On par­le sou­vent ici du Roja­va mais rarement du con­texte dans lequel il s’inscrit, la Syrie. On entend moins sou­vent encore les voix de celles et ceux qui sont les premier.es concerné.es. Pour ces raisons s’il en faut, “Le chemin de la lib­erté” de Naïs­sam Jalal et Samuel Lehoux est un doc­u­men­taire à voir.

Nous ne sommes ni syriens ni journalistes ni politiciens”

Le chemin de la lib­erté – paroles de révo­lu­tion­naires” syriens s’ouvre sur une voix qui explique com­ment et pourquoi ce film. Une voix amère devant l’urgence. Une voix écœurée par le silence. Elle racon­te l’enthousiasme qui se heurte à l’indifférence, le dés­espoir devant l’opportunisme et l’hypocrisie générale. Les mots sont durs. “Cha­cun voulait sa part d’un gâteau cuit dans le sang des syriens”. Elle par­le de ce print­emps dont tout le monde sem­ble détourn­er le regard, que l’on nomme com­plot ou guerre civile pour ne pas dire révo­lu­tion. Car c’est bien d’une révo­lu­tion qu’il s’agit. Alors, pour en par­ler, rien ne vaut le témoignage de celles et ceux qui l’ont vécue, risquée, façon­née à tâtons sous les tirs. Leurs paroles comme meilleure réponse aux calomnies.

C’est la révo­lu­tion d’un peu­ple sys­té­ma­tique­ment humil­ié par le régime, qui com­mence par une sol­i­dar­ité con­tagieuse avec les print­emps voisins, égyp­tien et libyen.

Rudi, Sha­di et Assem racon­tent. Les erre­ments et l’excitation des pre­mières march­es, l’adrénaline d’avant le pre­mier slo­gan. La ten­sion vibrante au sor­tir de la mosquée, puisqu’il n’y a que là que le régime a lais­sé au peu­ple le droit de se réu­nir. La mosquée où se rassem­blent alors toutes les con­fes­sions, les femmes, les jeunes et toutes celleux portées par l’espoir d’un change­ment. Avant les dis­per­sions, les trente-deux arresta­tions pour trente sec­on­des de man­i­fes­ta­tion, avant les morts, les disparitions.

Ils témoignent et dis­ent la peur, quand “le bruit des balles est plus fort que la voix des gens”, expliquent aus­si la prop­a­ga­tion du mou­ve­ment, la lutte non-vio­lente pour la démoc­ra­tie, l’organisation en comités de coor­di­na­tion, les actions secrètes, les march­es, la clan­des­tinité, la tor­ture, la mil­i­tari­sa­tion d’une révolte qui se voulait pacifique.

Découpé en chapitre où s’entre-mêlent les voix de ces trois témoins aujourd’hui réfugiés à Paris, le film est émail­lé de cita­tions de Mal­com X, de Fanon ou de Kateb Yacine qui repla­cent les réc­its dans une his­toire uni­verselle des luttes et des révo­lu­tions. Retraçant chronologique­ment les pre­mières années de ce print­emps, il per­met de mieux com­pren­dre les mécan­ismes à l’œuvre pour sa décrédi­bil­i­sa­tion, à com­mencer par ceux élaborés par les pays lim­itro­phes, mais aus­si les expéri­ences démoc­ra­tiques mis­es en place par un peu­ple qui invente et con­stru­it sa liberté.

Tu sais, en fin de compte, la révo­lu­tion syri­enne n’est plus seule­ment une révo­lu­tion pour le peu­ple syrien. C’est la révo­lu­tion de l’humanité dans tous les sens du terme.”

Une révolution dont personne ne sait, en 2014, ce qu’elle va devenir

Je ne suis pas venu ici pour dire à un quel­conque gou­verne­ment dans le monde d’intervenir en Syrie. Quand le peu­ple syrien a lancé son cri, il n’a pas crié pour appel­er au sec­ours. Mais il est temps que le monde entier com­prenne qu’il y a là une human­ité en péril”.

C’était il y a cinq ans, et le silence est tou­jours aus­si assourdissant.

chemin de la liberte film


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