que nous essayons de sauver nos vies, nous disent en souriant « il n’y a pas eu de faiblesses de sécurité ». [allusion aux images du ministre de l’intérieur et de justice qui ont scandalisé l’opinion publique. En effet le soir de l’attentat, les ministres en répondant les questions des journalistes concernant les failles de sécurité, et leur éventuelle démission, se marraient devant les caméras…]Nous connaissons les meurtriers. Ces assassins, ces amateurs de dictature sont ceux qui transforment le pays en une mer de sang, et chassent des voix électorales sur le dos des morts…
Cette prise de parole au sein de l’hôpital pointait également l’annonce du Ministre de santé dans les heures qui ont suivi l’attentat « il n’y a pas besoin de don de sang » alors que les équipes médicales elles avaient un urgent besoin de sang. Ne surtout pas aider la solidarité, voilà qu’elle était la politique du gouvernement. Le corps médical en grève a “hurlé” leur demande d’avoir un ministre «“qui réfléchit, et qui pense aux patients et aux travailleurs médicaux”.
Les patients se trouvant dans l’hôpital on également participé au rassemblent avec leurs applaudissements et leur expressions de soutien.
Quant aux juristes, ils étaient très nombreux devant le Palais de Justice à Çağlayan. Les avocats ont visité tous les étages du palais en scandant des slogans et se sont rassemblés dans le hall.
A Galatasaray il y a eu un sit in à 18h30et une marche.
Une manifestation appelée par le CHP a abouti sur le port de Kadıköy est s’est élargie.
Les membres du BIKG ‚“L’initiative de Femmes pour la Paix”, qui groupe 130 organisations de femmes étaient également présentes et distribuaient des rubans.
Diyarbakır
Une dizaine de milliers de manifestants s’étaient mobilisés. Le cortège est arrivé sur la place de Dağkapı sans incident.
Le porte parole de KESK a déclaré :
Nous sommes tristes, en colère, en deuil et révoltés.
Que personne ne nous dise que les responsables de ce massacre sont des inconnus. Nous connaissons les assassins.
Il a précisé que les bombes qui ont explosé à Adana le 18 mars, à Diyarbakir le 5 juin, et le 20 juillet à Suruç viennent de la même série.
Nous nous adressons à ceux qui ont entaché de sang notre meeting pour le travail, la paix et la démocratie : Malgré toute votre cruauté, votre violence et vos massacres, nous ne cesserons jamais de défendre la paix, et le vivre ensemble dans un pays de liberté, d’égalité et de démocratie.
Juste après la prise de parole, et le sit in qui a suivi, suite à des protestations des opérations policières effectués dans le quartier de Sur, des slogans scandés « Non aux massacres au Sur ! », la police a commencé à charger en utilisant du gaz lacrymogène. Les canons à eau et les blindés arrivant sur place, une partie des manifestants se sont réfugiés dans les rues adjacentes. La police a continué à lancer des grenades lacrymo et tirer des balles en caoutchouc sur ceux qui sont restés sur la place.
Une partie des manifestants se sont réfugiés dans un hôpital privé sur la place Dağ Kapı. La police à la poursuite des manifestants, ayant lancé des grenades lacrymogène non loin de l’hôpital, les conséquences ont été fortes, dans plusieurs services surtout dans les urgences et les polycliniques.
On compte quelques blessés plutôt légers, et quelques arrestations dont un journaliste qui a fini par être libéré.
Izmir
La grève est largement suivie à Izmir. Les hôpitaux n’acceptent que les urgences, les enseignants sont absents de leurs classes, et les bus de la ville ont réduit leur service au minimum. Une marche entre Basane et Gündoğdu, de milliers de manifestants, syndicats, organisations de société civile, partis politiques, un certain nombre de députés et maires…
Eskişehir
Une manifestation d’environ 500 personnes. Une minute de silence juste à l’heure de l’explosion d’Ankara. Le responsable du KESK prend parole :
Nous sommes tristes, en colère, en deuil et révoltés.
Nous connaisons les responsables de l’attentat d’Ankara. Ces responsables sont ceux qui se sont assis après les élections du 7 juin, sur leur ambition d’avoir 400 députés [majorité parlementaire], et ceux qui envoient des armes et des soutiens logistiques aux assassins. Nous n’oublierons jamais nos amis qui ont donné leur vie pour la paix, ni ce que vous tous, vous faites.
Chaque initiative brassant du monde étant un cible à risque, pour un nouvel attentat éventuel, tous ces rassemblements ne se font pas sans crainte. Les organisateurs ne faisant plus confiance à la police, s’occupent des mesures de sécurité eux mêmes. Des annonces sont faites régulièrement pour inviter les participants à rester groupés, être vigilants et ne pas accepter les personnes qu’ils ne connaissent pas dans leur groupe.
Ce ne sont là que quelques exemples du retentissement que peut avoir cet appel de syndicats et corporations dans les régions de Turquie. Nous insistons encore pour rappeler que ce sont les mêmes, qui avaient appelé au rassemblement d’Ankara, et que cesser de dire “pro kurde” serait un minimum ici. Car c’est là reprendre en permanence ce que les médias répètent, quand ce n’est pas le gouvernement : kurdes = terroristes. Ces appels, cette mobilisation, dont la composante kurde est très présente certes, sont ceux d’un mouvement populaire qui peut porter un coup d’arrêt dans le futur aux massacres et à la guerre. Toute la gauche turque est visée. Ce sont eux qui peuvent faire basculer vers la paix d’autres franges de la population turque, parce comme elles, saisies d’horreur face au massacre, et désignant les commanditaires, sinon les coupables, elles veulent trouver une paix “unitaire”.
Les élections sont maintenues au 1er novembre. Nous ne savons pas ce qu’Erdogan sera capable de faire du résultat, qui s’annonce compliqué pour lui. Ce que nous savons par contre, c’est qu’une population à nos portes a besoin de soutien dans sa lutte, de popularisation de sa mobilisation démocratique, de vigilance contre la répression féroce qu’elle rencontre.
On s’attendrait à ce que les premières réactions d’hommage aux victimes d’Ankara deviennent une vraie dénonciation des soutiens à Erdogan qu’on connaît bien ici, et une reconnaissance d’un mouvement social en Turquie qui pourrait donner bien des leçons à la gauche molle.
Les condoléances de Hollande à Erdogan, sont des condoléances présentées à un bourreau, et une injure aux victimes.
D’autres photos >ICI