« Les femmes sans fron­tières », (Sınır Tanı­mayan Kadın­lar), plate­forme de sol­i­dar­ité avec les femmes immi­grées, a demandé au jour­nal Hür­riyet de s’excuser auprès des femmes immi­grées, tra­vailleuses du sexe qui vivent à Aksaray (Istan­bul), suite à la pub­li­ca­tion d’un article.

Le groupe a affir­mé dans une déc­la­ra­tion que le fait de met­tre en dan­ger ces femmes qui sont sou­vent sans papiers et en sit­u­a­tion illé­gale en affichant leur vis­age et divul­guant leur iden­tité, ne cor­re­spondait pas à l’étique journalistique.

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Les pages du “Pazar”, sup­plé­ment de Hür­riyet :
“Ne fais jamais con­fi­ance à un blanc”

En effet, le 29 mars 2015, Hür­riyet, quo­ti­di­en nation­al­iste turc, avait pub­lié un reportage de Murat Şaka, con­cer­nant les tra­vailleuses de sexe dans son sup­plé­ment « Pazar » (Dimanche) et l’auteur Ahmet Hakan en avait égale­ment par­lé dans sa chronique du 30 mars.

« Les femmes sans fron­tières » expri­ment que cet arti­cle n’apporte pas un témoignage appro­fon­di et réal­iste, mais au con­traire com­porte des images et des mes­sages inac­cept­a­bles, qui encour­a­gent le cer­cle vicieux de la pros­ti­tu­tion, de la vio­lence et des abus dans lesquels ces femmes africaines se trou­vent. La déc­la­ra­tion souligne que l’article affiche les vis­ages des femmes en clair, annonçant ces femmes comme des tra­vailleuses du sexe. Ain­si il met en dan­ger leur sécu­rité, et leur fait pren­dre des risques de garde à vue, d’ex­pul­sion, etc.

 

Un bel exem­ple de la grav­ité de la pos­ture des médias turcs !

Le groupe de sou­tien demande égale­ment le retrait des pho­tos du site Internet.

Sur les pho­tos, les femmes sont exposées qua­si nues, vis­ages en clair. Les légen­des des images et le texte décrivent les femmes d’une façon à nour­rir les fan­tasmes mas­culins, en util­isant des adjec­tifs comme « crain­tives », « peureuses », « sans résis­tance devant la vio­lence », « cam­brées, avec leurs hanch­es char­nues »… Le reportage four­nit non seule­ment des infor­ma­tions sur les endroits où on peut les trou­ver, par l’intermédiaire de quelles per­son­nes, à quel prix, mais aus­si com­bi­en peu­vent gag­n­er ces « voy­ous » de leur com­merce de femmes. Comme si tout cela n’était pas suff­isant, l’article encour­age ouverte­ment les fan­tasmes avec des paroles comme «  je garde cer­tains moments pour moi ».

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Ahmet Hakan fait la pro­mo­tion du reportage dans sa chronique en le décrivant comme « le résul­tat d’un tra­vail d’une année et demie, de patience, du jour­nal­isme, de finesse, de suivi et de per­sévérance ». Com­ment cela se fait-il alors, que cet exem­ple jour­nal­is­tique « qui mérite d’être primé » ne par­le pas des vio­lences et des vio­ls subis sys­té­ma­tique­ment par des cen­taines de femmes immi­grées à Kumkapı, leur lieu de tra­vail, ni de l’ougandaise Jesca Nankabir­wa qui a été sauvage­ment assas­s­inée, poussée par la fenêtre, par E.D. qui l’avait appelée chez lui ?

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Le jour­nal Hür­riyet con­tribue à son tour à la nor­mal­i­sa­tion de la vio­lence subie par les femmes immi­grées, en instru­men­tal­isant la vio­lence subie pour son pro­pre porte­feuille d’articles, et en pub­liant ce tra­vail trans­for­mé ‑de notre point de vue- en une « expo­si­tion de pho­tos » opportuniste.

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La direc­tion d’un jour­nal qui mène des cam­pagnes con­tre les vio­lences faites aux femmes, comme Hür­riyet, devrait savoir que la vio­lence qui cible les femmes est directe­ment liée aux rela­tions sociales inégales.

Bianet rap­porte que l’article de Murat Şaka a été pub­lié égale­ment sur Hür­riyet Dai­ly News en anglais. On observe que l’article en anglais qui n’est pas passé dans le prisme de la rédac­tion du sup­plé­ment « Pazar » utilise tout un autre lan­gage. Par exem­ple le terme « sex work­er » est util­isé à la place de « pros­ti­tuée » con­traire­ment au sup­plé­ment. Les sous titres ne cherchent pas le sen­sa­tion­nel non plus. Sur l’article en anglais le sous titre « L’Economie de la pros­ti­tu­tion » (Eco­nom­ics of pros­ti­tu­tion) est rem­placé sur le sup­plé­ment « Pazar » par « Le fan­tasme de hanch­es cam­brées a fait baiss­er les prix des pros­ti­tués blanch­es ».

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