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Zehra Doğan est exposée depuis le 11 octobre au Drawing Center à Manhattan. Elle participe en effet à une présentation de 140 artistes qui ont toutes et tous, à un moment de leur vie utilisé le crayon en prison, comme une clé, “The Pencil is a Key”.
Bien que Zehra soit en ce moment mobilisée et touchée dans sa chair par ce qui se déroule au Rojava, en Syrie Nord, l’exposition de ses œuvres continue.
Il s’agit là en l’occurence, d’œuvres réalisées en prison, avec une absence totale de matériel artistique, sur des tissus de récupération. Des œuvres de la même période, et de mêmes facture seront d’ailleurs visibles également à Paris, dans la galerie de l’Espace Femmes Antoinette Fouque, à partir du 5 novembre 2019.
Zehra Doğan s’effacera comme elle le fait toujours, devant la cause kurde et la cause des femmes qu’elle défend. Les causes mêmes de son incarcération durant près de trois années dans les geôles turques concernaient déjà la solidarité avec le peuple kurde agressé et la protestation contre les massacres de l’état turc. Comme journaliste, comme artiste, elle en archive l’oppression et se saisit des espaces de parole qui lui sont donnés pour, encore et toujours, porter cette parole collective.
Et cette parole est nécessaire contre le bras armé d’Erdoğan au Rojava.
Elle profitera aussi de la sortie de son livre “Nous aurons aussi de beaux jours”, ses écrits de prison traduits en français, (toujours aux Editions des Femmes Antoinette Fouque), pour revenir sur ce qui est le quotidien répressif en Turquie, accentué par le climat de militarisation. Le livre sera disponible en librairie dès le 1er novembre. Zehra viendra le présenter.
Révulsée par les assassinats au Rojava, les bombardements des forces armées turques et les victimes civiles, les crimes des gangs, Zehra est tiraillée entre son métier de journaliste qui l’appellerait sur place, et la parole qu’elle peut porter en Europe, puisque l’on reconnaît ici a force, son talent et son combat, comme autrice et artiste.
C’est ainsi qu’un espace lui sera réservé également en Italie, alors que ses œuvres seront données à voir au Musée Santa Giulia à Brescia, dans le cadre du Festival della Pace, (Festival de la Paix).
Zehra Doğan a peu à prouver concernant la résistance qu’elle mène, à la place qui est la sienne, comme elle n’a pas de comptes à rendre sur son parcours qui la mena depuis 2014 en Syrie, aux côtés des femmes Yezidi, en 2015 sous les bombardements durant 4 mois, avec les populations kurdes assiégées dans les villes de l’Est de la Turquie, puis vers la direction case prison, affublée d’un acte d’accusation pour “propagande terroriste”. A peine libérée en février de cette année 2019, elle réalise au Tate Modern de Londres, une installation en hommage aux victimes de Cizre et des autres quartiers détruits. Qui viendra lui reprocher de se faire reconnaître comme combattante à son niveau ? Elle a d’ailleurs été remarquée par plus de cinq prix internationaux dont celui d’Index of Censorship, à sa sortie de prison.
Nous vous invitons à lire son livre qui recueille ses écrits de prison, échange de lettres sur près de trois années. Vous la connaîtrez mieux ainsi et comprendrez pourquoi des artistes comme Ai Weiwei et Banksy ont rendu hommage à son combat, et le PEN International l’a soutenue.
Kedistan est honoré de la compter parmi ses amiES et auteurEs, et continuera à œuvrer pour que sa parole soit entendue et écoutée, et que son art soit accessible et s’expose.
Zehra Doğan est aujourd’hui une Kurde nomade, cœur saignant au Rojava, une parole qui ouvre les yeux en Europe, une artiste qui dialogue avec le réel des oppressions dont elle fut une des victimes, femme qui garde en elle les rires de ses co-détenues et écrit quand même “Nous aurons de beaux jours”…
Zehra Doğan
Le livre | Le dossier spécial zehradogan.net
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