Trois ans d’ex­is­tence pour le mag­a­zine Kedis­tan. Et tou­jours pour com­pléter l’in­for­ma­tion sur une par­tie du Moyen-Ori­ent, et caress­er à rebrousse-poils.

En trois ans, le site a changé pourtant.

Si l’in­ten­tion de départ en 2014 était bien de combler ce qui nous parais­sait un manque man­i­feste, (qui lais­sait la place à toutes les pub­li­ca­tions, sur la Turquie en par­ti­c­uli­er, vues au tra­vers d’un prisme “ori­en­tal­iste” ou “répub­li­can­iste laïc”), l’ac­cen­tu­a­tion des crises et des guer­res dans la région nous a amené à doc­u­menter, analyser, réfléchir, don­ner à réfléchir, sur des actu­al­ités humaines, écologiques, poli­tiques et sociales en con­stante évo­lu­tions et déchirements.

Ces réflex­ions, analy­ses, se sont faites à la lumière des ren­con­tres, échanges, col­lab­o­ra­tions, avec beau­coup d’autres per­son­nes, groupes ou mou­ve­ments, qui comme nous cher­chaient à appro­fondir le leg poli­tique pour l’avenir que ces crises des Etats-nation engen­drent sur place.

Pour la Turquie par exem­ple, du soulève­ment de Gezi de 2013, (que la toute petite équipe n’avait doc­u­men­té que sur les réseaux soci­aux, faute d’ex­is­tence du mag­a­zine), jusqu’à la bas­cule dite du “coup d’é­tat man­qué” de juil­let 2016, nous avons tis­sé un réseau d’in­for­ma­tions et de sol­i­dar­ités mil­i­tantes qui a per­mis à min­i­ma de combler ici, le vide lais­sé entre les mots con­venus et “objec­tifs” des “agences de presse”, prin­ci­pales sources des médias mainstream.

Le site, durant cette péri­ode, a mod­este­ment fait le pont entre deux rives, et a ren­con­tré une attente bien au-delà de son attache logis­tique française.

Lors du pre­mier anniver­saire, nous écrivions :

Et parce que toutes les con­di­tions d’un chaos étaient réu­nies, les guer­res se sont inten­si­fiées au cours de cette année passée, nous amenant à aug­menter nos brèves, dénon­cer, soutenir… pren­dre parti.

Autant de tra­vail de véri­fi­ca­tion d’informations, de tra­duc­tions, de recoupe­ments, faute d’avoir des chats reporters dans tous les coins. Cela nous a amené à de belles ren­con­tres, témoignages, pho­tographes, jour­nal­istes, intel­lectuelLEs ou artistes, qui pren­dront peu à peu leur place, comme rédacteurs/trices, comme invitéEs per­ma­nentEs ou col­lab­o­ra­teurEs occa­sion­nelLEs. Si Kedis­tan peut aus­si être ce lieu de con­ver­gences de mots et de regards croisés, tant mieux. L’horizon est ouvert.

Et par voie de con­séquences, ras­surez-vous, l’esprit de chapelle ne règn­era jamais sur Kedis­tan. Ni Dieu ni maître, ni encens. Les chats détes­tent cette odeur. Vous ne nous enten­drez jamais non plus miauler dans le vide, his­toire de gon­fler un ego en manque. L’équipe, c’est nous et on, pas moi Je.
Mais la réal­ité est aus­si celle des espoirs qui nais­sent, autour du Roja­va, en Turquie aus­si der­rière un proces­sus poli­tique dont nous avons abon­dam­ment par­lé dans ces pages.

Nous voilà mal­gré nous, avec une sorte de “respon­s­abil­ité” mil­i­tante, et pour­tant l’envie et le désir de ne pas devenir “sérieux” et “jar­gonnant” pour autant. Per­son­ne ne se sent investi d’une tâche de Sisyphe, au nom de je ne sais quel intérêt supérieur, non, nous aimons cette région du monde, c’est tout. Et nous pen­sons tou­jours qu’un autre monde est pos­si­ble et néces­saire. Et du coup, nous pro­posons aus­si, oh le gros mot, des regards politiques.

Si le noy­au logis­tique de pub­li­ca­tion, mis­es en ligne et ges­tion du site a peu gran­di, le tra­vail en réseau, lui, a enrichi l’ensem­ble de nouveaux/lles auteurEs, tra­duc­teurEs, jour­nal­istes voyageurs.
Des collaborateurs/trices, sont venues et repar­tiEs, selon les cam­pagnes de sol­i­dar­ité que nous avons ten­tées d’im­pulser… La vie d’un mag­a­zine est ain­si faite.

Mais l’an­née qui vient de s’é­couler a ren­for­cé la volon­té de défendre et pop­u­laris­er les idées de futur qui pointent sous les ruines et les crises. Et le mou­ve­ment kurde d’é­man­ci­pa­tion, qui est por­teur d’un pro­jet de sor­tie par le haut pour toutes et tous, nous intéresse là, à plus d’un titre, lorsqu’il rejoint l’Ecolo­gie Sociale et le Communalisme.

L’an­née écoulée nous a ren­for­cé dans l’idée que des sol­i­dar­ités con­crètes, tis­sées d’une rive à l’autre, étaient mille fois plus por­teuses de pris­es de con­science, parce qu’hu­maines et col­lec­tives, que du jar­gonnage rad­i­cal en boîte. Ain­si, avons nous été très présentEs et acteurEs, en tant que mag­a­zine, dans l’or­gan­i­sa­tion de la cam­pagne de sou­tien à la roman­cière Aslı Erdoğan… Moins dans les céré­monies offi­cielles d’au­jour­d’hui, c’est un fait, vu notre allergie aux petits-fours…

Ain­si, ce sou­tien a‑t-il per­mis bien au-delà, de met­tre les pieds dans le plat au sujet de la “dérive” du régime turc, pour con­tribuer à faire com­pren­dre que cette “dérive” n’est qu’un avatar d’une crise poli­tique régionale glob­ale des Etats-nations issus du grand partage d’il y a un siè­cle. Bien mod­este­ment, mais les arti­cles de la presse main­stream ont pour­tant quelque peu aban­don­né l’ori­en­tal­isme et l’eu­ro-cen­trisme con­venu, peu à peu. Nous sommes heureux d’avoir été un petit mail­lon de la chaîne, et de con­stater que l’in­for­ma­tion passe.
Nous pour­rions citer d’autres cam­pagnes de sol­i­dar­ité, en syn­ergie, autour des jour­nal­istes empris­on­nés, de tous les otages poli­tiques, des uni­ver­si­taires, LBGTI, femmes, migrantEs et réfugiéEs… Tou­jours au mod­este niveau qui est le nôtre. Vous les trou­verez toutes sur le site.

Un mot sur ce niveau mod­este. Nous dis­posons de sta­tis­tiques non com­mer­ciales et fiables, qui sont celles de notre “serveur”. Vous avez êté, selon les mois de l’an­née écoulée, entre 130 000 et 80 000 lec­tri­ces et lecteurs à vous con­necter sur le site de Kedis­tan. Ces derniers mois, près de 10 pages sont con­sultées par con­nex­ion de lecteur/trice, soit autour de 800 000 lec­tures men­su­elles en moyenne. La fréquen­ta­tion du site s’est sta­bil­isée pour les fran­coph­o­nes, mais a aug­men­té par ailleurs. (encore mille mer­cis à notre “four­mi” tra­duc­trice anglaise).

La con­sul­ta­tion du site est restée gra­tu­ite, l’abon­nement aus­si, grâce à la souscrip­tion tou­jours en cours. Même si tout le monde est “bénév­ole”, l’in­for­ma­tion a un coût, et surtout la logis­tique pour sa dif­fu­sion et mise en ligne. Encore un grand mer­ci à tous les donateurs/trices. Mer­ci d’a­vance pour la cagnotte “anniver­saire”, pour celles et ceux qui veu­lent apporter con­tri­bu­tion à leur tour.

La sit­u­a­tion poli­tique s’as­sombrit au Moyen-Ori­ent, tan­dis que les “vic­toires mil­i­taires” con­tre Daech sont effec­tives. La répres­sion en Turquie se pro­longe en parox­ysme, le géno­cide poli­tique kurde bat son plein, procès après procès, et le nation­al­isme, dou­blé d’oripeaux religieux, voit Erdoğan ren­forcer un pou­voir qui n’a rien à envi­er au fas­cisme. Les bottes foulent tou­jours le sol alentour.
Dans cette sit­u­a­tion, tiss­er des liens avec celles et ceux qui infor­ment égale­ment au jour le jour des évo­lu­tions est impor­tant. Vous con­staterez que ces liens fig­urent sur notre page d’accueil.
Con­tin­uer de plus belle à partager égale­ment des analy­ses, à se con­fron­ter à des points de vue pour agir, informer, et pour­suiv­re la dif­fu­sion du site via les réseaux soci­aux sera tou­jours notre pro­gramme basique pour 2018. Pour celles et ceux qui pra­tiquent ces réseaux soci­aux, si vous prenez l’habi­tude en trois clics de relay­er nos pub­li­ca­tions régulière­ment, vous par­ticiperez ain­si à ce tra­vail d’in­fo col­lec­tif. La page Kedis­tan vous attend pour ce faire sur Face­book, ain­si que sur Twit­ter.

Enfin, nous allons être très forte­ment sol­lic­ités par la cam­pagne de sou­tien à notre amie Zehra Doğan, jour­nal­iste et artiste détenue en prison à Diyarbakır.
Nous n’al­lons pas ici redévelop­per les ten­ants et aboutis­sants de cette cam­pagne de sou­tien. Un dossier spé­cial Kedis­tan y est consacré.

Nous n’y sommes pas seuls, loin de là, et nous souhaitons encore y être plus nom­breux au fur et à mesure des ini­tia­tives qui se font jour. Le livre con­sacré à Zehra est essen­tiel. Il sera en librairie en jan­vi­er, et peut être déjà com­mandé sur Kedis­tan, en pre­mière édi­tion. PEN Inter­na­tion­al, ses sec­tions, Amnesty Inter­na­tion­al ont placé Zehra dans leurs pro­pres cam­pagnes de sou­tien et seront des parte­nar­i­ats impor­tants à venir.

Entre mars et avril 2018, autour de l’ex­po­si­tion des oeu­vres de Zehra à Paris durant plusieurs semaines, des coopéra­tions asso­cia­tives per­me­t­tront de faire pass­er le mes­sage qui est le sien, comme femme, jour­nal­iste, kurde et artiste. Nous com­mu­ni­querons très bien­tôt les autres lieux et dates, fort nom­breuses… et qui vont nous pren­dre énergie et temps durant l’an­née à venir, mais con­stituer tout autant une belle aven­ture humaine que nous vous fer­ons partager mois après mois.

Alors il y a du chat sur le mur, et des cro­quettes à moudre pour l’an­née qui vient. On l’e­spère tou­jours avec votre sou­tien et attention.

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Le petit mag­a­zine qui ne se laisse pas caress­er dans le sens du poil.