Cher amis de Kedis­tan, il était temps de vous par­ler de Light in Baby­lone, lumière de l’Avenue Istik­lal qui donne sur la place Taksim.

Ici, en dehors des touristes venus du monde entier pour décou­vrir la Turquie, ses restau­rants et mag­a­sins, ses cen­tres névral­giques du cap­i­tal­isme stam­bouliote, on trou­ve de nom­breux musi­ciens qui appor­tent, au milieu de cette foule agitée, comme un souf­fle venu d’un autre monde. Des attroupe­ments se for­ment autours d’eux, à tel point qu’il est par­fois même dif­fi­cile de les apercevoir.

Par­mi ces musi­ciens, Light in Baby­lone, groupe de trois à cinq per­son­nes, selon les moments, dont la mag­nifique chanteuse Michal, se remar­que pour­tant de loin. Il y a 5 ans déjà, on les voy­ait dans cette rue, et on les y voit encore. Sauf qu’aujourd’hui, beau­coup de choses ont changé pour eux. Ils sont à présent incroy­able­ment con­nus sur les réseaux soci­aux, font des tournées à l’étranger, mais con­tin­u­ent tout de même à jouer dans la rue pour garder un con­tact direct avec le pub­lic, voir ses réac­tions, et partager leurs émotions.

Light in Baby­lone font tout eux mêmes. Ils n’ont jamais accep­té de tra­vailler avec un man­ag­er parce qu’ils tien­nent à préserv­er leurs cœurs et leur musique de l’univers hyp­ocrite du show busi­ness. Vous les con­nais­sez cer­taine­ment, vous les avez prob­a­ble­ment vus un jour sur les réseaux soci­aux, et si ce n’est pas le cas, l’heure est venue ! Michal, la chanteuse du groupe, nous a accordé une longue inter­view afin de nous faire décou­vrir leur parcours.

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Aurélie : Com­ment est né Light in Babylone ? 

Michal : Nous sommes arrivé à Istan­bul, moi et Julien, il y a env­i­ron 4 ou 5 ans pour mon­ter un pro­jet musi­cal. Nous cher­chions un musi­cien qui puisse se join­dre à nous. Il existe une impor­tante scène musi­cale à Istan­bul, en par­ti­c­uli­er dans le domaine de la musique mixte ori­en­tale. Nous avons trou­vé pleins de musi­ciens mais pas beau­coup avec qui nous avons sen­ti une con­nex­ion. Nous avons trou­vé, sur l’Avenue Istik­lal, un musi­cien qui jouait seul du san­tour, un instru­ment que nous aimons beaucoup.

Ce musi­cien, Mete, ne par­lait pas anglais et nous ne par­lions pas turc. Nous avons pour­tant immé­di­ate­ment eu une con­nex­ion musi­cale et nous avons com­mencé à jouer ensem­ble tous les jours, à écrire de plus en plus de morceaux. Nous avons eu un excel­lent retour de la part des pas­sants. Les gens nous dis­aient qu’ils voulaient notre CD, qu’ils voulaient pou­voir nous écouter chez eux.

Nous avons donc enreg­istré, par nos pro­pres moyens, un pre­mier album. Des patrons de bars qui nous avaient vu jouer dans la rue nous ont pro­posé de jouer dans leurs étab­lisse­ments. Avec les réseaux soci­aux, nous avons com­mencé à avoir une audi­ence importante.

Cette pre­mière année nous avons aus­si été invité à jouer dans un fes­ti­val de world musique en Hon­grie. Tout allait très vite. Nous avons donc décidé de nous agrandir et nous avons trou­vé deux nou­veaux musi­ciens, un bassiste et un per­cus­sion­niste. Nous avons économisé et enreg­istré avec eux notre pre­mier album dans un stu­dio, son nom est Istan­bul. C’était mar­rant car nous ne sommes restés seule­ment que deux heures dans le stu­dio. Nous arrivés, avons joué cha­cun de nos morceaux une fois, et nous sommes par­tis, c’est tout ! Et puis nous avons con­tin­ué à grandir, nous avons com­posé de nou­veaux morceaux ensemble.

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Aurélie : Vous êtes un groupe indépen­dant n’est-pas ?

Michal : Oui, nous sommes indépen­dants. Nous vivons seule­ment de la musique, et faire de la musique de manière pro­fes­sion­nelle c’est un tra­vail à cent pour cent. Et nous faisons tout nous même. Nous nous occupons de trou­ver des stu­dios pour les enreg­istrements, de trou­ver des salles de con­certs qui acceptent de nous pro­gram­mer et d’organiser des tournées à l’étranger, en Europe, en Asie, en Turquie… Nous avons à présent un agen­da très chargé !

Beau­coup de man­agers nous ont pro­posé leurs ser­vices mais nous avons tou­jours refusé car nous nous méfions des man­agers. Nous voulons que nos cœurs tout comme notre musique restent purs. La plu­part des man­agers veu­lent juste retir­er un avan­tage des musi­ciens. Plus tu entre dans le monde du busi­ness plus tu réalis­es à quel point il est laid, et à quel point tu dois t’en pro­téger. Mais je crois que nous y par­venons. Grâce aux réseaux soci­aux et aux nou­velles tech­nolo­gies nous avons entre les mains tous les out­ils néces­saires pour tout faire par nous même et ain­si rester indépendants.

Avant ce n’était pas ain­si. A l’époque il était néces­saire d’avoir un label lié à une grande com­pag­nie si tu voulais ven­dre ton album dans un pays. Ils pren­nent un pour­cent­age incroy­able sans n’en avoir rien à faire de toi.

Mais main­tenant, en restant indépen­dants, on peu envoy­er le nom­bre de CDs que l’on veut à des dis­trib­u­teurs sur inter­net et ils les envoient aux clients qui les com­man­dent. Ils pren­nent un pour­cent­age minus­cule et sont présents dans le monde entier. C’est génial.

Par exem­ple nous leurs envoyons l’argent, un ou deux dol­lars par CD, avec le design de notre choix, dans le pays de notre choix, dis­ons les Etats-Unis. Ils pro­duisent là-bas le nom­bre de CDs com­mandés et lorsque des clients améri­cains achè­tent nos CDs sur inter­net ils les leurs envoient. Et après ils pren­nent env­i­ron 10% sur la vente. Ce n’est pas exces­sif. Et ces sites, comme i tunes par exem­ple, ils dis­tribuent ain­si des mil­lions de groupes. De cette manière, nous n’avons pas besoin d’être les esclave d’un pro­duc­teur ou d’un manager.

Peut-être qu’un jour, si nous trou­vons un bon man­ag­er qui ne fait pas cela que pour le prof­it, nous accepterons. Mais ça ne nous est pas encore arrivé. On nous a pro­posé des con­trats de cinq ans où tu dois don­ner au man­ag­er entre 20 et 30 pour cents sur les prof­its des albums que tu pro­duis toi-même, et si le con­trat est résil­ié, même si c’est le man­ag­er qui le résilie lui-même, tu dois con­tin­uer à payer.

En Alle­magne nous avons com­mencé à tra­vailler avec des agences qui nous aident à organ­is­er des tournées, et ça se passe très bien, ça nous soulage d’une impor­tante charge de tra­vail. Nous trou­vons lente­ment les bonnes per­son­nes avec qui tra­vailler et c’est bien parce que nous ne sommes pas des hommes d’affaires, nous sommes des musiciens.

Il y a des choses que nous ne par­venons pas à faire par nous même. Par exem­ple, je rêve de jouer en Amérique du sud. Nous avons énor­mé­ment de fans au Brésil qui nous atten­dent impatiem­ment, mais nous n’avons pas les con­tactes néces­saires pour pou­voir organ­is­er une tournée là-bas. Alors on attend les bonnes per­son­nes qui nous per­me­t­trons d’organiser cela. Pareil pour les Etats-Unis, le Japon et même la France.

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Aurélie : Savez-vous com­bi­en de per­son­nes vous suiv­ent sur inter­net et d’où ils viennent ? 

Michal : Env­i­ron deux mil­lions de per­son­nes nous suiv­ent sur inter­net ! La majorité de nos fans, selon les sta­tis­tiques, sont en Turquie. En deux­ième il y a l’Egypte, avec d’autres pays arabes du Moyen-Ori­ent comme la Syrie, le Liban, la Jor­danie, et l’Arabie Saou­dite. Après vient l’Iran. Nous avons énor­mé­ment de fans là-bas grâce à notre clip de la chan­son Une femme de Téhéran (qui relate ma pro­pre his­toire, parce que mes par­ents vien­nent d’Iran et ont quit­té le pays à cause de la Révo­lu­tion islamique). Et puis, vient l’Amérique du Sud, surtout le Brésil et le Mex­ique. Ensuite, l’Europe, en par­ti­c­uli­er l’Allemagne, la Suisse et la France, car nous sommes passé sur la chaine Arte. Pour­tant, éton­nement, per­son­ne ne nous invite à faire de tournée en France. Bien au con­traire, de nom­breuses salles de con­certs ont décliné notre propo­si­tion. Nous y avons des fans mais nous ne par­venons pas à faire de con­cert parce que je crois que le monde de la musique français est très fermé.

Et puis, après vien­nent d’autres pays d’Europe. Le mois dernier nous étions en Litu­anie, c’était génial, nous avons pu décou­vrir leur cul­ture et nous avons adoré. Et la semaine prochaine nous serons en Crète.

Aurélie : Vous êtes à présent vrai­ment con­nus dans de nom­breux pays et vous con­tin­uez pour­tant à jouer dans la rue. Pourquoi ?

light-in-babylone-4Michal : Nous jouons dans beau­coup de fes­ti­vals, en par­ti­c­uli­er durant l’été. Mais nous aimons beau­coup Istan­bul et jouer dans la rue, sur l’Avenue Istik­lal. C’est génial de jouer dans la rue ! Les gens ren­trent du tra­vail. Ils sont fatigués et ne prê­tent atten­tion à rien de ce qui se trou­ve autour d’eux. Et puis ils enten­dent notre musique et ça apporte de la lumière dans leurs vies. Nous avons choisie de nous appel­er Light in Baby­lone parce que Baby­lone est la ville des gens qui regar­dent tous dans une seule direc­tion. Et lorsque tu créés de la lumière tu leur apportes l’opportunité de regarder dans d’autres direc­tions, dans toutes les direc­tion. Tu leur donnes le choix.

Quand tu fais de la musique les gens ressen­tent quelque chose. Ils s’arrêtent. Ils sont dans la rue, mais ils sont à un con­cert, en plein milieu de leur journée. Ils écoutent une chan­son, deux chan­sons, par­fois ils ne peu­vent plus s’arrêter, s’assoient sur le sol et écoutent tout le con­cert. Par­fois ils sont pressés, il écoutent un morceau et achè­tent le cd pour l’écouter chez eux. Par­fois ils pleurent, ils vien­nent vers nous pour nous dire qu’ils ressen­tent une grande émo­tion. Nous don­nons la pos­si­bil­ité de ressen­tir quelque chose, là, dans la rue, et c’est aux gens de choisir s’ils répon­dent à l’appel ou non. C’est une belle et impor­tante chose.

Un jour nous ne pour­rons peut-être plus faire cela, par manque de temps. Ca me man­quera beaucoup.

J’aime aus­si la scène parce qu’on peut jouer sur scène des morceaux que l’on ne pour­rait pas jouer dans la rue. Dans la rue tout va très vite et il y a beau­coup de bruit donc nous devons jouer des morceaux rapi­des, entrainants, qui attirent l’attention. Mais les morceaux plus calmes deman­dent le silence de la scène.

Je crois que les musi­ciens qui n’ont pas l’expérience de la rue ne sont pas chanceux. Cer­taines per­son­nes pensent que nous ne sommes pas pro­fes­sion­nels parce que nous jouons dans la rue. Ils nous qual­i­fient de “musi­ciens de rue”. C’est une honte ! Ils ne com­pren­nent pas que la rue est une scène. Et à Istan­bul en par­ti­c­uli­er tu peux voir des musi­ciens incroy­ables dans la rue, le genre de musi­ciens que tu ne trou­ves pas partout. Aus­si, à Istan­bul, cer­tains pas­sants ne sont pas habitués à aller à des con­certs. Par­fois ce sont des familles, par­fois une branche de la pop­u­la­tion plus con­ser­va­trice et religieuse qui ne fréquente pas les lieux d’agrément et de cul­ture. Mais quand ils passent dans la rue ils s’arrêtent et nous écoutent. Nous leur don­nons donc l’opportunité d’assister à des concerts.

Aurélie : Vous voy­agez beau­coup. Vous faites des tournées à l’étranger. Jouez-vous aus­si dans la rue de chaque pays où vous allez ? 

Michal : Non. La cul­ture des con­certs est dif­férente dans chaque pays. Par exem­ple à Istan­bul, tout est à l’extérieur. Par­fois c’est inter­dit de jouer dans la rue, par­fois ça ne l’est pas, mais de toutes façons ça ne peut jamais vrai­ment l’être car c’est une cul­ture de la rue ! Tout est à l’extérieur, la nour­ri­t­ure, la musique, tout. En par­ti­c­uli­er sur l’Avenue Istik­lal. Ce n’est pas comme en Alle­magne ou les cen­tres cul­turels sont très dévelop­pés. A Istan­bul, cer­taines salles de con­certs fameuses comme Garage Istan­bul ou Baby­lone nous ont pro­posé de jouer chez eux mais nous n’avons pas vrai­ment appré­cié l’expérience. Nous n’avons pas aimé l’attitude des organ­isa­teurs ni le matériel sonore qui est en général insuff­isant en Turquie, pour l’instant. Nous avons l’impression de faire des con­certs de meilleure qual­ité dans la rue. Donc à Istan­bul nous jouons dans la rue.

Mais quand nous allons, par exem­ple, en Alle­magne, c’est dif­férent. Là-bas, il n’y a pas assez de gens dans la rue. Par con­tre, il y a énor­mé­ment de cen­tre cul­turels et de salles de con­certs alter­na­tives et les gens s’y ren­dent. C’est une cul­ture de l’intérieur. Chaque cul­ture est dif­férente et nous devons com­pren­dre la cul­ture et les habi­tudes des gens du pays pour savoir où jouer.

Nos avons joué au sud de l’Inde, dans un fes­ti­val de world musique inter­na­tion­al. Mais là pas c’était très à l’occidental, mais dans un style indi­en, pour la classe moyenne supérieure. C’était un espace fer­mé, à l’extérieur de la ville, où les pau­vres ne peu­vent pas entr­er, mais c’était mal­gré cela une super expérience.

L’humain aime la musique partout dans le monde, ça ne change pas. En Litu­anie, en Suisse, en Turquie, les réac­tions sont les mêmes. Les gens sont tous des humains, ils ressen­tent les émo­tions de la même manière en écoutant de la musique.

Nous voy­a­geons beau­coup, mais ce n’est pas suff­isant. Nous jouons une ou deux fois par mois à l’étranger, sou­vent en Europe, mais ça ne nous suf­fit pas pour vivre. Avec les CDs ven­dus sur inter­net on peut sur­vivre, mais pour inve­stir dans de nou­veaux pro­jets, des instru­ments, la réal­i­sa­tion de clip et d’albums, nous devons en plus jouer dans la rue. Ca ne finit jamais parce que nous voulons tou­jours faire de nou­velles choses et il faut investir.

Aurélie : Vous vivez à Istan­bul depuis 5 ans. Qu’est-ce qui vous plait en par­ti­c­uli­er dans cette ville ? 

Istan­bul, c’est le meilleur endroit pour trou­ver des musi­ciens qui jouent dans un style ori­en­tal. C’est le meilleur lieu pour notre style musi­cal. Et ce n’est pas un cliché, c’est vrai­ment un pont entre l’est et l’ouest, mais c’est une ville gigan­tesque. Les seuls arbres que l’on trou­ve à Istan­bul sont les humains, ils sont partout. Peut-être qu’un jour nous voudrons vivre dans un lieu plus tran­quille avec un jardin, mais c’est seule­ment un rêve pour l’instant. Ce qu’il y a d’amusant avec notre musique c’est que les gens n’arrivent pas à nous caté­goris­er. Les gens nous deman­dent tou­jours quel genre de musique nous faisons. L’un de nous est européen, l’autre turc, la troisième (moi) israéli­enne orig­i­naire d’Iran. Ils ne peu­vent donc pas nous caté­goris­er en fonc­tion de nos nation­al­ités. Ils essaient donc ensuite de nous caté­goris­er en fonc­tion de nos instru­ments et n’y parvi­en­nent pas non plus parce que nous faisons de la world musique, nous venons du monde, et nous jouons pour le monde, pas pour un peu­ple en particulier.

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Aurélie : Par­le-moi un peu plus de vous, du groupe. Com­ment vous êtes vous ren­con­trés exacte­ment avec Julien ? Mete a‑t-il appris à par­ler anglais ?

Michal : Mete a appris à par­ler anglais ! Et on par­le aus­si un peu mieux turc. Mais ça ne change rien, c’était déjà facile de com­mu­ni­quer au début, unique­ment avec la musique.

J’ai ren­con­tré Julien dans les Balka­ns. Nous avons joué ensem­ble à un fes­ti­val en Bul­gar­ie, il jouait de la gui­tare et je chan­tais. Nous nous sommes donc ren­con­trés par la musique. Je voy­ageais à l’époque en Europe afin de trou­ver un lieu pour étudi­er la musique. Je ne savais pas grand-chose à pro­pos de la Turquie. Julien est à l’origine un ingénieur du bois. Mais son méti­er ne lui cor­re­spondait pas, il détes­tait être toute la journée devant un écran d’ordinateur. Il a donc décidé de quit­ter son job et de par­tir en voy­age. Il jouait déjà de la gui­tare à l’époque. Moi je jouais du piano, de la bat­terie, et je chan­tais un peu mais je ne pou­vais pas dévelop­per cela car en Israël la musique est perçue surtout comme un hob­by. Donc on me demandait tou­jours de trou­ver un vrai méti­er, sans con­sid­ér­er la musique. Je suis allée à l’Université et j’ai étudié l’é­d­u­ca­tion et les arts des nou­veaux médias. C’était intéres­sant mais ça n’était pas ce que mon cœur voulait alors je dépri­mais. Donc avec Julien nous avons décidé de quit­ter la réal­ité qui était dernière nous et de chercher notre vraie rai­son de vivre. J’ai voy­agé en Inde, en Europe, et j’ai réal­isé en ren­con­trant des musi­ciens que mon vrai truc dans la vie c’était la musique. Et d’un coup, ma voix s’est ouverte. Avant c’est comme si elle était étouf­fée, je ne chan­tais pas comme je voulais, et puis le bou­chon a sauté comme celui d’une bouteille de cham­pagne et j’ai pu vrai­ment chanter. C’était comme un proces­sus émo­tion­nel avec ma voix. C’est arrivé en Inde en ren­con­trant des gens. Avant j’étais mal­heureuse, et puis quand j’ai trou­vé ma voie (et ma voix) tout a changé et j’ai décidé le la suiv­re même si cela sig­nifi­ait une prise de risques.

Je suis par­tie à Istan­bul et Julien est arrivé quelques jours plus tard.

Aurélie : Vous vous êtes revus à Istan­bul par hasard ? 

Michal : Non (rire). Il me suiv­ait sur face­book ! Il m’a écrit un mes­sage pour me dire de l’attendre et qu’il arrivait à Istan­bul le lende­main. Et puis nous avons com­mencé à nous rap­procher et à faire de plus en plus de musique. Nous avions une vrai­ment bonne con­nex­ion. La musique est une par­tie impor­tante dans notre rela­tion, c’est comme une con­ver­sa­tion entre nous. Tout à com­mencé comme cela, avec ma voix et sa gui­tare. Mais lors de notre ren­con­tre en Bul­gar­ie je ne recher­chais vrai­ment pas de copain. J’étais indépen­dante et j’avais renon­cé au rêve du prince char­mant. Je pen­sais que les rela­tions amoureuses n’étaient qu’illusions, qu’elles n’existent que dans les films. Et j’avais accep­té cette sit­u­a­tion. Je ne recher­chais donc pas de rela­tion sta­ble, j’étais heureuse seule, avec cette déci­sion. Et puis, à Istan­bul, j’ai changé d’idée, je suis tombé amoureuse et voilà 5 ans que ça fonc­tionne. Et j’étais vrai­ment heureuse que Julien entre dans ma vie, et depuis 5 ans nous sommes heureux ensem­ble, avec la musique. Je crois que je ne pour­rais pas con­tin­uer à vivre sans la musique.

Aurélie : As-tu d’autres activ­ités et pas­sions, en dehors de la musique ?

Michal : J’aime cuisin­er et pein­dre. Mais vivre à Istan­bul c’est dif­fi­cile ! Il y a trop de gens, trop peu de calme pour pou­voir se focalis­er sur quelque chose. J’y arrive avec la musique et c’est déjà bien. Mais voilà cinq ans que j’essaie de finir un tableau et je n’y arrive pas. Avec la cui­sine ça marche parce qu’on est bien oblig­és de cuisin­er pour se nour­rir. J’adore la nour­ri­t­ure, j’adore manger et cuisin­er veg­an. Mais un jour, si l’on s’installe dans un lieu plus calme, près de la nature, je crois que je parviendrais à avoir une créa­tiv­ité plus grande. J’ai besoin de tran­quil­lité et Istan­bul n’est pas la ville de la tran­quil­lité ni de la nature. Ca me manque terriblement.

Aurélie : Ecris-tu les paroles de toutes tes chan­sons toi-même ? De quoi parles-tu ? 

Michal : Oui, j’écris moi-même mes chan­sons. Il y a seule­ment deux ou trois chan­sons qui sont de vieux poèmes juifs, mais toutes les autres sont de moi.

Nos chan­sons par­lent de nos vies. Il y en a une qui par­le des voy­ages, du fait d’être tout le temps dans de nou­veaux lieux avec de nou­velles per­son­nes et de nou­veaux points de vue. Et je par­le du con­flit entre le fait d’avoir par­fois envie de se sen­tir chez moi, et l’appel de la val­lée. Cet appel me dit “regarde, il y a d’autres pays, des gens que tu n’as pas encore ren­con­trés, ils écoutent ta musique, tu dois y aller, tu dois vrai­ment y aller”.

Dans une autre chan­son je par­le avec mon futur enfant. Il me pose beau­coup de ques­tions comme “pourquoi vivons nous à l’intérieur d’immeubles ? Où sont passés tous les arbres ? Pourquoi l’eau n’est-elle pas gra­tu­ite partout ?”. Je ne sais pas quel genre de répons­es je pour­rai don­ner à mes enfants dans quelques années…

Une autre chan­son, comme je l’ai men­tion­née plus tôt, par­le de mon his­toire familiale.

Mes par­ents sont iraniens, ma mère d’Ispahan et mon père de Téhéran. Ils sont juifs et ont dû fuir la Révo­lu­tion islamique en 1979 car c’était dan­gereux pour les minorités religieuses de rester en Iran. Des gens dis­parais­saient et l’on avait plus jamais de nou­velles. Comme ils étaient juifs, mes par­ents ont fuit en Israël parce qu’ils savaient qu’ils y seraient accep­tés. Sinon j’ignore où ils seraient allés. Mais en arrivant ils ont per­du la nation­al­ité irani­enne car les deux passe­port n’étaient pas com­pat­i­bles. Je suis née à Tel Aviv. On a dit à mes par­ents qu’à présent ils devaient appren­dre à par­ler hébreu et le par­ler avec leurs enfants pour qu’ils s’intègrent bien. Ils ne nous ont donc pas beau­coup par­lé far­si car ils souhaitaient nous offrir un futur.

Ma langue mater­nelle est l’hébreu, je com­prends le far­si mais je ne peux pas le par­ler. Je ne ren­con­trais jamais d’Iraniens autres que les mem­bres de ma famille car l’Iran et Israël sont deux Etats offi­cielle­ment enne­mis. Je n’ai jamais pu me ren­dre en Iran parce que les Israéliens ne peu­vent pas obtenir de visa. L’Iran, la cul­ture irani­enne, m’ont été fer­mées. Quand j’étais enfant, il n’y avait pas inter­net, donc on avait vrai­ment peu de nou­velles d’Iran.

J’ai ren­con­tré, pour la pre­mière fois, des Iraniens à Istan­bul et j’ai réal­isé qu’ils sont comme moi, mod­ernes, artistes, ils font des films, de la musique, des tas de choses.

Un jour, en con­cert j’ai fait un vœu. J’ai demandé aux gens de souhaiter avec moi que je puisse me ren­dre un jour en Iran pour chanter avec des femmes irani­ennes, ce qui leur est actuelle­ment inter­dit. Peut-être que lorsqu’on est nom­breux à souhaiter une chose on a plus de chance qu’elle se réalise…

Aurélie Stern pour Kedis­tan

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