Yeşim Özbir­in­ci est jour­nal­iste au Gaia Der­gi, mag­a­zine écol­o­giste. Elle nous par­le de sa ren­con­tre avec les enfants des camps de con­tain­ers d’Ur­fa, de ces inter­ro­ga­tions, et de ses con­vic­tions qui vien­nent se heurter avec la réal­ité de la mis­ère d’un de ces nom­breux camps de réfugiés de la fron­tière syrienne…

« Edu­ca­tion, édu­ca­tion ! », crions nous sur les toits. Nous voulons que nos enfants fassent des études, aient un bon tra­vail. Les par­ents si néces­saire, font des con­ces­sions pour que leurs enfants ne man­quent rien.

Les enfants sont l’espoir du monde. Je pense qu’il sont les seuls êtres qui pos­sè­dent la force qui peut chang­er les choses. Parce que eux, ils sont inno­cents, inaltérés et ouverts aux savoirs.

Eux, ils n’ont pas de méchanceté, pas de cru­auté dans leur nature. S’ils réus­sis­sent à devenir des arbres sans être altérés, la Terre peut devenir aus­si verte qu’à ses débuts. La tache de pro­téger ces jeunes pouss­es, de les arroser et les faire grandir est notre devoir.

Mais tous les enfants n’ont pas les mêmes chances. Les enfants d’Urfa ne sont que quelques uns de ceux là. Quelques un des malchanceux qui se trou­vent dans les qua­tre coins du monde.

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pho­to : Yeşim Özbirinci

Ils nous regar­dent avec intérêt. Cer­tains avec curiosité, d’autres avec admi­ra­tion… Les enfants du vil­lage Aydüştü nous dis­ent « Restez ici, avec nous, ce soir ». Nous leur expliquons que nous devons par­tir mais qu’ils peu­vent nous ren­dre vis­ite quand ils veu­lent. Ils nous répon­dent avec un petit sourire, « Ils nous enver­rons jamais à la grande ville ». Nous sommes des grandes soeurs, donc nous leur dis­ons, « tra­vaillez bien à l’école ». Nous con­seil­lons : « Réus­sis­sez l’intégration* à un uni­ver­sité dans une grande ville ; vous pou­vez voir plein de choses, vous pou­vez rester debout sur vos pro­pres pieds ». Alors, ils dis­ent avec tristesse « Ils ne nous fer­ont pas faire des études », je reçois ces paroles comme un coup de couteau.

[*] En Turquie il n’y a pas de bac­calau­réat mais les diplômés des lycées et équiv­a­lents passent un con­cours en deux étapes pour pou­voir accéder à l’Université. L’égalité des chances est mise en cause dans cette étape de la vie aussi…

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pho­to : Yeşim Özbir­in­ci
Sidra (à gauche)

S’il n’y a pas d’école dans les vil­lages, les pères ne veu­lent pas envoy­er leur filles à l’école d’autres vil­lages. Qu’est-ce que c’est impor­tant de con­stru­ire des écoles ! Un père peut utilis­er tous les pré­textes pour ne pas envoy­er les enfants à l’école. Sela­mi Yazıcı, le Préfet Har­ran, nous explique que cer­tains vil­lages ne veu­lent pas de la con­struc­tion d’une école. Ils refusent parce qu’ils pensent que « des enseignantes non voilées vien­dront, elles détru­iront la moral­ité du vil­lage ». Il est pos­si­ble que ceux qui refusent aient util­isé le ter­rain prévu pour l’école pour cul­tiv­er et ne pou­vant pas l’avouer, ils pré­tex­tent ce genre de choses.

Dans les 101 vil­lages de Har­ran, 38 écoles sont con­stru­ites. Grace à cela, le nom­bre d’élèves dans les class­es ont dimin­ué de 56 à 28. Le nom­bre d’enseignants a aug­men­té de 800 à 1200. Vous voyez que le principe « une école pour chaque vil­lage » donne de bons résul­tats. Avant tout, la pos­si­bil­ité d’envoyer nos enfants à l’école aug­mente. La qual­ité de l’éducation aug­mente pro­por­tion­nelle­ment. Nous avons de nom­breux enseignants qui atten­dent des postes. Tout est lié dans cette solution.

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Les enfants réfugiés

Nous étions devant la porte du camp de réfugiés, con­stru­ite de cen­taines de con­tain­ers. Sans foulard et avec nos habits, il était évi­dent que nous ne fai­sions pas par­tie de cet endroit. En avançant lente­ment vers l’intérieur, je n’ai pas osé utilis­er l’appareil pho­to que je por­tais à la main. Je me suis sen­tie mal, j’ai eu honte de moi. Le chemin était bor­dé de gril­lages bar­belés. D’un côté des gril­lages des per­son­nes qui lut­tent pour sur­vivre, nous regar­daient ; de l’autre côté, nous, un groupe marchant tran­quille­ment avec des caméras à la main… Ce n’était pas un cirque. L’idée de pren­dre des pho­tos m’a dérangé. Ensuite une enfant, en voy­ant mon appareil m’a hélée « Pho­to ! Pho­to ! » J’ai com­pris qu’il voulait que je la prenne en pho­to et j’ai shooté. Les autres enfants qui ont suivi la scène ont aus­si com­mencé à pos­er. Ils se mon­traient avec le doigt, pour me faire com­pren­dre « moi aus­si ». J’ai com­pris plus tard que les pho­tos étaient un joyeux amuse­ment pour eux.

Sidra me tient la main, me racon­te des choses avec ent­hou­si­asme, en mélangeant le peu de turc qu’elle a appris à l’école avec l’arabe. Plein d’enfants de tous les âges sont autour de moi. Ils essayent tous de me tenir la main.

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pho­to : Yeşim Özbirinci

Et ceux qui me tien­nent la main, fri­ment devant les autres comme s’ils avaient réus­si un exploit. Nous com­mençons à vis­iter le camps, les mains, les bras tout noués. Chaque enfant qui nous voit, vient nous saluer, nous ser­rer la main, dire « Bien­venus » et deman­der « Com­ment allez-vous ? Quel est votre nom ? ».

Le camp de refugiés syrien, Cité Con­tain­er de Har­ran où se trou­ve env­i­ron 4000 enfants, nous étale devant les yeux l’existence d’un autre monde.

Nous avons pris de nom­breuses pho­tos pen­dant notre vis­ite. Par­fois j’étais la pho­tographe, par­fois c’était les enfants qui pre­naient l’appareil…

Si je dois être hon­nête, même si je suis triste, je ne peux pas com­pren­dre entière­ment ce qu’ils endurent. Demain je vais retourn­er à ma pro­pre vie. Mais je sais que cette prise de con­science à changé des choses en moi.

Demain sera dif­férent… Parce que les lende­mains doivent être différents.

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Arti­cle et pho­tos de Yeşim Özbir­in­ci pub­liés orig­i­nale­ment sur Gaia Der­gi, le pre­mier mag­a­zine écol­o­giste turc.

 

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