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Une suite de messages de Selahattin Demirtaş, ex co-président et député du HDP, en prison depuis près de trois ans.
Une fois levée l’immunité parlementaire des députés du HDP, comme d’autres, il fut arrêté et incarcéré, le 4 novembre 2016.
Vous trouverez cette suite de twitts sur le compte de Selahattin Demirtaş, @hdpdemirtas
1- Bonjour, j’espère que vous toutes et tous allez mieux. Nous aussi, allons bien. Je voudrais donner un peu d’informations à propos de mon procès. Pour des raisons évidentes, une importante partie des médias ne suivent pas mes audiences. Mais tout le monde a le droit de connaître les vérités.
2- Je vais peut être vous prendre un peu de votre temps, mais l’intégralité de ce que vais raconter est véridique et importante. Je sais que vous ne croyez déjà pas ceux qui se baladent d’une chaîne à l’autre et qui me déclarent “assassin terroriste”. Mais écoutez tout de même s’il vous plait, de ma bouche, toutes les “allégations”.
3- Allégation un : Selon la soi-disant déclaration qu’un témoin secret nommé Mercek a déposée en 2009, j’aurais reçu l’ordre du KCK1pour faire un discours en Kurde à l’Assemblée Nationale. A noter que le discours en Kurde fut prononcé par M. Ahmet Türk.
4- Le bureau principal du Procureur de la République de Diyarbakır, 2 ans après m’avoir fait arrêter avec cette accusation, a précisé dans un document, qu’il a envoyé sur la demande insistante du tribunal, que ce témoin secret n’existait pas. Et le procureur Uğur Özcan qui avait préparé et envoyé à l’Assemblée Nationale ce document d’enquête fut plus tard arrêté pour des liens avec la Confrérie.2
5- Allégation deux : le PKK3aurait écrit une lettre à une famille vivant a Elazığ, et demandé à Mme Gültan Kışanak et à moi même de la remette en main propre. La lettre en question aurait soi-disant été trouvée dans l’ordinateur de M. Abdullah Demirbaş, ex maire de Sur, quartier de Diyarbakır, et Ali Oruç, membre du Conseil du parti, nous l’aurait remise. Année 2009.
6- Lors de l’étude technique menée des années plus tard, il s’est avéré que cette lettre a été soutirée de l’ordinateur de Abdullah Demirbaş, illégalement. Ali Oruç, Abdullah Demirbaş et Gültan Kışanak ont été acquittéEs. Mais cette lettre, ajoutée à mon dossier, a été utilisé comme motif de mon arrestation.
7- La famille soupçonnée d’avoir reçu cette lettre, a affirmé également qu’une telle lettre n’existait pas. Par ailleurs, le procureur qui a préparé le dossier d’enquête est aussi Uğur Özcan, arrêté pour être membre de la Confrérie.
8- Allégation trois : En 2008, alors que j’étais vice-président de groupe [du HDP au parlement], j’aurais communiqué avec des dirigeants du KCK. Mon téléphone a donc été mis sur écoute, illégalement, alors que j’étais député. Dans les contenus de mes communications aucune preuve de crime n’a été trouvé, mais les personnes avec lesquelles j’ai parlé seraient des dirigeant d’organisation [illégale].
9- Qui étaient donc ces “dirigeants d’organisation” dont les identités ne sont pas révélées ‑exprès- dans le dossier d’enquête ? Celui qui montre toutes ces personnes qui sont les responsables de notre parti [HDP] comme des membres d’organisation [illégale] et établit un dossier d’enquête est encore le même Procureur arrêté pour appartenance à la Confrérie, Uğur Özcan.
10- Allégation quatre : J’ai participé aux conférences et tables rondes du DTK, Congrès pour une Société Démocratique,4bien connu de toutes et tous. Le contenu de ces réunions ne comporterait pas de preuve de crime, mais le DTK serait une “structure terroriste” et j’en serais dirigeant.
11- Le DTK est une plateforme légale, ouverte, légitime et qui poursuit ses activités à l’heure actuelle. Il est même invité à l’Assemblée Nationale par son Président afin de donner son avis sur les travaux concernant la Constitution.
12- De même, suite à cette invitation, le DTK avait présenté par écrit, ses avis et propositions à la Commission de réconciliation sur la constitution.
13- Nous avions participé à certaines de ces réunions, objets d’accusation, ensemble avec, ‑ironie du sort- Galip Ensarioğlu et Yasin Aktay, députés de l’AKP. Toutes ces réunions furent légales et ouvertes à la presse.
14- Allégation cinq : Une personne nommée Faik Hoca [Maitre Faik], un des responsables européens du KCK, m’aurait transmis un ordre qu’il a reçu pour ma participation à une conférence en Europe, par l’intermédiaire de Kamuran Yüksek.
15- Pourtant’ Kamuran Yüksek était alors notre vice-président [du HDP]. Celui qu’ils nomment “Faik Hoca”, soi-disant responsable du KCK, est le représentant européen de notre parti, Faik Yağızay. Comme il est professeur de mathématiques, dans le parti, il est surnommé “Faik Hoca”.
16- Le Ministre des affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu connaît aussi Faik Hoca. Ils se sont rencontrés au Conseil de l’Europe. Ces fausses accusations se trouvent dans le dossier d’enquête no 1. Le Procureur qui l’a établi est encore Uğur Özcan, arrêté depuis pour appartenance à la Confrérie.
17- Allégation six : En 2009, alors que j’étais vice-président du groupe [du HDP au Parlement] pour participer à un voyage à l’étranger avec le Président de République j’aurais informé le KCK et demandé autorisation. Or, la personne avec laquelle j’avais parlé est Kamuran Yüksek, mon vice-président de parti. Il est responsable des relations entre le siège principal du parti et le groupe du parti au Parlement.
18- C’est à dire que j’avais informé de l’invitation [du voyage] le siège de mon parti. Par ailleurs cette communication téléphonique a été écoutée illégalement. Le procureur ayant établi ce dossier d’enquête a été également arrêté pour appartenance à la Confrérie depuis…
19- Allégation sept : Je serais un des responsable du domaine politique du KCK en Turquie, et selon une liste “saisie” je serais à la 21ème place. Or la liste en question est celle des participantEs à la “Conférence des Administrations Locales”, co-organisée par le DTK et le DTP,5dans la salle de conférence de la Marie de Diyarbakır.
20- J’ai participé à cette conférence en tant que vice-président du groupe, et j’en étais intervenant. J’étais à la 21ème place dans la liste des intervenantEs.
21- Allégation huit : Les twitts qui ne comportaient pas de violence, publiés par le compte du siège du HDP, à propos des événements des 6–8 Octobre. 6
22- Malgré toutes les enquêtes menées jusqu’à aujourd’hui, pas un seul appel qui m’appartienne n’a été trouvé. Il serait impossible d’en trouver. Au contraire, mes deux appels, qui dénoncent la violence et que j’ai fait pour qu’elle cesse, sont d’ors et déjà dans le dossier.
23- Cependant, du fait de ne trouver aucune preuve, des messages publiés par un faux compte ouvert au nom de Murat Karayılan7ont été versés au dossier. Pour que les heures de publications correspondent, celles des twitts du HDP ont été falsifiées.
24- Toutes les accusations autres que celles-ci ont été basées sur mes discours ouverts à la presse. D’ailleurs, vous écoutez encore aujourd’hui la plupart d’entre eux sur les réseaux sociaux. Tous sont des discours prononcés dans le cadre de la liberté d’expression.
25- Par ailleurs, j’ai exprimé ces pensées également à l’Assemblée Nationale. Pour cette raison, on ne peut donc pas ouvrir un procès, effectuer une arrestation pour celles-ci, et même une enquête ne peut être ouverte. Car l’article 83/1 de la Constitution est ainsi :
“Les membres de la Grande Assemblée nationale de Turquie ne peuvent être tenus responsables ni des votes émis et des paroles prononcées par eux lors des travaux de l’Assemblée, ni des opinions qu’ils professent à l’Assemblée, ni de leur répétition ou diffusion en dehors de l’ Assemblée, à moins que l’Assemblée n’en ait décidé autrement au cours d’une séance déterminée sur proposition du Bureau présidentiel. ”
26- Les accusations à mon encontre pour “avoir fondé une organisation [illégale] et en être le dirigeant” sont intégralement celles-ci. Ecoutez donc de Şamil Tayyar, qui est le Procureur qui a préparé mon réquisitoire et qui a réquisitionné ma maison en pleine nuit, avec des policiers masqués, et qui, devant les yeux de mes enfants, m’a fait mettre en garde-à-vue, puis incarcéré : (vidéo en turc).
27- Nous avons porté tous ces complots et machinations devant le Tribunal Constitutionnel. Il est déplorable que ce Tribunal Constitutionnel ait refusé la requête sans se donner la peine d’étudier ces fausses preuves. Nous sommes allés vers la Cour européenne des droits de l’homme. La CEDH elle, a décidé que mon jugement et mon incarcération sont politiques. Et cette décision a été accueillie par “elle ne nous engage pas, nous la reconnaissons pas”.
28- Moi et mes camarades députéEs, sommes tenuEs en cellules, depuis près de trois ans, avec ce genre d’allégations . Nous sommes convaincuEs qu’un jour nous trouverons justice. J’exprime cela, non pas en faisant confiance à la Justice politisée, mais à notre peuple.
29- Tous ce qui reste en dehors de ce que j’exprime ici, est mensonge et calomnie. Nous avons fait de grands sacrifices pour la paix et pour un vivre ensemble, et le prix à payer fut cela. Mais nous ne sommes pas intimidéEs, ni désespéréEs. Nous continuons à résister. Jusqu’à ce que la paix et la démocratie triomphent.
30- Nous envoyons nos salutations chaleureuses à toutes et tous. Nous espérons que le pourquoi de notre détention comme otages politiques a été mieux compris.