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J’ai lu quelque part, qu’au niveau du tri sélec­tif des déchets, les pays européens n’ar­rivaient pas à se met­tre d’ac­cord sur le code couleur des poubelles. Dans la pra­tique, ils ont finale­ment écrit dessus “Turquie”.

Par bateau, par camions entiers, vos poubelles de déchets plas­tiques, que vous séparez avec soin, arrivent, dizaines de mil­liers de tonnes par dizaines de mil­liers de tonnes… en Turquie, pour plus de moitié. 20 fois plus de déchets qu’en 2016, ce sont des chiffres offi­ciels, ont franchi les fron­tières turques en prove­nance de l’Eu­rope, en 2020.

L’Alle­magne, bien qu’en expor­tant déjà vers sa voi­sine polon­aise, est bien placée, tout comme le Roy­aume-Uni, la France, pour ne citer qu’eux.

Les dif­férentes tax­es sur le recy­clage, payées tout au long de la chaîne d’une pro­duc­tion plas­tique, de son util­i­sa­tion, puis de son ramas­sage, rétribuent ain­si un achem­ine­ment de déchets qui échouent sur le ter­ri­toire turc.

J’aimerai con­naître le fameux coef­fi­cient CO2 pour ces norias là, pro­duit avec vos tax­es, encais­sées par les sociétés spé­cial­isées qui en profitent.

La Turquie détiendrait-elle donc le secret du recy­clage ? Aux dernières nou­velles, pas davan­tage que Malte, mais elle a de la place, en bout de chaîne, pour s’en débrouiller, moyen­nant mon­naie trébuchante, comme elle stocke déjà selon les mêmes règles, les migrants que la même Europe ne val­orise pas non plus.

Un marché. C’est un marché, cette indus­trie qui vous cul­pa­bilise quand vous avez stocké dans une bouteille plas­tique quelques cen­til­itres d’eau pour une bal­lade. Elle ne se prive pas pour vous mon­tr­er les mers de plas­tique, mais vous cachent les bateaux fumeux qui en sur­face achem­i­nent votre “geste pour la planète”, direc­tion fos­sés qui brû­lent çà et là, en Turquie. Vous voilà vert, d’un coup, je trouve.

Je sais mal­heureuse­ment que ce traf­ic n’a rien de nou­veau, et est totale­ment légal sur le papi­er. La Chine, les pays d’Asie et d’Afrique ont peu à peu fer­mé leurs portes et leurs ports. Et il se trou­ve que la Turquie ne manque pas d’hommes d’af­faires tou­jours prêts à entre­pren­dre. Puisque la mode est à la prox­im­ité et aux cir­cuits courts, pour le plas­toc, la Turquie est dev­enue européenne. En pous­sant un peu les tas d’im­mondices que l’on avait déjà, des “entre­pre­neurs” ont fait de la place, et créé des “cen­tres de recyclage”.

A en juger les fumées et les odeurs dont beau­coup de paysans se plaig­nent, les décharges sauvages qui se mul­ti­plient, où les éti­quettes ne par­lent pas turc, l’é­tat de cer­tains cours d’eau déjà rares, on peut en déduire à coup sûr qu’il y a un prob­lème quelque part. Les alertes sont lancées.

Une infime par­tie de ces dizaines de mil­liers de tonne de déchets plas­tiques est réelle­ment traitée, on le sait aujour­d’hui. A tel point que dans le port d’Izmir récem­ment, ces déchets se sont entassés, refusés par leurs des­ti­nataires, sous le pré­texte qu’ils n’é­taient pas de “qual­ité voulue”.

Atten­tion, vous triez mal !

Pho­to Caner Özcan — Green­peace Turquie

Des asso­ci­a­tions son­nent le toc­sin, et Green­peace s’en mêle. 40% des déchets plas­tiques du Roy­aume-Uni, en aug­men­ta­tion avec le covid, serait arrivé en Turquie.

Nihan Tem­iz, chef de pro­jet bio­di­ver­sité de Green­peace Mediter­ranean, basé en Turquie, a déclaré que 241 camions de déchets plas­tiques venaient chaque jour d’Eu­rope vers la Turquie. C’est ain­si que l’in­for­ma­tion m’est arrivée. Et c’est ain­si qu’en cher­chant j’ai con­staté que cela datait déjà de quelques années et allait en s’am­pli­fi­ant, dans le plus grand silence de “l’in­dus­trie verte”.

Et, bien sûr, la Turquie est accusée de brûler ou d’en­fouir illé­gale­ment, ce qui est la réal­ité, des déchets qui par­lent anglais, espag­nol, français, alle­mand, suisse (?).

Et puisque tout à l’heure j’écrivais que la prox­im­ité était à la mode, j’ai envie d’écrire aus­si que ce n’est pas seule­ment à celles et ceux qui ont déjà bien à faire avec la répres­sion du régime, parce qu’ils/elles la ramè­nent, de pro­test­er con­tre ce crime écologique déguisé en vert. C’est à vous, écol­o­gistes européens, de ne pas fer­mer le cou­ver­cle de la poubelle, sans inter­roger la des­ti­na­tion de ce qu’il y a dedans.

J’e­spère seule­ment que lorsque les touristes européens vien­dront sur les plages, et je préfèr­erais per­son­nelle­ment qu’ils les boy­cottent, ils n’in­crim­ineront pas la “saleté” de la mer et des habi­tants de Turquie.

Les groupes et patrons qui d’Eu­rope en Turquie et vice-ver­sa ont organ­isé ce traf­ic légal, mode “on met la pous­sière sous le tapis”, quitte à pay­er pour ça, et le fai­saient depuis des décen­nies vers d’autres des­ti­na­tions, bien cachés der­rière des logos “recy­clage”, c’est à vous de vous en occu­per. Les autres ici, de toutes façons, sont dans les allées du pou­voir et prof­i­tent de la cor­rup­tion du régime. Ce sont donc les adver­saires habituels.

Je voudrais ter­min­er en pen­sant à la pau­vre Gre­ta, à qui on joue ce jeu de bon­neteau avec les poubelles. Et lui dire : “Celle qui a la fève, c’est celle au crois­sant”.

Une vidéo sur le sujet ICI.


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Mamie Eyan
Chroniqueuse
Ten­dress­es, coups de gueule et révolte ! Bil­lets d’humeur…